dimanche 27 septembre 2015

Lc 16, 1-13

Lc 16, 1-13 
Lectures bibliques : Lc 16, 1-13 ; Lc 12, 33-34 ; Mt 6, 3-4
Thématique : la parabole du gérant habile
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 27/09/15
(Inspirée d’un commentaire de Daniel Marguerat et Emmanuelle Steffek)

* L’actualité de cette semaine a été marquée (entre autres) par des révélations troublantes concernant le 1er constructeur automobile : Volkswagen. Nous avons appris que la marque allemande – réputée pour son sérieux et sa fiabilité – a en réalité triché aux tests d'homologation des émissions polluantes pour un certain nombre de ses véhicules diesels, en implantant des puces électroniques destinées à tromper ces contrôles. Il semble que cette triche de grande envergure ait été organisée depuis les sommets de la hiérarchie, puisque le patron de la marque a dû démissionner quelques jours après que cette information ait été rendue publique.

Bien sûr, nous n’avons pas à juger les hommes responsables de cette fraude massive. Les tribunaux s’en chargeront. Mais, il est intéressant de se pencher sur la raison de cette triche, qui jette, du coup, une certaine méfiance à l’égard de ce constructeur réputé.

Il apparaît que les véhicules de la marque rejetteraient en fait davantage de Nox que le seuil autorisé, c'est à dire d’oxydes d'azote, un polluant agressif pour les voies respiratoires et qui génère le fameux SMOG au-dessus des villes. Or, les normes pour ce genre de polluant sont beaucoup plus strictes aux Etats-Unis qu’en Europe ou ailleurs.
Pour produire des véhicules moins polluants, il aurait fallu modifier les moteurs diesel et cela aurait nécessité des investissements ou développements conséquents. Autrement dit, la seule explication de cette triche de grande ampleur est vraisemblablement l’appât du gain ou le développement commercial coûte que coûte pour être N°1.
Il était dans doute plus facile et moins onéreux d’inventer une puce électronique pour falsifier les tests antipollution que de financer des laboratoires de recherche et développement pour diminuer les rejets polluants.

Il semble donc que l’Evangile ait une fois de plus raison lorsqu’il affirme qu’on ne peut pas servir 2 maîtres à la fois : Dieu ou l’argent. Ici, c’est l’argent que le fabriquant a choisi sans se soucier des règles destinées à protéger l’intérêt collectif et la santé des particuliers.

* Cette actualité illustre en fait très bien le dilemme dans lequel nous pouvons tous être plongés à notre niveau individuel à chaque fois que l’occasion se présente : lorsqu’il s’agit de déclarer nos impôts, d’embaucher un ouvrier pour quelques travaux à la maison, lorsque la caissière du supermarché se trompe quand elle nous rend la monnaie, etc. … est-ce que nous n’avons pas la tentation, nous aussi, de faire des économies, disons même de tricher pour dépenser moins… même si cela implique aussi un tiers.
Evidement, les conséquences ne sont pas les mêmes lorsqu’il s’agit de quelques euros, dizaine ou centaines d’euros… mais sur le fond ce n’est pas tellement différent.

N’avons-nous pas tendance à nous offusquer et même à nous insurger contre les tricheurs et les profiteurs, tout en faisant parfois de même – à notre petit niveau – lorsque l’occasion se présente à nous ?

Autrement dit, parvenons-nous à être vraiment détaché de l’anti-dieu « Mamon » et de ses attraits…  ou de nos peurs : souci de mettre de côté, peur de manquer, besoin de sécurité, etc.

* Cette question rejoint d’une certaine manière la parabole du gérant habille :

L’histoire, sans doute inspirée d’un fait divers, nous présente un homme – un gérant, un intendant – qui s’est peut-être un peu arrangé avec les biens de son maître, en profitant plus ou moins de sa richesse et de ses largesses.
Quoi qu’il en soit, des bruits remontent jusqu’à son riche patron dont il aurait dilapidé les biens. Une plainte pour gestion déloyale lui étant parvenue, le propriétaire lui signifie son congé.

Face à décision brutale de le renvoyer, le gérant rentre en lui-même et se livre à une analyse réaliste de ses possibilités. Se sentant incapable ni de bécher, ni de mendier, il invente une troisième solution : Il réalise que la solution la plus avantageuse pour lui, avant son départ, consiste à profiter de son ultime pouvoir pour abaisser les dettes des débiteurs de son maître, afin de tirer de cette générosité une grande reconnaissance de leur part.
Evidemment quand on doit 3700 litres d’huile, un rabais de 50% n’est pas de refus ! On comprend que l’intendant se soit fait des amis !

Mais, la parabole suscite notre étonnement quand on apprend que le maître finalement ne réprouve pas le comportement du gérant, mais le félicite pour son habilité.

