dimanche 16 avril 2017

Mc 12, 18-27

                                               Mc 12, 18-27
Lectures bibliques : Jn 20, 19-23 ; Mc 12, 18-27 ; 2 Co 5, 1-7
Thématique : La résurrection
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, Pâques 2017, le 16/04/17
(Inspirée d’une méditation de Jean-Marc Babut)

Y a t-il, pour nous, quelque chose au-delà de la mort ?
Qu’est-ce qu’en dit la Bible ? Que doit-on en penser ?

* Tout d’abord, il faut signaler qu’il n’y a pas de réponse uniforme dans la Bible.
La Bible a été écrite par des auteurs variés, sur plus de 1000 ans, qui ont été en dialogue avec différents milieux culturels : Juifs, Samaritains, Païens, Assyriens, Perses, Grecs, Romains, etc. Ces différentes cultures ont influencé leurs croyances, leurs manières de parler de Dieu ou de l’au-delà.

En tant que Chrétiens, ce qui nous intéresse c’est de connaître la foi de Jésus, pour marcher à sa suite, pour entrer dans sa confiance.
Avant de méditer ce qu’il dit sur cette question, il est bon de savoir d’où il part : quel était le « croyable » disponible à son époque ?... donc de voir ce que pensaient les croyants avant lui… et plus particulièrement de regarder ce que dit l’Ancien Testament de la Résurrection

Pour répondre le plus brièvement possible à cette question, on peut dire que les Juifs étaient partagés : certains croyaient en la résurrection, comme les Pharisiens ; d’autres non, comme les Sadducéens.

On trouve, par exemple, dans l’Ancien Testament, des plaintes qui expriment le désespoir face à la mort. Pour ces auteurs bibliques, la personne défunte descend au shéol, au séjour des morts.
Écoutons, par exemple, le prophète Esaïe : « Ceux-là sont morts et ne revivront plus, ils ne sont plus que de ombres, ils ne se relèveront pas » (Es 26,14) ou encore le livre de Job : « Comme un nuage se dissipe et disparaît, on descend chez les morts pour n'en plus remonter » (Jb 7,9). Ou encore, dans un Psaume : « ­Dans la mort on ne peut plus penser à toi, chez les défunts on ne peut plus te louer » (Ps 6,6).

Prendre au sérieux la mort, comme le faisaient ces gens de l'Ancien Testament, voilà qui donne à la vie tout son prix.
Quand on sait que la mort est au bout de notre chemin, on est mieux disposé à ne pas rater la vie qui reste devant nous.

En même temps, cette manière de voir peut nous interroger : ne manque-t-elle pas de confiance en Dieu ?
Dieu est-il seulement le Dieu de notre vie terrestre ? N’est-il pas le Dieu de l’univers, le Dieu de la Vie ?... le Dieu au-delà de l’espace et du temps ?

Nous qui avons appris par la science que nous sommes des corps énergétiques – composés de particules énergétiques, dont la matière n’est qu’un condensé – ne sommes nous pas autorisé à penser qu’il y a autre chose au-delà de notre corps matériel : en quelque sorte, un corps spirituel ?… et, du coup, n’y a-t-il pas, pour nous – après la mort du corps biologique – une autre forme de vie, une vie dans une autre sphère de réalité, qui nous attend ?
Au-delà de ce que nous pouvons voir ou savoir, ne sommes-nous pas appelés à faire confiance à Dieu pour cette vie d’aujourd’hui, comme pour celle de demain ?
N’est-ce pas ce que l’apôtre Paul affirme quand il écrit que « nous cheminons par la foi, non par la vue » (2 Co 5,7) ?

De tout temps, les hommes se sont posés cette question. D’autant plus quand la mort frappe prématurément et semble totalement scandaleuse : lorsqu’un jeune disparaît brusquement après un accident, une maladie ou encore dans un conflit armé, on reste dans l’incompréhension. La mort semble frapper injustement et nous laisse sans voix.

Cette question était particulièrement brûlante pour les Juifs du 2ème siècle avant Jésus Christ. A cette époque, la Palestine traverse une crise politico-religieuse déclenchée par le souverain Antiochus IV Épiphane, qui avait profané le temple de Jérusalem en y consacrant un autel à Zeus-Baal.

