dimanche 27 mars 2016

Pour ne pas se tromper de résurrection

Pour ne pas se tromper de résurrection 

Lectures bibliques : Jn 20, 11-23 ; Lc 20, 27-40 ; 1 Co 15, 42-44
Thématique : la résurrection de Jésus, comme résurrection spirituelle ou élévation / la nôtre, aujourd’hui, comme relèvement et transformation
Etude-Prédication de Pascal LEFEBVRE = voir plus bas, après les lectures
Tonneins, le 27/03/16, culte de Pâques

1) Lectures bibliques

Jn 20 - Marie de Magdala et les disciples voient le Seigneur

11Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant elle se penche vers le tombeau 12et elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l’endroit même où le corps de Jésus avait été déposé, l’un à la tête et l’autre aux pieds.

13« Femme, lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répondit : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis. » 14Tout en parlant, elle se retourne et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était lui. 15Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ? » Mais elle, croyant qu’elle avait affaire au gardien du jardin, lui dit : « Seigneur, si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le prendre. » 16Jésus lui dit : « Marie. » Elle se retourna et lui dit en hébreu : « Rabbouni » – ce qui signifie maître. 17Jésus lui dit : « Ne me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. » 18Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. »

19Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des autorités juives, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. » 20Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie. 21Alors, à nouveau, Jésus leur dit : « La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie. » 22Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint ; 23ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. »

Lc 20 - Question des Sadducéens sur la résurrection

27Alors s’approchèrent quelques Sadducéens. Les Sadducéens contestent qu’il y ait une résurrection. Ils posèrent à Jésus cette question : 28« Maître, Moïse a écrit pour nous : Si un homme a un frère marié qui meurt sans enfants, qu’il épouse la veuve et donne une descendance à son frère. 29Or il y avait sept frères. Le premier prit femme et mourut sans enfant. 30Le second, 31puis le troisième épousèrent la femme, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfant. 32Finalement la femme mourut aussi. 33Eh bien ! cette femme, à la résurrection, duquel d’entre eux sera-t-elle la femme, puisque les sept l’ont eue pour femme ? »

34Jésus leur dit : « Ceux qui appartiennent à ce monde-ci prennent femme ou mari. 35Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection des morts ne prennent ni femme ni mari. 36C’est qu’ils ne peuvent plus mourir, car ils sont pareils aux anges : ils sont fils de Dieu puisqu’ils sont fils de la résurrection. 37Et que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même l’a indiqué dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. 38Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants, car tous sont vivants pour lui. » 39Quelques scribes, prenant la parole, dirent : « Maître, tu as bien parlé. » 40Car ils n’osaient plus l’interroger sur rien.

1 Co 15 - Le corps des ressuscités

42Il en est ainsi pour la résurrection des morts : semé corruptible, on ressuscite incorruptible ; 43semé méprisable, on ressuscite dans la gloire ; semé dans la faiblesse, on ressuscite plein de force ; 44semé corps animal, on ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel.

2) Etude - Prédication

En ce jour de Pâques, on proclame dans toutes les églises « la résurrection du Christ ». On connaît bien ce mot de « résurrection » qu’on retrouve de façon récurrente dans nos confessions de foi, comme l’article fondateur du Christianisme.
Pourtant, à bien y regarder, la notion de « résurrection » n’est pas si simple que cela, car le terme ne désigne pas seulement l’évènement du matin de Pâques, il est utilisé dans de nombreux contextes différents. Dans la Bible, c’est un mot pluriel, qui peut avoir des sens variés. Il est bon, en ce jour de Pâques, d’essayer d’y voir plus clair… car si cette notion de « résurrection » est une évidence pour certains, elle reste problématique pour d’autres.[1]

* Le verbe « ressusciter » en français correspond à la traduction de deux verbes différents en grec : « être relevé » ou « être réveillé » … sous entendu d’une situation mortifère ou mortelle… du péché, de la maladie ou de la mort.[2]

. Premier point : il faut préciser que l’espérance de la résurrection est relativement tardive dans le Judaïsme (Elle a été adoptée par le courant des Pharisiens). Elle est sans doute le fruit d’un apport de religions extérieures, notamment du parsisme iranien (c’est-à-dire de croyants adeptes du dieu Mazda[3] en Perse). Son origine n’est pas biblique.[4]

Elle traduit la croyance selon laquelle Dieu est juste et sait très bien reconnaître les croyants dignes et fidèles. A la fin des temps, avant le jugement dernier, il ressuscitera les humains qui ont été bons et qui ont mené une existence juste. Ceux-là sont promis à la vie éternelle… en quelque sorte, au paradis.