Si l’homme s’était ménagé une sortie et des amis aux dépens de son maître – (comme on l’interprète souvent, en analysant la parabole) – on aurait du mal à comprendre pourquoi celui-ci en fait l’éloge.
Bien sûr, on peut penser que le gérant est un bon perdant, qu’il s’incline devant l’astuce de son intendant. Mais l’explication est peut-être ailleurs.

Il est possible qu’en réalité ce gérant ne soit pas un escroc, mais un homme habile.
En effet, si on remonte aux coutumes de l’époque et au droit romain, il apparaît que les gérants de métairie gagnaient leur salaire grâce à des commissions : grâce aux commissions qu’ils prélevaient sur les opérations commerciales qu’ils réalisaient.

Autrement dit, si le gérant est félicité, ce n’est pas parce qu’il a volé son patron (ce qui serait contraire au décalogue), mais parce que – contre toute attente – il a changé de comportement et a renoncé à ses marges personnelles sur ses transactions.
De cette façon, il a inversé la fonction de l’argent : au lieu de l’amasser comme un gage de sécurité et un objet de jouissance et de confort immédiat, il a pensé à l’avenir et l’a investi pour ouvrir des relations et se faire des amis.

Au lieu d’amasser pour lui un trésor, il se crée un trésor de reconnaissance auprès des anciens débiteurs (cf . Lc 12,21).

Si cet homme totalement opportuniste est félicité, ce n’est pas pour sa moralité, mais pour sa réaction rapide et inventive face à une menace proche. C’est parce qu’il a détourné la finalité de l’argent : Au lieu de servir uniquement un but égocentrique, il a utilisé l’argent comme un moyen de nouer des relations humaines,… en abandonnant ses commissions, donc en laissant cet argent aux débiteurs de son maître.

D’une certaine manière, l’homme est entré dans la logique de la grâce, de la gratuité, en renonçant à son bon droit (non pas à sa retraite chapeau, mais à ses commissions).
Cela dit, il faut garder à l’esprit que la motivation de son acte, généreux en apparence, est en réalité intéressé : il se ménage des relations futures, sachant qu’il sera dès demain sans emploi.

 Comment doit-on comprendre la phrase qui conclut la parabole ?

« En effet, les fils de ce monde (ceux qui appartiennent à ce monde) sont plus habiles (plus avisés) vis-à-vis de leurs semblables que ceux qui appartiennent à la lumière (les fils de la lumière) » (v.8)

Ce qui est mis en avant dans l’habileté du gérant, c’est son intelligence et sa malignité.  Cela dit, il est présenté, malgré tout, comme un « fils de ce monde », c’est-à-dire comme appartenant à groupe de ceux qui ne connaissent que le monde présent et n’agissent que pour lui. Cet homme habile ne l’est que d’un point de vue matérialiste.

A ceux-là, l’évangéliste Luc oppose « les fils de la lumière », c’est-à-dire ceux qui ont d’autres préoccupations que l’argent, qui ne conçoivent pas le monde et ses attraits comme étant uniquement visibles et matériels, mais qui reçoivent leur lumière de Dieu, la Source de l’Être et de l’Amour.

En d’autres termes, ce verset vient retourner le sens de la parabole : Certes, cet homme opportuniste peut être salué pour son habileté, mais il reste un homme de ce monde, un homme attaché à son égo … un homme qui n’a pas compris grand chose au projet d’amour de Dieu pour l’humanité.

Cette conclusion laisse entendre que les « fils de la lumière » n’ont pas l’habileté du gérant pour les choses de ce monde, mais sans doute ont-ils fondamentalement d’autres préoccupations plus exaltantes et plus nourrissantes en termes de croissance humaine et spirituelle que ceux qui ne pensent qu’à l’argent ou à leur petit égo.

* L’évangéliste Luc a placé après cette parabole plusieurs réflexions éparses sur l’argent qu’il a rassemblé ici. Il est tout à fait possible que cette parabole assez scandaleuse qui met en avant un personnage douteux quant à sa probité, ait pu choquer les premiers chrétiens.
Cela expliquerait pourquoi Luc place ici d’autres paroles de Jésus permettant de faciliter la compréhension de son message.

- « Eh bien ! moi, je vous dis : faites-vous des amis avec l’Argent trompeur pour qu’une fois celui-ci disparu, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles » (v.9)

L’expression « argent trompeur », littéralement le « Mamon d’injustice » désigne l’argent idolâtré tel qu’il fascine les humains, mais dont la possession est toujours liée à un système de répartition injuste.

Premier commentaire : si le gérant a su se servir des biens pour assurer son avenir sur cette terre, que les Chrétiens en usent pareillement mais pour préparer leur avenir éternel.

Or, le moyen que Jésus propose pour acquérir des trésors dans le ciel, c’est de se laisser transformer dans notre intériorité par l’amour, c’est de s’enraciner dans le don : le don de soi et de ses biens. Cela passe par le lâcher-prise (la déproccupation de soi-même) et l’ouverture du cœur, qui peut se concrétiser dans le don de soi, de son temps ou de son argent, en faveur des plus petits et des plus pauvres (cf. Lc 12, 33 ; Mt 25).

