lundi 22 juin 2015

Mt 22, 1-14

Lectures bibliques : Mt 5, 43-48 ; Mt 22, 1-14
Thématique : la parabole du festin nuptial / Chemin d’humanisation, d’unité avec Dieu.
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Nérac, le 07/06/15 & Marmande, le 21/06/15
(Inspirée d’une méditation d’Anselm Grün)

* Dans cette parabole du banquet nuptial, le royaume des cieux est comparé à un roi qui a pour projet de faire la fête avec ses invités, d’organiser un festin de noce.

Première bonne nouvelle de ce récit : Jésus nous présente le Royaume – le monde nouveau de Dieu – comme un lieu réjouissant, comme lieu fraternel et joyeux, où l’on partage la table entre convives.

Pour prendre place à ce festin de noce, le roi – vraisemblablement une figure de Dieu – envoie ses serviteurs – sans doute des prophètes – pour inviter des convives à participer au banquet. Mais les serviteurs essuient des refus : les invités ont autre chose à faire ; chacun est pris par ses soucis et préoccupé par ses tâches quotidiennes et mondaines (aller au champ, faire ses courses ou tenir son commerce… autrement dit, ses biens, ses affaires, sa réussite).

Mais les choses ne s’arrêtent pas là, car non seulement les invités ne viennent pas, mais d’autres maltraitent et tuent les serviteurs du roi.
Il s’agit sans doute ici d’une référence au meurtre des prophètes qui appelaient Israël à écouter le Seigneur et à se convertir.
Mais, leurs paroles et leurs avertissements ont été ignorés et ils ont fini par être injustement traités et persécutés, parce qu’ils dérangeaient les gens dans leurs habitudes, leurs traditions et leur autosatisfaction.

Alors – chose étonnante – l’évangéliste Matthieu, qui reprend cette parabole de Jésus, annonce que le roi se met en colère, fait périr les assassins et incendie leur ville.

Si ce roi est bien une figure de Dieu, on a du mal à comprendre son geste, car l’image de Dieu que Jésus nous présente dans le sermon sur la montagne ou dans d’autres paraboles, comme un Père bon et miséricordieux, n’a rien à voir avec ce roi violent et colérique.

Il faut ramener ici ce que dit Matthieu au contexte de son époque (40 ans après la mort de Jésus) : Il fait sans doute référence à l’incendie de la ville de Jérusalem par les Romains et à la perte du Temple, en 70 après Jésus Christ.
Cet événement a été interprété par de nombreux Chrétiens, comme une sorte de « châtiment » de Dieu… une « punition » divine… pour l’infidélité des Juifs à l’égard de Dieu, dû au rejet de Jésus, à l’excommunication des judéo-chrétiens des synagogues et au refus opposé par Israël aux missionnaires chrétiens.

Mais, il faut bien avouer que le lecteur de l’évangile (20 siècles plus tard) peut être troublé par ce genre d’interprétation « théologique » de l’histoire.
Cette image de Dieu – comme un roi capable de vengeance et de violence – ne correspond absolument pas au Dieu bon, bienveillant et compatissant de Jésus présente dans son sermon sur la montagne.
Il faut se demander si ce passage de la parabole de Jésus n’a tout simplement pas été ajouté par Matthieu. D’ailleurs, ce « détail » ne figure pas dans la même parabole racontée par Luc (cf. Lc 14,15-24).

Que se passe-t-il ensuite ?
Les premiers invités étant jugés « indignes », le roi demande à ses serviteurs d’en convier d’autres, en rassemblant à gauche et à droite, tous ceux qu’ils trouvent sur les routes ou les places, bons ou mauvais. C’est ce qui se produit et finalement la salle de noce est pleine.

Le roi sort alors pour rendre visite et dialoguer avec tous ses invités. Et là, il s’aperçoit qu’un d’entre eux – parmi tous les convives – ne porte pas de vêtement de noces. Il s’adresse à lui, en l’appelant « mon ami » et l’interroge sur sa tenue : « comment es-tu entré ici sans avoir changé tes vêtements ?... sans t’être revêtu d’un vêtement de noce ? »
Mais, l’homme en question reste muet. Il n’entre pas en dialogue avec le roi. Il ne fournit aucune explication et ne répond pas. Face à ce silence béat, le roi décide de le jeter dehors, hors du festin de noce.

Les théologiens de toutes les époques ont essayé de trouver une explication à la fin dramatique de cette histoire : que représente cet homme qui est chassé ? Quel est donc ce vêtement de noce qu’il n’aurait pas revêtu ?