- On retrouve, par exemple, cette espérance dans le deuxième livre des Maccabées. C’est l’épisode du martyre des sept frères… qui sont prêts à mourir plutôt que de transgresser les prescriptions de la Loi. Et c’est précisément ce qui va se passer. Je vous cite un verset : Le deuxième frère dit au roi Antiochus : « Tu nous ôtes la vie présente ; mais le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie nouvelle, éternelle, puisque nous mourons par obéissance à ses lois. » (2 M 7,9)

Ici, la résurrection désigne le relèvement final des Justes par Dieu, au moment du grand jugement. C’est une espérance eschatologique[5]. La résurrection se produira à la fin des temps, au dernier jour. (Voir aussi Dn 12, 2. C’est également, l’espérance de Marthe, la sœur de Lazare, en Jn 11, 24)

- Dans l’évangile, c’est dans le même sens que les Sadducéens, qui eux ne croient pas à la résurrection, posent une question-piège à Jésus au sujet d’une femme qui a épousé successivement sept frères, selon la loi du lévirat : « A la résurrection, quand ils ressusciteront, duquel d’entre eux sera-t-elle la femme, puisque les sept l’ont eue pour femme ? » (Mc 12, 23). Leur question polémique porte sur l’idée de résurrection finale qu’ils contestent.[6]

. Deuxième point : pour certaines personnes de l’époque de Jésus, le mot « résurrection » ne désigne pas seulement la résurrection finale. Il peut aussi signifier le retour à la vie d’une personne dans une autre personne, comme une sorte de « réincarnation ».

- On retrouve cette manière de penser au sujet de l’identité de Jésus. Beaucoup s’interrogent sur son compte. Qui est-il ? Ne serait-il pas Jean Baptiste ressuscité ou Elie apparu… réincarné ?
Je cite : « Jésus interrogea les disciples : « Qui suis-je au dire des foules ? » Ils répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres, tu es un prophète d’autrefois qui est ressuscité. » (cf. Lc 9, 19 ; voir aussi Lc 9, 7-8)… sous-entendu revenu à la vie dans un nouveau corps.

Il s’agit plutôt ici d’une croyance populaire. C’est une manière de dire que Jésus ressuscite l’esprit de Jean Baptiste. Ses paroles sont dans le prolongement de ce que disait le prophète avant lui.

. Troisième point : le même verbe « ressusciter » peut aussi désigner la réanimation d’une personne défunte. Les mêmes verbes sont employés, par exemple :

- Au moment de l’envoi des disciples en mission par Jésus : « En chemin – dit Jésus – proclamez que le règne des cieux s’est approché. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux… » (Mt 10,8)

- Ou encore, au moment de la mort de Lazare dans l’évangile selon Jean. Je cite : « Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » (cf. Jn 11, 21-23) »  Et effectivement, c’est ce que Jésus va accomplir, comme il le fera également pour la fille de Jaïros, l’un des chefs de la synagogue (cf. Mc 5, 41) ou pour le jeune homme de Naïn (cf. Lc 7, 14).

Dans ces situations, le verbe « ressusciter » ne désigne pas l’espérance spéculative de la résurrection finale au dernier jour, à la fin des temps… mais, la réanimation d’un cadavre, le fait de rendre à la vie une personne qui, soit est sur le point de mourir, soit est morte depuis peu.
D’une certaine manière, on pourrait comparer cela aujourd’hui à ce que font les médecins réanimateurs avec des massages cardiaques, des masques à oxygène ou des piqures d’adrénaline : d’une certaine façon, ils ressuscitent des morts, ils rendent des personnes à la vie… à leur ancienne vie, à leur existence terrestre.

. Quatrième point : encore un autre emploi du terme, pour finir. Le mot « ressusciter » désigne le fait d’être relevé d’une situation d’enfermement, de blocage, de péché, de mort, d’un point de vue psychologique, relationnel ou spirituel.

- C’est par exemple le terme employé dans la parabole du fils prodigue : « mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé » (cf. Lc 15, 24).
Bien sûr, il ne s’agit pas de la réanimation d’un cadavre, mais d’un relèvement sur le plan de la conscience, sur le plan relationnel et spirituel… de l’ouverture à une vie nouvelle.

- C’est également en ce sens que l’épître aux Colossiens parle de la résurrection au présent. Pour l’auteur de cette lettre, celui qui met sa foi en Christ est déjà dans la vie nouvelle. Je cite : « Ensevelis avec [le Christ] dans le baptême, avec lui vous avez été ressuscités » (Col 2, 12) « Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut » (Col 3,1).

Ici aussi, le mot « résurrection » traduit l’idée d’une vie nouvelle. Lorsque nous vivons en communion avec l’Esprit du Christ, nous vivons dans la foi, dans la confiance en Dieu, nous accédons à une nouvelle réalité… (Paul dira que nous sommes une « créature nouvelle » (cf. 2 Co 5,17))… car avec la foi, nous dépassons notre égo, nous quittons notre égoïsme, pour nous ouvrir à Dieu, aux autres et au monde.

On le voit, à travers tous ces exemples, le terme qu’on traduit par « ressusciter » est en réalité « piégé », car il désigne des réalités différentes.

* Alors… de quoi parle-t-on quand on parle de la résurrection à Pâques… lorsqu’on affirme « Christ est Ressuscité ! » ?

Avant d’essayer de dire ce qu’est la résurrection, il faut tenter de dire ce qu’elle n’est pas, quand on parle de Jésus.
Il nous accepter de faire table rase de nos présupposés dogmatiques… et accepter de remettre en question un certain nombre de malentendus ou de fausses croyances, en partant des textes et en opérant des distinctions.