- « Celui qui est digne de confiance pour une toute petite affaire est digne de confiance aussi pour une grande ; et celui qui est trompeur pour une toute petite affaire est trompeur aussi pour une grande. Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’Argent trompeur, qui vous confiera le bien véritable ? Et si vous n’avez pas été dignes de confiance pour ce qui vous est étranger, qui vous donnera ce qui est à vous ? » (v.10-12)

Le deuxième commentaire dissipe le malentendu qui verrait dans la parabole une permission de frauder : une bonne gestion dans les affaires matérielles rend digne de se voir confier la gestion des affaires spirituelles.
(D’une certaine manière, l’argent est présenté comme le test de la fidélité des disciples. La fidélité et la confiance commencent déjà par l’argent.)
L’exhortation s’adresse notamment aux responsables des communautés chrétiennes, chargés de la croissance spirituelle des fidèles. 

Ce qui est intéressant ici, c’est que Jésus présente l’argent comme un bien qui nous est « étranger ». Au contraire, l’accès au royaume, (cf. 12,32), l’accès à la présence de Dieu en nous, est présenté(e) comme une réalité qui est à nous, qui nous est non seulement possible et ouverte, mais donnée.

Alors, pourquoi chercher à acquérir ce qui nous est étranger, quand ce qui est à nous est à portée de main ?
Prenons-nous le temps de méditer, de prier, pour nous ouvrir à cette grâce qui nous est offerte… à cette lumière qui est portée de notre cœur ?

En d’autres termes, sommes-nous autant préoccupé par notre progression spirituelle, par l’élargissement de notre cœur, que par nos soucis d’argent, qui restent une réalité extérieure, étrangère au développement de notre intériorité.

- « Aucun serviteur ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra le premier et aimera le second ; ou bien il s'attachera au premier et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'argent. » (v.13)

Le troisième commentaire pointe sur le verbe « servir ». Dieu n’est pas l’ennemi de l’argent, mais idolâtrer l’argent est incompatible avec la confiance en Dieu. L’argent n’est qu’un instrument, un moyen, pas un but, ni une finalité, ni un maître.

Jésus insiste ici sur un choix que nous avons à faire : en qui / en quoi doit-on ultimement placer notre confiance ?
On ne peut pas investir sa sécurité à la fois en Dieu et en l’argent.

Si Jésus nous demande de faire ce choix, c’est que pour lui notre confiance en Dieu peut et doit être totale. Dieu le Père est amour et bienveillance. Il sait ce dont nous avons besoin, avant même que nous lui demandions.
Notre seule tâche est de lui faire pleinement confiance, de nous ouvrir à sa Source, à son Esprit d’amour. En nous élevant spirituellement, en nous laissant construire par Dieu et influencer par son Souffle, nous nous nous ouvrirons et recevrons ses bénédictions.

* La question soulevée par ces textes – comme ceux de l’Ancien testament qui laissent parfois entendre la colère des prophètes – est de savoir si nous partageons / ou pas les bénédictions que nous avons reçues de notre Créateur dans la vie.

Dans les livres prophétiques, Esaïe ou Jérémie (Es 10, 1-3 ; Jr 5, 26-28) se fâchent après les riches incapables de restituer aux pauvres la part de bénédiction qu’ils ont reçu. Leur tort est d’accaparer pour eux seuls des bienfaits dont le peuple entier pourrait aussi profiter.

La convoitise est en réalité une tentation qui touche tout le monde, et pas seulement les plus riches. La possession implique une responsabilité à l’égard des autres, notamment des plus démunis.

Lorsque Jésus oppose le service de Dieu le Père et celui de l’Argent /Mamon, il porte à notre conscience le risque de la fascination de l’argent et la dénonce, car elle s’alimente d’une cupidité qui se refuse au partage.
Ce qui est en jeu, c’est notre égo, qui tend à ramener toute chose à soi-même.

Or, Jésus, précisément, nous invite à surmonter cet égo, par l’amour, en nous rappelant que nous sommes tous frères, fils d’un même Père.
Il défend une spiritualité de l’argent, basé sur une confiance placée en Dieu seul… une confiance qui nous appelle à la générosité et au partage.

En conclusion, c’est à un changement de mentalité que Jésus nous appelle… à commencer par nous arrêter de nous préoccuper de ce qui nous est étranger – l’argent / Mamon – pour nous intéresser à ce qui est à nous et qui nous est offert : le royaume… le règne de Dieu en nous… dans notre cœur et notre vie.