Devant cet acte « sacrilège », la révolte des Macchabés éclate contre « l’abomination de la désolation » (Dn 11,31 ; 12,11). Dans cette guerre « sainte » (entre parenthèses, une expression horrible, aucune guerre ne peut « sainte »)… dans ce conflit, des milliers de croyants tombent sous les coups des soldats. La mort de toute cette jeunesse martyre pose un problème théologique crucial : qu’en est-il de la justice de Dieu, si les Justes (les croyants) sont écrasés, alors que l’Impie, l’ennemi de Dieu, s’en sort ?

Le dogme de la rétribution, qui veut que Dieu récompense ou punisse hommes et femmes de leur vivant, est ici mis en échec. Quand donc ces hommes morts pour leur foi seront-ils récompensés de leur martyre ?

Voici la réponse du prophète Daniel : « Beaucoup de ceux qui dorment dans le sol poussiéreux se réveilleront, ceux-ci pour la vie éternelle, ceux- là pour l'opprobre, pour l'horreur éternelle » (Dn 12, 2).

Autrement dit, la récompense ou la punition seront d'outre-tombe. Dieu réveillera les morts pour faire la balance des dettes et des mérites : honneur aux martyrs, damnation des bourreaux.

C’est dans ces circonstances particulières que le peuple d’Israël s’est ouvert à la promesse de la résurrection des morts. Cette espérance ne répond pas initialement à une préoccupation de survie après la mort, mais à la question de la justice de Dieu.

L’espoir de la résurrection est lié à la question de la justice de Dieu, de l’attente de son jugement :
Si Dieu est juste, il faut qu’il récompense ceux qui le méritent, ceux qui sont tombés injustement en son nom. S’il ne le fait pas dans cette vie, il le fera dans la suivante, au moment de son jugement final, en vue de la résurrection des Justes.

* Voilà donc, d’où vient l’espérance de la résurrection : elle est d’abord liée à la question de la justice de Dieu. On est donc loin du cas d’école posé à Jésus, concernant une femme qui épouse successivement sept frères.

En effet, selon la loi du lévirat, si un homme meurt sans enfant, son frère doit épouser la veuve, afin de donner une descendance au défunt.
La loi du lévirat ayant amené sept frères à épouser successivement la même femme, on demande alors à Jésus duquel elle sera la femme lors de la résurrection : une question tout-à-fait saugrenue.

Par cette question « tirée par les cheveux », les Sadducéens, qui ne croient pas à la résurrection des morts, font tout pour montrer l’absurdité de cette croyance et la discréditer.

Mais Jésus répond simplement et commence par leur dire qu’ils n’ont rien compris ni aux Écritures, ni à ce dont Dieu est capable.

En effet, ces gens ne peuvent pas penser la résurrection autrement que comme une sorte de prolongement de ce qu’ils vivent sur la terre. Ils ne parviennent pas non plus à penser Dieu autrement que d’une façon purement humaine.

A dire vrai, c’est sans doute un reproche qu’on pourrait aussi faire au prophète Daniel, qui finalement pensait la justice de Dieu comme le prolongement d’une justice purement humaine (œil pour œil, dent pour dent / récompenses pour les justes, châtiments pour les infidèles) : Cette manière de voir peut nous paraître pour le moins caricaturale ou manichéenne, pour ne pas dire « simpliste ».

Un Dieu qui récompense les bons et punit les méchants, ne ferait et ne serait rien de plus qu’un Juge ou un Roi tout-à-fait humain… rien à voir, en tout cas, avec le Dieu miséricordieux et compatissant dont nous parle Jésus Christ… rien à voir avec l’image du Père que Jésus brosse dans la parabole du fils prodigue, où Dieu est présenté comme un père saisit de compassion, qui accueille et qui pardonne à son fils infidèle.

Jésus – pour sa part – nous parle d’un Dieu d’amour et de grâce, et non pas d’un Dieu qui compte les points, les bonnes œuvres ou les péchés.
Le Dieu de Jésus Christ est au-dessus de la morale ordinaire, de la justice « rétributive » habituelle.
C’est un Dieu au-dessus de Dieu, un Dieu qui « fait le lever son soleil sur les bons et les méchants et pleuvoir sa pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5,45)

"« Vous êtes dans l'erreur parce que vous ne comprenez pas la puissance de Dieu », dit Jésus [aux Sadducéens]. On pourrait traduire aussi : « parce que vous ne comprenez pas ce dont Dieu est capable. »

[C’est un fait… c’est inévitable… ] nous cherchons toujours un Dieu à notre image, mais Dieu n'est pas à notre image, sinon il ne serait pas Dieu.
Il est autre que ce que nous imaginons - ou que ce que nous aimerions qu'il soit. C'est d’ailleurs incomparablement mieux ainsi.
Dieu est infiniment au-dessus de ce que nous pouvons demander ou concevoir. Ce qu'il est capable de faire dépasse et dépassera toujours infiniment nos intuitions les plus extraordinaires ou les plus généreuses.