Alors, bien sûr, je ne vais pas vous donner de réponses définitives, mais seulement vous livrer ma conviction personnelle de théologien, de lecteur de la Bible.
Vous n’êtes donc pas obligés de me suivre et d’être d’accord avec ce que je vais dire. C’est à chacun de faire ce travail d’analyse et d’interprétation des Ecritures.
Plutôt que de prétendre détenir une vérité, ce qui compte, c’est de trouver le sens – pour soi, personnellement – de cette affirmation de Pâques : « Christ est ressuscité ! »

. Premier point : Ce qu’on appelle « la résurrection du Christ » dans le Nouveau Testament ne doit pas être rattachée à l’idée de résurrection finale d’entre les morts au dernier jour. Cette espérance eschatologique est un « mythe », c’est-à-dire un langage originel, commun à de nombreuses religions. Elle est peut-être une espérance pour certains, mais elle est purement théorique et spéculative.

Il est vrai que de nombreux disciples à l’époque de Jésus croyaient en cette résurrection finale – c’était, par exemple, le cas des Pharisiens – et c’est sans doute la raison pour laquelle ils ont utilisé la notion de « résurrection » (de relèvement, de réveil) pour parler de ce qui est arrivé à Jésus. (Parce qu’il n’y avait pas d’autre langage disponible, pour parler de cet chose inouïe.) Mais la différence entre cette idée et ce qui s’est passé pour Jésus, c’est que, d’un côté, on a affaire à une croyance, de l’autre, à un événement, dont ont été témoin[7] un certain nombre de personnes. D’un coté, on parle d’une espérance pour la fin des temps, de l’autre de ce qui est arrivé à un homme concret, quelques jours après sa mort, dont plusieurs témoins ont eu des visions et vécu des expériences d’apparition.

. Deuxième point : La résurrection du Christ n’a rien à voir avec la réanimation d’un cadavre. (L’élévation de Jésus par-delà la mort n’a rien à voir avec la réanimation corporelle de Lazare (cf. Jn 11). D’un côté (pour Jésus Christ), il s’agit de l’accès à une nouvelle façon de vivre… de l’autre (pour Lazare), de la poursuite d’une existence terrestre.)

Même si l’on croit fermement à la résurrection spirituelle de Jésus (comme je le crois, personnellement), on est obligé d’avouer – avec tous les septiques – que les récits du tombeau vide ne nous aident pas beaucoup.
D’un point de vue historique et rationnel, ces récits ne prouvent rien. Ils posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses.
D’ailleurs, l’apôtre Paul qui écrit 20 ans après la mort de Jésus n’en parle absolument pas, dans ses lettres. Il ne les connaît pas.

Les récits du tombeau vide sont vraisemblablement des écrits catéchétiques tardifs qui ont été compilés très longtemps après la mort de Jésus, peut-être 40 ans (en tout cas dans la forme que nous connaissons).
Ils ont pour objectif de dire, de façon symbolique, l’absence de la mort, la victoire sur la mort. Puisque le tombeau est vide, la mort y est absente ; elle y a été vaincue.[8]
Mais, au-delà du « signe » qui est fort et parlant, ils ont l’inconvénient de laisser entendre que Jésus aurait pu être relevé de la mort avec son corps physique, biologique. Or, quand on regarde les textes en détail et avec sérieux, on s’aperçoit que cette idée est fausse et sans fondement… Elle contredirait à la fois les expériences d’apparitions qu’ont vécues les disciples (dont nous allons parler dans un instant), mais aussi ce que Jésus et Paul disent de la résurrection… sans parler des lois de la nature.[9]

Dans les faits, on ne sait pas ce qui est arrivé au corps biologique de Jésus. Il est mort sur la croix. Il a été placé dans un tombeau et il est probable qu’un de ses amis (peut-être Joseph d’Arimathée) l’ait placé dans un autre tombeau, après l’avoir embaumé, comme cela se faisait à l’époque.

(Il y a eu toute une polémique au sujet du corps de Jésus : certains pensent que ce sont les disciples eux-mêmes qui auraient pu faire disparaître le corps, ce que l’évangile de Matthieu veut nous empêcher de croire. Dans l’histoire, on a pu accuser soit les disciples, soit les Juifs, soit les Romains de la disparition de la dépouille de Jésus.)

Mais, à vrai dire, tout cela nous importe peu ! On n’a pas besoin du corps de Jésus pour croire à sa résurrection, car la résurrection ne désigne pas la réanimation d’un cadavre, le retour à la vie passée de Jésus, mais son élévation spirituelle, son accès à la Vie dans la lumière, dans une autre dimension d’existence.

. Troisième point : Pour envisager ce qu’est la résurrection, nous pouvons nous appuyer sur 3 types de récits dans le Nouveau Testament :
-       les récits d’apparitions qui traduisent les expériences spirituelles qu’ont vécues les disciples après la mort de Jésus et qui leur ont donné la certitude que Jésus, qui avait été tué sur la croix, était toujours vivant dans une autre sphère d’existence.[10]
-       Ce que Jésus – en tant qu’interprète, porteur de l’Esprit de Dieu – a pu dire au sujet de la résurrection. Nous en avons la trace dans un récit de controverse avec les Sadducéens.
-       Enfin, ce que Paul peut écrire dans ses lettres… lui, qui a vécu une expérience visionnaire sur le chemin de Damas, expérience qu’il rapproche des autres témoins du « ressuscité » avant lui (cf. 1 Co 15).[11]

Alors… quelles conclusions peut-on tirer de ces différents récits, sans les reprendre dans le détail ?