Amen.

dimanche 20 septembre 2015

Mt 25, 14-30

Mt 25, 14-30
Lectures bibliques : Ga 6,  1-10 ; Mt 25, 14-30
Thématique : les serviteurs fidèles/confiants  ou la parabole des talents
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 20/09/15
(inspirée d’un commentaire d’Anselm Grün[1])

Nous connaissons bien cette fameuse parabole des talents :

Un homme – qui représente sans doute la figure du Christ – doit partir en voyage… partir de façon définitive. Avant son départ, il décide de rassembler ses serviteurs et de leur donner ses biens. Ce qu’il fait en donnant à chacun selon ses capacités.
Les deux premiers serviteurs utilisent alors les talents confiés et en gagnent autant par leur propre travail. Mais le troisième serviteur réagit différemment. Au lieu de faire fructifier le talent reçu, il cache l’argent dans un trou, sans l’utiliser. Il ne le considère pas comme étant « son talent », mais comme étant toujours la propriété de son maître (v.18 ; v.25).

Contre toute attente, longtemps après, le maître revient – la parabole évoque sans doute le retour du Christ. Le maître ne revient pas pour demander des comptes à ses serviteurs, mais pour prendre des nouvelles. Il entre alors en dialogue avec chacun des serviteurs et considère l’usage qui a été fait des talents donnés.

Bien sûr, le problème se pose quand vient le tour du troisième serviteur. Non seulement celui-là n’avait reçu qu’un seul talent, mais, de surcroit, il n’a pas su ou pas osé en faire usage. Il ne l’a jamais considéré comme étant vraiment à lui. Il parle au maître en lui disant « voici ton talent… tu as ton bien » (v.25) Et la parabole se concentre sur le sort de ce dernier, qui constitue pour l’évangéliste Matthieu un contre exemple de ce qu’il faut faire : ce troisième serviteur est présenté comme l’anti-type du croyant… D’ailleurs, les choses finissent mal pour lui : Non seulement, il perd tout ce qu’il a, mais il finit dehors… Il est mis à la porte.

Si le troisième serviteur est ainsi mal considéré, la question qui se pose est toute simple : qu’a-t-il fait pour en arriver là ?

A bien écouter l’apôtre Paul, dans l’épître aux Galates : « ce que l’homme sème, il le récoltera » (Ga 6,7) Autrement dit, ici, ce qui arrive à ce serviteur n’est pas le résultat d’une hypothétique punition divine, d’un jugement dernier, mais la conséquence de ses propres choix. L’homme doit supporter les conséquences de ses mauvais choix : il n’a pas accepté le seul talent qui lui était confié, alors inévitablement, celui-ci lui sera enlevé… car son attitude montre que dès le début, il a refusé ce don. Il n’a compris ni le projet de son maître, ni qu’il s’agissait d’un don.

A travers l’exemple de ce troisième serviteur, Matthieu veut nous faire percevoir les conséquences de nos refus… car il nous arrive, nous aussi, de refuser les cadeaux que la vie nous a donnés.
Si nous enterrons nos talents, d’une certaine manière, nous les refusons… nous refusons de vivre. Nous risquons alors de nous scléroser et d’être à côté de la plaque, comme ce troisième serviteur.

Le thème de cette parabole, c’est la peur et la confiance.
Pourquoi les deux premiers serviteurs sont-ils loués et récompensés ? Non pas à cause de ce qu’ils ont fait, ni de leur habileté. Ils ne font que présenter au maître d’autres talents : des talents obtenus grâce à l’usage des talents reçus.
S’ils sont félicités par le maître, c’est pour leur confiance :
En utilisant les talents offerts, en les acceptant et en osant les utiliser, ils ont réussi à développer d’autres talents, grâce à leur confiance.
Au contraire, reculant devant le risque, le troisième serviteur a enterré son talent.

La parabole nous donne plusieurs raisons susceptibles d’expliquer l’attitude du dernier serviteur :

- D’abord, tout montre – comme je le disais – qu’il n’a pas compris l’intention de son maître. Il n’a pas reçu ce talent comme un don, comme un cadeau… mais comme une charge, dont il s’est empressé de se débarrasser en l’enfouissant dans la terre.
Cette attitude tient à son image de Dieu : « Maître – dit-il – je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes où tu n’as pas semé, tu ramasses où tu n’as pas répandu ; par peur, je suis allé cacher ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien. » (v.24-25)

Ce qui motive son comportement, c’est la peur, la méfiance… c’est-à-dire, le contraire de la confiance. Ce serviteur était paralysé par son image de Dieu : celle d’un Dieu juge capable de punir… d’un maître sévère qui ne laisse passer aucune faute.

La réponse du maître est sans équivoque : avec ce genre de représentation mentale de Dieu, le serviteur ne peut que récolter les fruits de son angoisse… des fruits amers !
C’est ce que Jésus fait comprendre à ses auditeurs :
«  Si tu as une image aussi négative de Dieu, si tu te le représente comme un comptable pointilleux, un Dieu despotique qui récolte où il n’a pas semé, ta vie est dores et déjà un enfer : elle est dores et déjà "pleurs et grincements de dents". Si tu as peur de Dieu, cette peur te paralyse et t’empêche de vivre. Une image morbide de Dieu ne peut que te rendre malade ».

