lundi 18 décembre 2017

Lc 1, 39-56

Lectures bibliques : So 3, 14-18a ; Ps 33, 2-3. 11-12. 20-21 ; Lc 1, 39-56
Thématique : le Magnificat, comme annonce du salut de Dieu… de l’accomplissement des paroles des prophètes et des psaumes.   
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 17/12/17

* La période de l’Avent constitue pour les Chrétiens un temps de préparation et d’attente :
Attente de la venue du salut de Dieu, qui va se manifester en Jésus Christ. 
Et préparation à recevoir ce cadeau de Dieu… le mystère de la présence de Dieu en Jésus Christ. 

Ce mystère que la théologie a appelé « incarnation » nous conduit à un double mouvement : 
- D’une part, nous mettre à l’écoute de l’Evangile, puisque Jésus y est présenté comme la Parole de Dieu faite chair, le Verbe incarné et manifesté de Dieu (cf. Jn 1, 1-18).
- Et, d’autre part, ce mystère nous ouvre à l’accueil du Souffle de Dieu en nous. Il nous conduit à nous ouvrir à la présence de Dieu dans notre intériorité par son Esprit saint … car c’est ainsi qu’il a agi en Marie, par son Esprit : Il est venu l’habiter et la transformer.  

Le mystère de l’incarnation nous invite donc à réfléchir personnellement :
Qu’est-ce qu’on attend de Noël ? … et comment nous y préparons nous ?

Le fait que Dieu choisisse de se révéler dans notre humanité en Jésus (et par lui) : qu’est-ce que cela nous dit de Dieu ? Qui est-il pour nous ?

Enfin, cela nous fait réfléchir à la présence de Dieu au coeur de notre vie : 
Si Dieu - par son Esprit - est venu se manifester et se révéler en Jésus : ne peut-il pas aussi se rendre présent en nous ? 
Lui laissons-nous de la place pour qu’il agisse dans notre vie et notre coeur ? Acceptons nous d’être comme Marie : d’accueillir sa présence avec confiance et d’accueillir sa grâce - sa joie - au sein de notre existence ? 

Oui… Qu’est-ce que ça change vraiment pour nous que Dieu soit venu se révéler dans notre humanité ? C’est la question que Noël nous pose. 

* 1) Pour entamer cette méditation, je vous propose de nous arrêter [ce matin / cet après midi] quelques instants sur la prière de Marie : 
Le Magnificat est un hymne qui chante la gratitude personnelle de la mère de Jésus, pour l’accomplissement des promesse de l’Alliance, en faveur de tout le peuple de Dieu. 

Marie est la figure exemplaire du croyant… de celle ou de celui.. qui fait confiance en Dieu, qui se met à l’écoute de la volonté de Dieu, qui se rend disponible au Seigneur. 

Dans sa prière, Marie fait preuve de reconnaissance. Elle rend grâce à Dieu pour sa bonté et sa sollicitude… elle exprime sa joie.

Sa prière d’exaltation est une manière de remercier Dieu pour sa bonté et sa confiance. Elle manifeste à travers ses mots qui est Dieu pour elle :

Dieu est quelqu’un, une Force :
  • qui intervient
  • Qui rend justice
  • Qui relève
  • Qui prend soin
  • Qui comble de bien
  • Qui est fidèle à ses promesses
Devant la grâce de Dieu, elle ne peux qu’exprimer sa joie et sa gratitude.

Cette prière nous entraine, nous aussi, à réfléchir à qui est Dieu pour nous ?
En quoi et pour quoi avons-nous envie - et pouvons nous - le remercier dans notre vie ?

Quels sont les dons que nous avons reçus dans notre existence ?… et pour lesquels nous aimerions le louer et le bénir ?

Bien souvent, par fatigue, par habitude ou lassitude, il nous arrive de voir tout ce qui na va pas bien : notre solitude, nos angoisses, notre fatigue physique ou mentale, notre corps qui perd ses forces face à la maladie ou la vieillesse, des amis ou des proches qui disparaissent, le journal télévisé qui montre souvent la laideur et la souffrance du monde, etc. 

Alors, parfois, plutôt que de voir le verre à moitié vide… ne pourrions-nous pas essayer de faire comme Marie, qui choisit de s’inscrire résolument dans la gratitude… qui veut voir le bonheur qu’il y a d’être vivant, tout en se sachant aimé(e) Dieu.