Première enquête dans l’évangile selon Jean (cf. Jn 20, 11-23) :
-       Marie de Magdala vit une expérience d’apparition du Ressuscité aux alentours du tombeau (v.11-18). D’abord, elle ne reconnaît pas Jésus. Elle prend celui qu’elle voit pour un jardinier. Il faut que le Ressuscité s’adresse à elle (qu’il la nomme personnellement)[12], qu’elle se détourne du tombeau (de l’espace de la mort)[13], pour qu’elle le reconnaisse enfin.
Ceci laisse entendre que celui qui apparait à elle n’est pas identifiable au Jésus historique. Il n’est pas identique ; il n’a pas exactement la même apparence que le Jésus biologique… sans doute parce que le Ressuscité vit d’une vie nouvelle.
-       Ensuite, le Ressuscité lui faire comprendre (« ne me touche pas », « ne me retiens pas ») que le contact physique n’est désormais plus possible. Un nouveau registre, un nouveau mode de relations spirituelles est seul envisageable.
-       Enfin, il précise que son apparition est ponctuelle et momentanée, car son esprit doit encore s’élever vers le Père, dans une autre sphère de réalité (« je ne suis pas encore monté vers le Père »)[14]. Il charge alors Marie - la première apôtre[15] - d’annoncer la bonne nouvelle de son élévation vers le Père : la bonne nouvelle du fait que la mort a peut-être eu raison de son corps, mais qu’il est vivant. Son esprit va rejoindre le Père dans la lumière divine.
-       Ensuite, nous avons le récit de l’apparition collective de Jésus auprès de ses disciples dans la salle haute (v.19-23). Ici, le Ressuscité se manifeste et se rend présent dans une pièce fermée à clef, où il est entré sans être passé par la porte : Ce qui révèle, encore une fois, la nature spirituelle de sa réalité.[16]
-       Au cours de cette expérience visionnaire, il offre la paix à ses disciples, pour les rassurer face à leur angoisse[17] (angoisse suite à la disparition de leur maître qui avait causé leur déroute et leur désespoir ; et angoisse face à l’apparition du Ressuscité qui a dû être pour eux une expérience bouleversante). L’Evangile s’arrête sur la joie des disciples qui prennent conscience que leur maître est vivant. Celui-ci instille alors sa puissance dans leur esprit afin de leur donner l’élan et le courage de continuer l’œuvre qu’il avait commencé. Cette œuvre est une œuvre de paix, de réconciliation, de pardon : libérer les humains de leurs péchés, de leurs entraves égoïstes, par la confiance en l’amour du Père.

Nous avons, d’autre part, dans les évangiles synoptiques, le dialogue entre Jésus et les Sadducéens[18] (cf. Lc 20, 27-40 // Mt 22, 23-33), où Jésus donne des indications sur l’espérance de la résurrection. Nous pouvons en retenir plusieurs points :
-       D’abord, Jésus explique aux Sadducéens (qui lui présentent un cas d’école) que la vie dans le monde à venir (dans la dimension suivante) est radicalement différente de notre réalité biologique. Elle n’est ni charnelle (« on ne prend ni femme ni mari ») ni soumis à la finitude (« on ne peut plus mourir »)[19].
-       La raison invoquée, c’est que « les ressuscités » seront « pareils aux anges »[20], c’est-à-dire pareils à des êtres célestes, des messagers de Dieu, qui appartiennent à une autre sphère de réalité que notre monde matériel. Jésus précise sa pensée en disant que « les ressuscités » sont fils de Dieu[21], c’est-à-dire qu’ils sont adoptés par Dieu[22] ; ils sont ses héritiers ; ils ont part à sa réalité, à la lumière divine.
-       Enfin, Jésus ajoute que Dieu (qui est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob) est le Dieu des vivants, non le Dieu des morts.[23] Ce qui laisse entendre que, pour Jésus, Abraham, Isaac et Jacob sont déjà ressuscités. Ils appartiennent au monde des vivants, c’est-à-dire au monde de Dieu. Ils ont déjà part à sa lumière. Ils sont vivants pour Dieu et par Dieu.[24]