- La deuxième raison qu’a ce serviteur d’enterrer son talent, c’est le souci de sécurité.
En effet, comparé aux autres qui ont reçu davantage (2 et 5 talents), il est possible que le troisième serviteur se soit senti défavorisé. En se comparant, il a non seulement refusé son sort, parce qu’il l’estimait inférieur, mais il a eu peur. Il n’a pas voulu perdre le peu qu’il avait. Ne voulant commettre aucune faute, voulant éviter toute critique, il s’est employé à conserver son bien sans y toucher.

Mais, la parabole montre qu’il aurait mieux fait de ne pas se comparer aux autres, ni de se laisser dominer par la peur.
C’est justement parce qu’il n’a voulu faire aucune faute, qu’il a tout faux.
On ne peut pas enfermer la vie sous cloche ou dans la terre, pour la garder intacte. Elle est faite pour être donnée, risquée, vécue.
Parce qu’il a voulu tout contrôler, ce dernier serviteur a perdu le contrôle de sa vie. Il tenait à lui-même et à son talent, et voilà qu’il finit par tout perdre.

Le maître le qualifie de « mauvais » et « fainéant », selon la traduction généralement admise ; en fait il faut lire non pas « paresseux », mais « craintif, peureux ». C’est par crainte qu'il n'a rien entrepris ; il était trop hésitant et indécis. Le maître lui reproche de n'avoir pas agi autrement en dépit de la mauvaise image qu'il avait de sa sévérité ; il aurait pu tout au moins déposer ­son argent chez un prêteur, et en percevoir les intérêts.
Mais cet homme s'est montré incapable de gérer son avoir, et c'est pourquoi son talent lui sera retiré et ira au premier serviteur (qui lui avait accepté avec foi les dons reçus).

Cette parabole se veut provocante. Elle est en fait une invitation à vivre dans la confiance et non dans la crainte.
Celui qui veille anxieusement à ne faire aucune faute finit par tout faire de travers : il se ménage lui-même une vie dans l’enfer de la peur. Il se détruit lui-même et se prive de la vie, en refusant celle qu’il a.

Au-delà de la leçon qu’on peut tirer de cette parabole, il faut préciser que cette histoire de talents, avec ses conséquences pour le 3ème serviteur, provoque souvent l'irritation des lecteurs.
A la première lecture, on éprouve de la compassion pour ce serviteur… même un sentiment d’injustice : de toute façon – se dit-on – il était déjà désavantagé et n’y pouvait rien. Et finalement on lui prend tout. Ça paraît contestable !

Il me semble que si nous éprouvons de la compassion pour ce serviteur, c’est que nous pouvons nous identifier à lui.
Bien souvent, face aux difficultés, il nous arrive de nous décourager, de perdre confiance ou de nous dévaloriser. La vie peut parfois nous paraître injuste. Et quand c’est le cas, nous avons tendance à nous apitoyer sur nous-mêmes.

Mais, Jésus nous invite à adopter une autre attitude. Avec cette parabole, il vient nous secouer.
En fait, il chasse nos découragements et notre peur, par la peur, en nous en montrant les effets néfastes pour nous mêmes. Il veut que nous reprenions le chemin de la confiance et de l’amour.

Nous pouvons le comprendre à travers une situation concrète :
Dans un ouvrage, un psychologue raconte son expérience avec une femme qu’il suivait et qui ne voyait en elle que des aspects négatifs. Rien n’allait. Elle se dévalorisait constamment. Plus le psychologue essayait d’être constructif et de lui montrer ses côtés positifs, plus elle sombrait dans le défaitisme et le pessimisme vis-à-vis d’elle-même.
Il eu alors une idée lumineuse. Il décida de renchérir tous les propos négatifs de sa patiente. Celle-ci finit pas se révolter : « Mais comment pouvez-vous dire cela de moi ? »

Cette histoire nous montre que des personnes ont parfois une attitude mentale désastreuse à l’égard d’elle-même. Cultivant le négatif dans leur tête, elles finissent par créer et induire ce négatif dans leur vie concrète… comme si leurs pensées avaient peu à peu forgé leur réalité.
Or, en accentuant cette attitude négative, en la renforçant dans le dialogue, paradoxalement, ce psychologue a fini par faire comprendre à cette femme à quel point sa vision était faussée et contreproductive.

Il faut se demander si Jésus ne fait pas la même chose dans cette parabole à travers ce qui arrive à ce troisième serviteur.
Les conséquences de son attitude, de sa peur, sont désastreuses pour lui-même.

En nous montrant les conséquences de la peur, Jésus cherche à susciter la confiance de ses auditeurs. En dépeignant nos faiblesses, il cherche à nous faire réagir et à nous faire découvrir les forces qui sont en nous, les talents que Dieu nous donne pour rebondir dans la vie.

La question n’est pas de savoir si ce qui arrive à ce troisième serviteur est juste ou non… (de toute façon, dans la vraie vie chacun reçoit des talents différents)… mais de se demander si ce serviteur ne récolte pas en grande partie ce qu’il a lui-même semé.
En l’occurrence n’ayant rien osé faire de ses semences (de ses dons, de ses talents, de ses charismes) sa récolte est nulle, égale à zéro. Il subit les résultats de sa peur de vivre.