Bien sûr, il ne s’agit pas d’être naïf ou inconscient, mais d’oser la confiance… de croire que Dieu est là… qu’il nous soutient… que sa Parole s’accomplit… malgré les malheurs et les maux de l’existence : 
C’est ce que fait et vit Marie dans sa relation à Dieu. Elle nous apprend la force de la confiance et de la gratitude. 

* 2) Deuxième point : la prière de Marie nous ouvre au mystère de l’incarnation.

Pour parler de cette idée d’ « incarnation », on emploie souvent - à tort - l’expression : « Dieu s’est fait homme » (qui fut employée par Irénée, un père de l’église… puis reprise par Athanase, Grégoire de Naziance, Gérgoire de Nysse et d’autres). 
Mais, si vous relisez ce que dit le Prologue de Jean, ce n’est pas ce qui est dit exactement : il dit « le Verbe de Dieu - sa Parole - est devenue chair : est entrée dans la chair : Elle a planté sa tente parmi nous (cf. Jn 1,14). 

Souvent, nous comprenons mal le concept/ la doctrine cachée derrière le terme « incarnation » : nous l’envisageons à la manière d’un mythe grec où un dieu devient un homme, par exemple, pour descendre sur terre, afin de s’introduire dans l’humanité et éventuellement - dans la mythologie - de pouvoir séduire une jeune femme.

Or, il ne s’agit pas de transformation dans l’incarnation : Dieu qui est Esprit - qui est l’Eternel, le Vivant - reste Dieu. Il ne se transforme pas en quelque chose ou quelqu’un : il ne « devient » pas un homme… au sens d’un changement d’état. 

L’incarnation ne veut pas dire que Dieu devient un homme, au sens d’une transformation, d’une métamorphose.
Elle signifie que Dieu se révèle dans notre humanité dans l’homme Jésus.

Cela veut dire que Dieu vient se manifester au creux de notre humanité, dans notre histoire humaine. 

Ainsi, il vient révéler son amour aux humains à travers un homme : Jésus, qui sera reconnu comme Christ… c’est-à-dire comme le Représentant de Dieu, son lieu-tenant (celui qui tient lieu de Dieu), qui manifeste sa Parole et sa volonté aux yeux de tous.  

Tous les ans, nous relisons ces passages du Nouveau Testament autour de l’Annonciation ou la Visitation : nous pouvons y réfléchir à la lumière de notre propre actualité : 

Que signifient cette période de l’avent et de Noël pour notre vie d’aujourd’hui ? Quel sens cela peut avoir pour nous ? Quelle perspective et quelle direction l’Evangile nous ouvre-t-il à travers ces récits ?

Et qu’est-ce que ça veut dire, pour nous, cette incarnation - cette révélation - cette manifestation de Dieu ? Qu’est-ce que ça change pour notre monde ?…. et pour nous personnellement ?

L’incarnation est un mystère… car il est difficile pour nous de penser Dieu… et de penser que Dieu, l’Eternel, le Créateur, le Fondement de l’être… le Dieu qui est Esprit, Amour, Lumière… puisse se rendre présent dans / et à travers / un humain.

Au-delà des mots et des doctrines… ce mystère signifie que Dieu nous aime. Qu’il veut se faire proche de nous. Qu’il prend soin de nous : Qu’il veut être « Emmanuel » : Dieu avec nous. … 
Mais, nous, voulons-nous être des humains - des hommes et des femmes - avec Dieu ?

Ainsi, la Bonne Nouvelle qui est exprimée à travers le mystère de l’incarnation, c’est que Dieu n’est pas un dieu distant et désintéressé… mais un Dieu attentif à sa création et ses créatures : un Dieu - qui est comme un Père ou un Berger : un Dieu qui prend soin des siens…. Comme un père aime ses enfants. 

Noël, c’est donc la découverte ou la redécouverte que Dieu vient manifester son amour - mais aussi sa volonté - pour nous, à travers Jésus : 

Il nous dit, à travers lui, ce que c’est d’être un « être humain véritable » (un « Homme » ou une « Femme » véritable). 
Car Jésus a été l’image d’un être humain pleinement humain, vivant sans cesse de l’amour / et par l’amour / qui vient de Dieu. 

 * 3) Troisième et dernier point : on peut se mettre à l’écoute de la manière de voir que Luc nous propose dans son Evangile : 
Pour lui, il est question de foi, d’accomplissement et de justice. 