Enfin, nous avons le texte de la lettre de Paul aux Corinthiens (1 Co 15). Je ne rentrerai pas, ce matin, dans le détail de l’analyse du chapitre 15. Mais j’en retiendrai quelques éléments que je vais essayer de traduire dans un langage plus actuel :
-       Pour l’apôtre, « la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu » (cf. 1 Co 15, 50). Ce qui interdit de croire à un prolongement de l’existence charnelle et biologique.
-       Paul distingue le « corps animal », matériel, animé par la psyché, du « corps spirituel », animé par l’esprit, qui est le mode d’existence dans la réalité suivante, celle des « ressuscités »[25]. Le mot « corps » (qui est commun aux deux réalités) ne désigne pas le corps physique, charnel, mais la personne : ce qui fait l’individualité ou la conscience particulière d’un être.
La conscience individualisée est à la fois ce qui nous distingue, nous sépare des autres, et ce qui nous permet d’avoir des relations avec eux. Utiliser le mot « corps » signifie la possibilité pour une individualité d’avoir une vie relationnelle.
-       Donc pour Paul, le registre de la vie de « ressuscité » est, d’une part, « spirituel » (et non plus charnel) et, d’autre part, c’est celui de « la conscience individualisée », permettant d’avoir des relations avec les autres, d’être en communion d’esprit entre « consciences individualisées » jouissant de la lumière divine[26]. (Ce qui ouvre l’espérance merveilleuse d’avoir des relations avec des personnes aimées dans une autre dimension de la vie.)

Cette réflexion montre deux choses :
-       La réalité de ce que peut être la vie de « ressuscité » demeure pour nous un mystère. On ne peut y avoir accès que par le biais d’images imparfaites. Néanmoins, les images utilisées la décrivent comme une nouvelle et magnifique façon de vivre (en tant qu’être spiritualisé ou esprit individualisé) dans une autre dimension de la réalité.
-       D’autre part, la notion de « résurrection » que nos confessions de foi ont repris d’autres religions est elle-même imparfaite et insatisfaisante, car elle demeure trop floue, trop plurielle, pour évoquer de façon juste l’espérance chrétienne.
De ce fait, beaucoup de croyants imaginent encore une résurrection matérielle du corps physique au-delà de la mort. Ce qui ne correspond pas à ce que disent les textes bibliques que nous avons entendus aujourd’hui.

Il faut rappeler que notre espérance, à nous, Chrétiens, repose uniquement sur ce qui est arrivé à Jésus, qui est apparu « vivant » après sa mort[27]… - et même le mot « vivant » n’est pas adéquat… il signifie « vivant spirituellement » dans une autre dimension de la vie - … Il faut donc se demander dans quelle mesure nous ne devrions pas essayer d’employer un autre vocabulaire pour parler de cette espérance, fondée sur l’événement de Pâques.
Peut-être, pourrions-nous davantage parler d’une « transformation » de l’être, de la « résurrection spirituelle » ou de « la vie éternelle »… de l’espérance que notre esprit – à la suite de Jésus – soit, un jour, élevé dans la lumière.

Le concept d’« élévation » est, en tout cas, celui qu’utilise l’évangéliste Jean[28], pour dire que Jésus à sa mort sur la croix entre dans la gloire, c’est-à-dire dans une dimension glorieuse de la vie. Il est « élevé » vers le Père, dans la conscience d’amour « Père ».
Ainsi, l’élévation de l’esprit de Jésus (dont témoignent les récits d’apparitions) nous donne une espérance pour nous mêmes et pour ceux que nous aimons.[29]

* Au-delà de cette espérance pour demain, qui nous rappelle que nous ne sommes pas destinés au néant, mais à la Vie… il faut aussi préciser – et je conclurai par là – que la résurrection ne se conjugue pas seulement au futur, mais aussi au présent.

D’abord, le Christ est toujours vivant pour nous aujourd’hui (il n’est pas physiquement à nos côtés, mais spirituellement présent) : il est présent par son esprit, par son enseignement, par son évangile. Il nous appelle – comme ses disciples – à poursuivre son action.

On dit de façon imagée et symbolique que – depuis son ascension – Jésus est à la droite de Dieu : cela signifie que le Christ – dans la sphère d’existence qui est la sienne, dans les royaumes spirituels – n’est désormais plus seulement une personne, mais une force qui peut nous influencer, nous soutenir, nous appeler, nous encourager.
C’est en ce sens que certaines personnes (des pasteurs, des médecins, des enseignants, etc.) disent parfois qu’elles se sentent appeler par le Christ à telle ou telle vocation. Ils ont le sentiment qu’une force les appelle à agir, à s’engager, à œuvrer dans le monde, selon les valeurs de l’évangile.

Par ailleurs, la force de relèvement dont Jésus parlait, qu’il transmettait à ceux qu’il croisait, aux malades, aux pécheurs, aux exclus… est toujours actuelle. La résurrection offerte par Dieu est toujours à l’œuvre aujourd’hui[30]: Elle désigne la puissance d’amour de Dieu présente et agissante durant notre vie sur cette terre… puissance de vie à laquelle nous avons accès par l’ouverture d’esprit et la prière, par la foi et la confiance en Dieu.

Dieu lui-même est une Force qui nous relève, qui prend soin de nous, comme un père bienveillant pour ses enfants… qui nous protège, qui nous nourrit, qui nous soigne et nous guérit.
Notre vocation est de nous ouvrir à cette puissance libératrice et restauratrice, pour nous aider à surmonter les épreuves, les difficultés, les situations de blocage que nous pouvons croiser… pour nous permettre de dépasser tout ce qui est mortifère autour de nous ou en nous. 