Pour éviter de reproduire ce genre d’attitude, Jésus prescrit à ses auditeurs la confiance en la vie, la confiance en Dieu !

Celui qui s’apitoie sur lui-même doit ouvrir les yeux, cesser de se crisper sur sa personne et trouver le courage de vivre sa vie, en s’appuyant sur les dons qu’il a reçu de Dieu.

Nous avons tous reçu des talents, chacun à notre manière nous avons quelque chose à recevoir, à cultiver et à offrir dans notre vie… Dieu nous fait confiance pour découvrir et faire croître ce qui est enfoui en nous… afin d’en tirer de nouveaux talents… à partager avec nos frères.

* Pour conclure cette méditation, je voudrais m’arrêter avec vous sur ce que dit le maître aux deux premiers serviteurs.
Nous avons vu que ceux-ci ont accepté ce qui leur était offert et fait confiance à leur maître. Lorsque celui-ci les félicite, il met en avant leur « bonté » et leur « fidélité ».

En grec, le mot « fidélité » a la même racine que le mot « foi », « confiance ».

« La fidélité est un sentiment qui s'éprouve dans l'absence et qui consiste à inventer des voies inédites pour multiplier les dons reçus. Elle n'a rien d'une sorte d'attentisme paralysé ou d'un conservatisme mal placé qui laisse les choses dans l'état ancien.
La fidélité consiste à deviner les intentions du maître et à prouver que l'on entretient une juste relation avec lui par des actions concrètes.
Elle consiste ­à se mettre à la place du maître et à agir comme lui. C'est une attitude pleine d'amour car c'est une attitude qui fait sortir de soi [de son égo] pour chercher à agir comme un autre.
Être fidèle au maître, c'est entrer dans ses voies, tenter de penser comme lui, agir comme il agirait, [c’est-à-dire avec confiance, amour et bienveillance.] »[2]  

Amen.




[1] Anselm Grün, Jésus, le maître du salut, Evangile de Matthieu, Bayard, p.115-119.
[2] Régis Burnet, Paroles de la Bible, Au commencement était le verbe, Seuil, p.166.

dimanche 13 septembre 2015

Mt 25, 1-13

Mt 25, 1-13
Lectures bibliques : Mt 7, 21-27 ; Mt 25, 1-13
Thématique : la parabole des dix vierges
Prédication de Pascal LEEBVRE / Tonneins, le 13/09/15
(Inspirée d’une méditation d’Anselm Grün)

On classe communément cette parabole dans le registre eschatologique. Elle est une image développée par Jésus pour nous parler des choses dernières, de la venue du Fils de l’homme et du jugement dernier à la fin des temps.
Elle représente une sorte d’allégorie sur l’attente prolongée du retour de Christ, qui nous appelle à veiller et à nous engager, en attendant la suite … car, selon Matthieu, notre vie ne se limite pas à notre existence terrestre, ici et maintenant. Nous devons, pendant notre existence ici-bas, nous mettre à l’écoute de l’Evangile, le mettre en pratique et veiller, pour être prêt quand viendra le grand jour du retour du Christ.

Aujourd’hui, si on interrogeait bon nombre de chrétiens, on s’apercevrait rapidement que cela ne correspond plus ni à notre manière de penser, ni à notre attente ou notre préoccupation. Nous ne pensons pas tous les jours au retour du Fils de l’homme… et peut-être même ne sommes nous plus dans cette attente.

Est-ce choquant ? Je ne le crois pas. Si ce texte est dans l’évangile de Matthieu, c’est que justement, déjà, à l’époque de Matthieu, cinquante ans après la mort de Jésus, l’espérance du retour du Christ était remise en question.
Au départ, on croyait cette venue imminente… mais peu à peu…  comme cette attente s’est prolongée, sans se réaliser… beaucoup ont commencé à douter de cette venue… d’où cette exhortation que Matthieu met dans la bouche de Jésus, appelant les disciples à veiller en attendant la venue de l’époux, une image, une métaphore, pour le Messie, le Christ.

L’interprétation traditionnelle de cette parabole est la suivante :
Dix jeunes filles (qui représentent la figure du croyant) se mettent en route avec leurs lampes pour aller chercher l’époux. Mais l’époux, le Christ, tarde à venir. Dès lors, la parabole opère une séparation entre deux catégories de jeunes filles, de croyants. Les « sages » qui y croient toujours et qui ont prévu la chose. Et les « insensées » qui n’ont pas anticipé ce retard.

A l’époque de Matthieu, ces lampes, fichées sur une perche, des flambeaux, ne brulaient pas longtemps sans être rechargées. Il fallait sans cesse y remettre de l’huile.
Quand à minuit, retentit le cri « voici le marié ! », elles veulent toutes préparer leurs lampes. Mais les « étourdies » s’aperçoivent qu’elles n’ont pas emporté de réserves d’huile : leurs lampes ne pourront brûler que très peu de temps.