Avant de récuser la résurrection, les Sadducéens n'imaginaient celle-ci que comme une sorte de prolongement amélioré de la vie ici-bas. Selon eux, on ne pourrait ressusciter que marié si on était marié, ou jeune si on était jeune, ou vieux si on était vieux, ou riche si on était riche, etc.
Mais tout cela n'a aucun sens, nous apprend Jésus, car le monde de Dieu dans lequel nous sommes appelés à ressusciter n'est pas le décalque agrandi et embelli du monde où nous vivons maintenant. C'est un monde autre, que nous ne pouvons imaginer.

Pour l'expliquer, Jésus déclare aux sadducéens : « Quand on ressuscite d'entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux ». Autrement dit, tout cela dépasse mille, dix mille, cent mille fois ce que vous pouvez vous représenter. C'est autre chose que ce que vous avez connu sur notre terre. C'est le monde de Dieu.

Il faut donc bien le savoir : quelle que soit notre curiosité, le comment de la résurrection nous échappera toujours.
Mais le fait qu'il y aura une résurrection n'aurait pas dû échapper aux Sadducéens.[…]

[En effet, dans les passages du Premier Testament, notamment de la Torah (du Pentateuque) auxquels ils se référaient, il n’est pas fait mention explicitement de « résurrection »,] mais il est déjà question de Dieu et de la façon dont il se lie aux humains en les appelant, en leur parlant, en faisant alliance avec eux, en suscitant leur confiance, en faisant naître chez eux un attachement toujours plus fort pour lui, en éveillant leur amour.

Dieu s'étant lui-même complétement engagé envers des gens comme Abraham, puis Isaac, puis Jacob, on peut et on doit désormais parler de lui comme du « Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ».
C'est dire qu'il y a entre ces hommes et lui un lien que rien ne pourra défaire [pas même la mort biologique]. C'est pour cela, explique Jésus, qu'il y a forcément résurrection.

Si on se réfère à ce lien indéfectible que Dieu a établi entre lui-même et des êtres humains, il ne peut y avoir pour eux que résurrection car, comme le dit encore Jésus, Dieu « n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants ». Liés au Dieu vivant, ces gens ne peuvent être, pour Dieu, que des vivants.

Nous ne savons pas et nous ne pouvons pas savoir le comment de la résurrection. Notre curiosité ne peut pas être satisfaite, c'est vrai. Mais une chose est certaine : ceux et celles qui sont liés au Dieu vivant ne peuvent qu'être promis à la résurrection."[1]

En fin de compte, cette « croyance » en la résurrection est une question de confiance, de foi : ce n’est pas une question spéculative, intellectuelle, mais une question existentielle.  
Osons-nous faire confiance à Dieu pour notre vie, pour toute notre personne, pour aujourd’hui et pour demain ?
Pouvons-nous croire que le lien d’amour qui unit Dieu aux humains, ses enfants, transcende toutes les difficultés, les fautes et les épreuves, et même la mort ?

"Concernant la résurrection, Jésus ne s'est pas référé à une doctrine déjà existante, comme celle des Pharisiens, qu'il aurait adoptée. Il n'en a pas non plus créé une [nouvelle] […]. Il a seulement regretté que les Sadducéens n'aient pas lu correctement les Écritures et n'aient donc pas reconnu « ce dont Dieu était capable ».
Or ce dont Dieu est capable, c'est de faire vivre.
Ceux et celles auxquels il est lié reçoivent de lui la vie, une vie nouvelle. Et le lien d'amour qui les unit à Dieu ne peut pas être détruit, même par la mort."

* Après avoir rappelé cet essentiel, que peut-on tirer encore comme enseignement de ce que dit Jésus ? Deux choses peut-être :

- Si Jésus affirme qu’Abraham, Isaac et Jacob sont vivants pour Dieu, cela signifie que Jésus remet en cause l’idée d’une résurrection à la fin des temps.[2]
Pour lui, Abraham et ses descendants sont déjà dans la vie nouvelle. Ils sont déjà ressuscités par le lien vital qui les attache au Dieu Vivant.