Quand nous nous ouvrons au souffle de Dieu, à l’Esprit du Père, à sa conscience d’amour… nous recevons en nous une énergie de relèvement, de résurrection. Dans notre intériorité, nous nous sentons aimés, accompagnés, relevés, réveillés, de la même manière que Jésus disait à l’un de ses contemporains : « lève toi et marche ! » (cf. Mt 9,6)... Nous sommes soutenus, remis debout et en marche.

La puissance de résurrection que nous recevons par la foi, par la confiance, est une puissance de transformation… pour nous permettre d’avancer, malgré les obstacles… pour progresser dans le chemin de l’amour.

Dieu – qui est parfois décrit comme Esprit, comme Souffle (cf. par ex. Jn 4,24) – est lui-même une dynamique, une source de transformation à l’œuvre dans le monde et dans ses créatures. Notre vocation est de nous ouvrir à lui, pour recevoir sa lumière.

Et ce qui permet de faire croître en nous cette ouverture, c’est de suivre le chemin que Jésus nous a montré : c’est la méditation, la prière et la foi…  la pleine confiance en Dieu, qui peu à peu insuffle en nous, imprègne en nous, sa compassion, sa miséricorde, sa conscience d’amour universel, pour soulever nos existences.

La foi implante en nous la vie véritable (l’évangéliste Jean disait « la vie éternelle »[31]) : elle ouvre notre conscience à l’amour qui vient du Père.  

Alors, en ce matin de Pâques, crions une nouvelle fois : Christ est ressuscité ! Il vient souffler l’amour du Père sur notre terre, hier, aujourd’hui et demain !

Amen.