Selon certains exégètes, il est probable que les lampes des jeunes filles aient brûlé tout le temps écoulé de l’attente. Mais n’ayant pas suffisamment anticipé le retard de l’époux – ou n’y croyant plus – les étourdies se sont fait surprendre. Quand l’époux est enfin là, il est trop tard. Elles sont à sec.

Dans cette interprétation classique, ce qui reproché aux jeunes femmes « étourdies » c’est de n’avoir pas prévu le retard de l’époux, c’est-à-dire le retour du Christ.

Mais cette interprétation n’est pas forcément très stimulante pour nous, car nous-mêmes sommes peut-être comme ces « insensées »… peut-être n’attendons-nous plus le retour imminent du Christ. Ce qui par ailleurs, ne nous empêche pas de croire en sa Parole et de mettre en pratique son Evangile… parce que nous croyons qu’il est juste et bon, porteur de vie et de promesses.

Il y a une autre interprétation qui me paraît plus intéressante. Selon certains exégètes, le défaut des « insensées » ne vient pas d’un manque d’anticipation, du fait qu’elles n’aient pas emporté suffisamment d’huile dans cette longue attente… mais vient, en réalité, du fait qu’elles n’avaient pas cette huile… soit qu’elles n’avaient pas cherché à en avoir, soit qu’elles n’avaient pas suffisamment fait de réserves d’huile pendant leur existence.

Autrement dit, ce qui différencierait les vierges « avisées » des « étourdies » n’est pas une question de prévision et d’attente – puisque d’ailleurs, toutes finissent par s’endormir, dans la mort – mais une question de réserves d’huile qu’elles ont ou non faites durant leur existence.

Vivant au jour le jour sans réfléchir, oubliant l’importance de la vie et de la volonté de Dieu, les « insensées, les folles » ont négligé la tâche de produire de l’huile. Elles ne sont pas fiables.
Au contraire, les vierges sages et prudentes se sont préparées à cela. Elles ont fabriqué ou collectionné de l’huile tout au long de leur vie, au point d’en avoir assez – même après une longue attente – pour allumer leur torche et accueillir l’époux. Et ainsi, être reçues dans la salle de noces, pour faire la fête avec Lui.

[Cette opposition entre sagesse « avisée » et folie, ou « étourderie », est caractéristique des paraboles de Jésus : nous avons « l'homme avisé » qui a construit sa maison sur le roc et « l'homme insensé » qui a bâti la sienne sur le sable (Mt 7,24-27). […]
Le mot grec phronimos, pour « sage, avisé », vient de phrènes, le diaphragme, l'intérieur de l'homme, la conscience, l'intelligence.
Les jeunes filles « sages, sensées », sont celles qui se laissent guider par leur saine intuition, par leur bon sens. Chez Platon, l'homme avisé et réfléchi est toujours l'homme bon, alors que l'insensé est mauvais. Qui est réfléchi tourne son esprit vers le divin.
Dans la parabole, les vierges folles sont celles qui ferment les yeux devant la réalité, alors que les vierges sages portent un regard juste sur la situation ; pour elles, la réalité extérieure est une image de la réalité intérieure, de leur relation à Dieu.] [1]

Reste à savoir ce que désigne cette huile que les jeunes femmes (les croyants) sont appelées à mettre en réserve, à emmagasiner, en vue de l’union avec l’époux, le Christ.

Beaucoup de théologiens ont vu dans cette huile une image des bonnes œuvres qui doivent venir s’ajouter à la foi, représentée par la torche.
En effet, dans l’évangile de Matthieu, la foi et les œuvres sont indissociables. Le croyant n’est pas seulement appelé à entendre les paroles de Jésus, mais aussi à les suivre, à les mettre en pratique au quotidien, dans le concret de l’existence.
La foi est appelée à se manifester dans toute notre vie, pour mener une vie juste dans nos relations avec autrui, sinon cette foi n’est que religieuse ou spéculative, et sombre dans l’inconsistance.

Saint Augustin, de son côté, voit dans l’huile l’image de l’amour que nous sommes appelés à cultiver, à faire grandir en nous et autour de nous. Il interprète l’huile comme l’état d’esprit qui doit guider l’action du chrétien ; elle est une image de l’amour.

C’est la raison pour laquelle, dans la parabole, les jeunes filles sages ne peuvent pas partager leur huile avec les vierges « étourdies » au moment où l’époux se présente :
Ce n’est pas par égoïsme que les vierges « sages » refusent de donner de leur huile aux vierges « folles », mais c’est parce que cette huile ne peut pas se récolter pour autrui. C’est à chacun de la récolter, c’est à chacun de se laisser construire par l’amour.