En d’autres termes, on pourrait dire qu’il n’y a pas de résurrection à la fin des temps, mais qu’elle est déjà offerte dès maintenant dans la confiance en Dieu.
De toute façon, l’idée d’une résurrection finale à la fin des temps ne peut avoir un sens que d’un point de vue humain, dans le monde de la relativité que l’on perçoit.
Dieu, lui, est au-delà du temps. Dans le monde de l’absolu, le monde de Dieu, il n’y a pas de temps, c’est l’Éternel présent, c’est le maintenant pour toujours et à jamais.

- Le deuxième enseignement qu’on pourrait tirer de notre épisode est une conséquence de l’affirmation « quand on ressuscite… on est comme des anges dans les cieux » :
Cette image de l’ange, d’un être céleste, invisible, immatériel, insaisissable, semble indiquer que Jésus ne croit pas à une sorte de résurrection de la chair, une résurrection matérialiste, qui serait le décalque ou la répétition de notre vie biologique. Il nous parle d’une résurrection spirituelle.

Autrement dit, la résurrection n’est pas le réveil des trépassés, mais la vie nouvelle avec Dieu, dans une autre sphère de réalité.
Un ange, en grec, c’est un messager, un messager de Dieu. Cela indique donc bien une relation, une vie en communion avec Dieu.

On ne peut pas aller plus loin avec le peu d’informations dont nous disposons sur le comment de la résurrection. Et c’est très bien ainsi. Cela nous oblige, d’une part, à prendre au sérieux notre vie d’aujourd’hui, ici et maintenant, et, d’autre part, à faire confiance à Dieu, pour notre vie toute entière.

* Pour conclure, je m’arrêtai sur les mots d’un enfant, à qui on parlait de la mort d’un proche et qui a posé une question toute simple : quand on meurt, est-ce que c’est pour la vie ?

Une question qui peut évidemment prendre plusieurs sens :

-       Oui, la mort, c’est pour la vie, dans le sens : la vie est une chose sérieuse. Même s’il y a une résurrection après la mort, nous allons quitter un jour ou l’autre notre « tente » (pour reprendre l’expression de Paul : cf. 2 Co 5,4), notre enveloppe corporelle, notre existence dans ce corps et cette vie présente.
Il nous revient donc de prendre cette vie-ci au sérieux, de ne pas perdre notre temps et de ne la rater. Notre responsabilité, c’est de créer, d’inventer notre vie, comme nous la choisissons vraiment (pour qu’elle nous ressemble). Et sans doute aussi d’aimer : nous sommes là pour aimer… sachant que nous sommes libérés par un Dieu qui nous aime, sans condition.

-       Le deuxième sens de cette question, c’est « oui, la mort, c’est pour la vie », pour une autre vie dans une autre sphère de réalité. La mort, c’est le passage qui nous ouvre vers une nouvelle forme de vie. Jésus l’affirme « quand on ressuscite… on est comme des anges dans les cieux » : nous sommes promis à une transformation… à une vie nouvelle… une vie céleste dans la lumière de Dieu.

-       Mais, on pourrait aussi faire une troisième réponse : oui, quand on meurt, c’est pour la vie… c’est vrai… pour autant, n’attendons pas la mort pour goûter la vie : Jésus nous appelle à une relation de confiance avec le Dieu Vivant, dès maintenant : il nous invite ainsi à être toujours plus vivant dans cette relation, cette communion avec ce Dieu qui nous fortifie, nous régénère et nous inspire.

En ce sens, la résurrection, c’est déjà pour aujourd’hui, ici et maintenant, dans la foi et la relation avec Dieu, Force d’amour et de vie.
S’il est le Dieu de la Vie, le Dieu Vivant, c’est auprès de lui que nous trouvons la Vie… comme l’ont trouvé Abraham, Isaac, Jacob… ou Jésus… et comme nous pouvons la recevoir.    
Amen.



[1] Jean-Marc Babut, Actualité de Marc, Cerf, p. 265-269.
[2] Jésus utilise le langage apocalyptique comme une image, dans ses paraboles : cf. Mt 25, 31-46. D’ailleurs, cette image est utilisée pour dire que le Christ est lié à tous les humains, notamment aux petits et à ceux qui souffrent. Il y a un lien de solidarité, de communion, entre le Christ et l’humanité humiliée ou meurtrie.

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