[1] Je pense notamment à un certain nombre de familles en deuil que je reçois en tant que pasteur. Beaucoup restent éloignés de l’espérance de la résurrection, parce qu’ils l’imaginent comme une résurrection corporelle. Ce qui leur paraît inconcevable, rationnellement. Ne faudrait-il pas leur parler de la résurrection autrement que ne le fait notre credo traditionnel (le symbole des apôtres) qui affirme la « résurrection de la chair » ? Ne serait-ce pas plus juste de leur dire l’espérance de la « résurrection spirituelle » ? de « la vie éternelle » ?
[2] Les théologiens parlent de la résurrection. Mais, à proprement parler, le mot "résurrection" ne figure ni dans la bible hébraïque, ni dans la bible grecque, c'est un mot technique qui a été forgé à partir du substantif latin « resurrectum » dérivé du verbe « resurgere, re surgere », littéralement se lever une nouvelle fois. Le grec biblique emploie des verbes et substantifs de deux familles : « anastasis », signifiant relèvement, l'action d'être levé, donc de se trouver debout, symbole de la liberté à partir d'une position couchée, évoquant le sommeil ou la mort, et « egeirô » signifiant s'éveiller, se réveiller du sommeil, et ici se réveiller du sommeil de la mort. Ces verbes et ces actions ne sont pas à la forme active ou réflexive, ce n'est pas le mort qui se réveille et se relève, ils sont à la forme passive, le mort est réveillé et relevé (sous entendu par Dieu), et ce y compris quand on parle du Christ. Dans la langue hébraïque, la forme passive implique une action divine qui s'impose à l'humain, sans initiative ni volonté de sa part. Pour être plus clair, il faudrait sans doute mieux parler de « relèvement » ou de « réveil » que de « résurrection », on pourrait mieux approcher le sens des textes et comprendre de quoi Dieu peut nous relever, en quoi il peut nous réveiller.
[3] Qui est le nom d’un dieu avant d’être celui d’une marque automobile.
[4] L’idée de résurrection est relativement tardive dans le Judaïsme. Ce n’est qu’au IIe siècle avant Jésus Christ que l’on voit poindre l’idée d’un au-delà auprès de Dieu. C’est dans le livre de Daniel et dans le 2eme livre des Maccabées que commence à apparaître l’idée de résurrection. Toutefois, dans les psaumes existaient déjà la pensée que Dieu, qui est fidèle, n’abandonnera pas les siens au trou noir du Shéol (au séjour des morts). Cf. le psaume 16 : « Ma chair demeure en sûreté car tu ne m’abandonnes pas au shéol, tu ne laisses pas ton fidèle voir la corruption » (Ps 16,10). Il y a là l’idée que la puissance de Dieu est plus forte que la fatalité de la mort, surtout dans le cas des Justes, de ceux qui se sont appliqués, durant toute leur existence, à vivre selon la volonté de Dieu… selon la Loi pour les Juifs… selon l’Evangile, pour les Chrétiens.
[5] Qui concerne les choses dernières.
[6] Parce qu’elle leur paraît impossible ou parce qu’ils l’imaginent comme une copie – une répétition – de notre vie terrestre.
[7] Témoin a posteriori, par le biais de visions ou d’apparitions.
[8] Jésus échappe à la mort définitive. Elle ne peut le retenir dans ses liens. « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? » (cf. Lc 24,5)
[9] Entre parenthèses, on peut se demander en quoi Jésus aurait-il eu besoin d’un corps terrestre pour continuer à vivre dans la dimension suivante ?... alors qu’il avait maintenant accès – de par l’élévation de son esprit dans une autre sphère de réalité – à un état de réalisation transcendante, à la lumière radieuse des royaumes spirituels, à l’amour universel de la conscience « Père ». Rappelons-nous cette parole : « la chair ne sert de rien. C’est l’Esprit qui fait vivre / qui vivifie » (cf. Jn 6,63).
[10] Les récits d’apparitions ont, bien sûr, été reconstitués par les évangélistes qui n’ont pas été des témoins directs (qui n’ont pas pu – comme on pourrait le faire aujourd’hui – enregistrer avec un micro ni filmer avec une camera ce qui s’est dit et montré ce jour-là). Dans une certaine mesure, ce sont des récits reconstitués ou « fictifs », mais ils mettent en dialogues et en mots des expériences réelles vécues par ceux qui ont eu des expériences spirituelles, visionnaires, d’apparitions (qui concernaient vraisemblablement les disciples les plus sensibles, qui avaient eu le plus de confiance et d’attachement à Jésus), attestant pour eux que Jésus était vivant dans une autre dimension de la vie. Il faut, toutefois, mettre entre parenthèses plusieurs récits qui ont sans doute été rajoutés plus tard dans les évangiles pour différentes raisons : la finale longue de l’évangile de Marc qui constitue une sorte d’harmonisation avec celui de Matthieu ; l’épisode dans l’évangile de Jean avec l’histoire de Thomas qui désigne du doigt les blessures du ressuscité (afin d’attester de l’identité physique du crucifié-ressuscité) qui est vraisemblablement un ajout servant à lutter contre le docétisme (Plusieurs exégètes pensent que cette scène est rédactionnelle) ; enfin tout le chapitre 21 de l’évangile de Jean qui est un ajout au reste de l’évangile.
[11] Mais, sous réserve, de dé-mythologiser les images proposées par Paul (cf. Par ex. 1 Th 4, 16-17)… car, bien sûr, on ne peut parler de la résurrection (qui est pour nous « inconnaissable ») qu’à travers des images imparfaites, qui restent dépendantes de notre culture.
[12] Parce que Marie est reconnue dans sa véritable identité, elle peut reconnaître le Christ, dans la foi.
[13] Marie se tourne 2 fois (v.14 : elle se retourna en arrière / v. 16 s’étant tournée). Le fait que Marie se tourne vers le « ressuscité » signifie sa conversion. Elle se détourne enfin du tombeau (qui signifie, pour elle, la réalité de la mort) pour se diriger vers le Vivant.
[14] La résurrection est interprétée comme « élévation ». Jésus le Christ ne peut plus désormais être rencontré comme personne historique. Il est auprès de Dieu et il vient auprès des siens par le biais de l’Esprit (cf. les discours d’adieu, avec la promesse de l’envoi de l’Esprit.)
[15] La 1ère apôtre (du grec apostolos : envoyé) – chez Jean – est donc une femme… n’en déplaise aux traditions paulinienne et catholique.
[16] On aurait également pu citer le récit de Lc 24, 13-35. Le Ressuscité se montre à ceux qui l’ont connu, mais sous des aspects nouveaux et tels qu’ils ne le reconnaissent pas immédiatement. Sur la route d’Emmaüs, les deux disciples le prennent d’abord pour un voyageur. Au moment où ils le reconnaissent dans la foi (les yeux du cœur s’ouvrent), le Ressuscité n’est plus visible (il disparaît). Son apparition n’est plus nécessaire ; la foi au Christ vivant a pris le pas sur l’expérience spirituelle.