Luc relie la venue de Jésus au salut de Dieu et à sa justice. 
C’est important de le rappeler, car, bien souvent, nous pouvons éprouver - face à toutes les catastrophes annoncées aux journaux télévisés - l’injustice et la dureté du monde. 

Dire que le salut (le règne de Dieu) approche en Jésus Christ, cela signifie que si nous nous mettions vraiment à l’écoute de l’Evangile : nous pourrions enfin trouver - pour notre monde - la voix/voie de la justice et de la paix que Dieu veut pour les humains.

Pour l’évangéliste Luc, la naissance de Jésus récapitule toutes les promesses de l’Ancien Testament et signifie qu’elles seront tenues. 
En Jésus, Dieu manifeste son salut à son peuple. Il lui montre le chemin de vie, pour l’arracher à sa captivité et à son malheur… pour le guérir de toutes ses blessures. 

Pour Luc, c’est en Jésus que s’accomplit toute l’Ecriture. 
Il emploie ainsi le mot « teleiôisis » : accomplissement, achèvement, pour décrire ce qui va advenir par la venue de Jésus.

En mettant dans la bouche de Marie, le chant de louange du Magnificat, l’évangéliste veut montrer que Marie n’est pas seulement une femme de foi, elle a réellement conscience qu’en Jésus, « Dieu sauve ». C’est d’ailleurs le sens du prénom « Jésus » ou « Josué ». 

Dans sa prière de louange, Marie se fait ainsi la voix de tous les pauvres, les malheureux, les malades, les déshérités, auxquels « justice » va être rendue, par Jésus. Car, il est celui qui va accueillir les exclus et les marginaux. Celui qui va apporter guérison, paix et réconciliation.

Par lui, Dieu va retourner la situation : il va précipiter les puissants (et leurs idées de domination) de leur trône, et relever et exalter les humbles. 

L’accomplissement de cette promesse de salut et de justice exprime toute l’espérance des psaumes et des prophètes, dont Marie reprend les paroles dans le Magnificat. 

On voit donc - à travers cet hymne - que pour Luc, Marie constitue la personnification symbolique du peuple Juif, qui « attend » le messie. Elle est présentée comme la « Fille de Sion ».

Or – comme les prophètes l’avaient annoncé – il avait été promis à cette Fille de Sion qu’elle aurait Dieu en son sein (So 3, 14), qu’elle enfanterait (Mi 4, 10) et qu’elle donnerait naissance au Messie (Es 7, 14).

La foi qui est celle des évangélistes Luc et Matthieu, c’est que tout cela - toutes ces prophéties - se réalise(nt) enfin avec la venue de Jésus. 

Luc reporte donc sur la figure de Marie toutes les caractéristiques que les Ecritures (ici, l’Ancien Testament) attribuaient à cette Fille de Sion. Et cette réalisation débouche sur la gratitude : Marie est présentée comme une humble servante, au service du dessein de Dieu, de sa volonté bienveillante pour l’humanité. 

* Pour conclure… Je crois - chers amis - que nous pourrions faire nôtre cette gratitude qu’exprime la mère de Jésus. 
Chacun pourrait reprendre à son compte ce chant merveilleux et remercier Dieu d’avoir posé son regard d’amour - son regard de Père - sur son insignifiance et fait en lui de grandes choses. 

Car, oui… nous sommes - nous aussi - un peu comme Marie : nous sommes des « petits » : nous sommes de simples créatures sur une petite planète perdue d’une petite galaxie dans un univers infini. Et pourtant ce Créateur porte un regard d’amour sur nous. 

Le Magnificat nous redit que Dieu ne tient pas compte de nos titres, de nos mérites, de nos réussites à vues humaines, pour nous aimer. 
Au contraire, il balaie toutes nos étiquettes et nos critères de jugement. Il exalte notre petitesse et rassasie nos faims. 

Comme Marie… c’est seulement dans notre humanité, au coeur de notre vulnérabilité et de nos fragilités, que nous pouvons oser faire confiance à Dieu et le rencontrer, pour recevoir son amour. 
Parce que nous nous savons pauvres, nous pouvons accueillir sa Parole en Jésus Christ. 

Comme Marie… laissons son Esprit saint nous habiter, nous relever et nous transformer.   


Amen.

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