L’amour relève de l’être et non de l’avoir. On peut partager du pain, du vin, des biens matériels, des biens spirituels même, mais notre façon d’être, on ne peut pas l’imposer à d’autres. Chacun a la sienne et il en a la charge.

Pour Augustin, donc, cette parabole nous exhorte à éveiller en nous l’amour qui s’y trouve déjà, mais dont nous nous sommes souvent coupés.

Le chemin de la vie, c’est celui de l’amour que nous sommes appelés à cultiver… comme une huile précieuse, capable de nous nourrir, de nous éclairer et de guérir nos blessures.

En d’autres termes, au moment décisif, au moment de faire le point sur sa vie, on ne peut pas s’en remettre à autrui. Chacun est libre et responsable de sa propre vie.
Celui qui vit dans l’insouciance et l’égoïsme risque de se retrouver les mains vides au moment crucial. Au contraire, celui qui cultive l’amour dans sa vie, récolte de l’huile, du combustible, pour allumer sa lampe et accueillir l’époux.

Si tel est le cas… la réponse des vierges « avisées » qui invitent les  vierges « folles » à aller acheter de l’huile en magasin est à interpréter de façon ironique.
En pleine nuit, les magasins sont fermés. On ne peut pas se procurer au dernier moment ce qu’on n’a pas cultivé en soi.
L’amour n’est pas une marchandise. Il doit se développer en nous, et par un travail sur nous-même, nous devons faire qu’il détermine peu à peu toutes nos actions.

Bien évidemment, cette parabole exprime une sorte d’avertissement.
Pour autant, il ne faut pas être manichéen. Il y a en chacun de nous une part de vierge prudente et de vierge folle.
Il nous arrive, à certains moments, de vivre dans l’oisiveté et l’inconscience, de ne pas nous préoccuper du royaume et de la justice de Dieu. Mais, à d’autres moments de notre existence, il nous arrive aussi d’être attentif à la Parole de Dieu, de nous attacher à la mettre en pratique dans notre vie… d’essayer de progresser dans le chemin de l’amour : avec nos amis, notre famille, dans notre vie professionnelle, nos engagements associatifs, partout l’occasion nous est donné d’aimer, encore et toujours.

Nous pouvons avancer et essayer tout au long de notre existence de vivre unifié… de vivre en paix avec Dieu, avec les autres et avec nous-mêmes… c’est le travail de toute une vie… de dépasser et de transformer nos zones d’ombre, d’abandonner les fausses images de nous-mêmes, de quitter nos peurs et nos replis, notre orgueil et notre égocentrisme, pour vivre libre, pour nous ouvrir à la confiance et aux autres, pour laisser Dieu nous transformer et accéder à une unification intérieure.

Conclusion : Pour conclure… que peut-on retenir de cette méditation ?

Il est possible que nous n’attendions plus le retour du Christ… mais ce texte de l’Evangile nous concerne et nous interpelle quand même.

Bien entendu, ce texte peut être interprété comme une image du jugement dernier… mais il peut aussi être interprété – de façon plus simple – comme ce qui adviendra lors de notre mort.

Au seuil de notre existence, quand notre vie basculera de l’autre côté, une lumière d’amour et de vérité poindra sur nous … et toute la lumière sera faite sur notre vie. Ce qui aura finalement compté dans notre existence vécue ce sont tous les actes d’amour que nous aurons donnés et reçus.

Ce qui accèdera à la noce du royaume, à l’unité avec le Christ, c’est ce qui aura été unifié par l’amour. Le reste ne subsistera pas.

En d’autres termes, cette parabole nous appelle – à travers l’image de l’huile, de l’amour à cultiver – et de l’image de la rencontre avec le Christ, l’époux – à produire de l’huile et à l’emmagasiner.

Bien évidement, cette huile si précieuse ne s’achète pas chez des marchands. Elle se trouve dans le don, le don de Dieu – de son amour – que nous sommes appelés à recevoir et à assimiler dans toutes les facettes de notre vie… et le don de soi – car l’amour ne s’économise pas. Pour le produire, il faut s’engager corps et âme dans la vie avec les autres, il faut se risquer, donner de l’huile de coude.

Finalement, cette parabole nous rappelle le but de notre vie : au bout du chemin, nous accéderons à notre vrai Soi, à l’unité avec Dieu, nous célébrerons la fête dans la joie.

Cette parabole décrit le chemin qui nous y mène : non pas l’insouciance, la nonchalance et l’attente passive, mais l’engagement dans la vie et la persévérance, car pour produire de l’huile, il est souvent nécessaire de veiller, de faire des efforts : il faut savoir se concentrer sur l’essentiel, savoir extraire l’essentiel dans nos relations avec autrui… parfois laisser les choses se décanter… et finalement purifier notre cœur, pour en tirer une huile dorée et limpide.

C’est cette huile que nous sommes appelés à produire : une huile translucide… reflétant toutes les saveurs et les couleurs de l’amour de Dieu.

Amen.




[1] Anselm Grün, Jésus le maître du salut, Evangile de Matthieu, p.111