[17] En l’absence de Jésus, les disciples semblent saisis par la peur et coupés du monde (v.19).
[18] Il existait à Jérusalem une aristocratie sacerdotale de tendance conservatrice à laquelle le nom de sadocite (ceux qui se réclament de Sadoq), en grec sadducéenne, restait attaché. Les Saducéens ne croyaient pas à la résurrection des morts. La seule Ecriture sainte à leurs yeux était le Pentateuque (Loi de Dieu confiée à Moïse).
[19] Voir aussi en ce sens Rm 6,9. / Dans le détail, Jésus oppose deux « ères » (deux temps, ou deux mondes) et surtout deux catégories humaines : d’un côté, tout le monde (dans le temps présent, dans ce monde ci) et, de l’autre, les justes ou les élus (dans l’ère à venir, dans la dimension suivante). Ce que ne fait pas Matthieu (cf. Mt 22) / Il est possible que Jésus envisage deux périodes (deux dimensions) qui se chevauchent (cf. l’utilisation du présent de l’indicatif). En tout cas, rien n’indique que ces périodes soient successives et non concomitantes.
[20] Dans Luc, Jésus dit « égaux aux anges » (v.36). Chez Marc, il dit « comme des anges » (Mc 12,25). / Pour les écrits juifs de l’antiquité, « les anges » sont des êtres proches de Dieu et étrangers au monde matériel. Leur nature est « spirituelle ». Leur demeure est « dans les cieux » (c’est-à-dire dans la sphère du divin).
[21] « Ils sont enfants de Dieu, étant enfants de la résurrection ».
[22] Il faut se souvenir que la théologie hébraïque ne concevait pas les liens entre Dieu et les humains en terme de procréation, mais en terme d’adoption. L’expression employée par Luc participe à cette conviction. Les « enfants de Dieu » participent dès lors à la vie divine.
[23] Le raisonnement sous-jacent est le suivant : si Dieu protège les patriarches, s’il se soucie de son peuple, il ne va pas cesser de le faire. Par conséquent, tous morts qu’ils soient, les patriarches ne sont pas abandonnés aux ombres du Shéol (séjour des morts). Ils vivent (ou vivront) sans aucun doute une vie nouvelle grâce à la fidélité de Dieu.
[24] Les deux traductions sont possibles.
[25] Dans l’épitre au Corinthiens (1 Co 15,44), l’oxymore « corps spirituel » que Paul oppose au « corps psychique », animal ou matériel, nous interdit de croire à un prolongement de l’existence charnelle et biologique. Il s’agit pour Paul d’un corps individualisé, animé par l’esprit… c’est-à-dire d’un être spiritualisé ou d’un esprit individualisé. / Paul précise également que « les ressuscités » ne sont plus soumis à la corruption. Etant vivifiés par l’Esprit, ils n’offrent plus de prise à la mort.
[26] Le théologien Paul Tillich parlera de la « vie éternelle » comme de la Vie en Dieu. Pour lui, Dieu reprend, recueille et maintient en lui tout ce qui constitue notre personnalité. C’est l’idée d’un panthéisme eschatologique : à la fin, tout se trouve en Dieu.
[27] Aujourd’hui encore, de nombreux faits corroborent ces apparitions : les expériences de mort éminente, par exemple, avec : le détachement de l’esprit d’avec le corps physique, l’élévation du corps spirituel et les description d’un au-delà radieux et lumineux vont dans le sens de l’affirmation d’une continuité de la vie de l’esprit (du corps spirituel) dans une autre sphère d’existence. / Les récits des personnes, qui sont en contact avec leurs proches défunts dans les jours qui suivent la mort, soit par dans leurs rêves ou leurs visions, soit par leurs intuitions et leurs ressentis, semblent également attester du fait que ces personnes sont toujours vivantes dans un ailleurs, une autre dimension de la vie, à laquelle nous ne pouvons avoir accès ni par notre corps matériel ni par nos sens.
[28] Cf. Jn 3,14 ; 12,32s ;  20,17.
[29] Cette espérance nourrit l’assurance que notre décès biologique ne représente pas le dernier mot de notre existence. [(Tout en sachant qu’il faudra en passer par là… que c’est un passage obligé… donc que le processus de la mort est une constante inévitable de notre condition terrestre... et non la résultante d’un prétendu « péché originel » (ce que Paul semble penser : cf. Rm 5, 12-18). Ce que le début du livre de la Genèse évoque, de façon symbolique (et universelle), c’est que (pour tout humain qui entre dans l’existence) le fait que de vouloir vivre sans Dieu (en se méfiant de lui, en s’en éloignant ou en prenant sa place) risque de conduire à la souffrance et au malheur. La mort spirituelle, c’est la rupture du lien avec le Dieu d’amour. Mais la mort physique n’est pas une punition de Dieu. Le Dieu de Jésus Christ ne punit pas ! C’est seulement l’homme qui peut se punir lui-même en n’écoutant que son égo, en choisissant de vivre loin du Père.)] Mais quel vocabulaire faut-il utiliser pour parler de cette espérance de la résurrection ? Ne faudrait-il pas mieux employer le terme d’« élévation » dans la lumière, pour parler de la résurrection post-mortem. La résurrection n’est pas le prolongement de notre ancienne vie dans les mêmes conditions. Ce n’est pas non plus une recréation ou la création d’une nouvelle réalité à la place de l’ancienne. D’après Jean ou Paul, c’est l’élévation – après la mort – dans une nouvelle sphère d’existence (dans la conscience d’amour « Père »)… donc une transformation de notre mode d’être individualisé, qui ne sera plus matériel, mais spirituel. Par ailleurs, le mot résurrection se conjugue aussi au présent : Et là, ne faudrait-il pas mieux aussi utiliser les termes de « transformation » ou de « résilience », pour parler de la puissance de résurrection dans notre vie présente.
[30] Cf. première partie, quatrième point, avec l’exemple de l’épître aux Colossiens.
[31] Cf. par ex. Jn 3,16. Le terme « vie éternelle » désigne la vie en plénitude. Elle n’est pas un don remis dans le futur, mais une réalité qui surgit ici et maintenant. L’éternité ne désigne pas seulement une catégorie temporelle (sans fin), mais ce qui appartient au monde de Dieu (qui relève de l’éternité). Le texte de Jn 3,16 parle d’une vie qui a la qualité que Dieu lui donne : c’est la vie véritable qui commence ici et maintenant et qui permet d’aborder l’avenir dans l’espérance que la relation du croyant à Dieu ne sera pas détruite par la mort naturelle inévitable. Cette vie éternelle, vécue en relation avec Dieu (dans la confiance), signifie une existence transformée, orientée par l’amour… accessible dès aujourd’hui !

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