Il faut d’abord revenir sur un détail : Lorsque les serviteurs sortent une seconde fois pour inviter tout le monde au festin, il est précisé que ceux qui répondent comptent parmi eux, des bons et des méchants.
Autrement dit, pour accéder au Royaume des cieux, aucune condition sociale ou morale n’est requise. Tout le monde est invité à répondre à l’appel au festin offert par le roi. Et d’ailleurs, c’est bien la même chose dans l’Eglise d’hier et d’aujourd’hui, tout le monde y a sa place, quels que soient ses qualités ou ses défauts, sa bonté ou sa méchanceté.

Mais si tous les hommes sont ainsi appelés et invités, sans distinction, l’histoire prend une autre tournure avec l’homme jeté dehors à cause de son vêtement inadéquat.

Dans l’antiquité, lors des noces, on était tenu de se présenter avec un vêtement propre. Il aurait donc fallu que cet homme lave sa tunique.

La parabole signifie probablement que l’invitation est un pure cadeau, une grâce, mais que l’invité est tenu de répondre, d’apporter sa contribution en lavant son vêtement, c’est-à-dire en s’efforçant de mener une vie pure, un comportement en adéquation avec le lieu, le royaume dans lequel il est invité à entrer.

En d’autres termes, le cadeau, l’invitation, appelle une réponse : je ne le prends au sérieux et je respecte le donateur que si j’y réponds par mon existence toute entière.

Le festin, auquel prennent part aussi bien les bons que les mauvais, les justes que les pécheurs, ne suffit pas à résumer le projet de Dieu.
Certes, le maître de maison appelle tous les hommes, gratuitement, quel que soit leur comportement préalable, en vue de prendre part à la fête … mais il les appelle également à un travail sur eux-mêmes : en s’efforçant de purifier leur vêtement.
Le vêtement symbolisant ici l’identité de la personne, c’est donc un travail de transformation auquel les convives sont, en réalité, invités.

Cette histoire peut nous sembler un peu dure, car finalement celui qui n’a rien fait se retrouve exclu du banquet. Mais, essayons de comprendre ce que signifie cette parabole : C’est juste une image, une histoire qui nous est racontée, pour nous appeler à un changement de mentalité et de comportement.

Si l’homme qui ne porte pas d’habit de fête est rejeté, c’est tout simplement parce que l’appel qu’il a reçu – et auquel il avait répondu – n’a en réalité eu aucun effet sur lui. L’appel du Seigneur ne l’a pas changé (il n’a pas changé de vêtement). Il n’a pas été touché par la Parole. Il n’en a tiré aucune conséquence pour sa vie. Et il se retrouve, à la fin, jeté dans un lieu où il n’y a pas de parole, mais juste « des pleurs et des grincements de dents ». D’ailleurs, lui-même, ne prononce aucune parole quand le roi l’interroge. Il refuse de lui répondre ou ne sait pas quoi lui dire.

Il me semble que cette parabole – à la manière d’une histoire, d’une sorte de conte – nous annonce le projet de Dieu pour l’être humain :
Tous les hommes sont appelés au repas de la fête. Un tel appel ne nous laisse pas indemnes. Il nous rend dignes.
Par cette invitation, nous sommes considérés comme des sujets, des hôtes personnels du maître de maison… comme sa famille spirituelle, ses fils et ses filles.

Vivant ainsi dans la maison d’un maître bon et généreux, nous sommes invités à adopter le même comportement que lui, à vivre de la même manière que lui (en imitant notre Père céleste, qui agit avec gratuité et générosité, en faisant lever son soleil et tomber sa pluie sur tous, justes et injustes, bons et méchants : voir Mt 5, 43-48 ; Lc 6,36).

Mais certains « appelés » peuvent aussi refuser la filiation du Père, ils peuvent refuser de se hausser à cette dignité en ne revêtant pas l’habit qui la manifeste (en adoptant un autre comportement que celui du maître de la noce).

Autrement dit, cette parabole nous rappelle qu’être invité par Dieu est un véritable honneur. En même temps, elle nous invite à répondre à l’appel de Dieu, par un réel changement dans notre manière de voir la vie et les autres… dans notre mentalité et nos comportements.

* Le théologien Anselm Grün interprète cette parabole, à l’aide de la psychologie des profondeurs, comme une image du chemin de l’individu vers sa pleine humanité, vers son unification intérieure.

Pour lui, le but de l’Eglise, de la communauté, de la prière, est d’ouvrir un chemin pour que l’homme puisse rencontrer Dieu, pour que l’âme humaine puisse s’unir à l’Esprit divin, pour que nous puissions accéder à notre vrai soi, à cette part de lumière qui est en nous et qui peut s’unir à Dieu, pour nous transformer entièrement.

Je vous livre sa réflexion :

« La parabole décrit le cheminement intérieur vers l'humanité et vers l'union ­à Dieu. Chacun de nous est invité au festin de noce ; notre vocation de chrétien ne consiste pas simplement à respecter les commandements, mais à répondre à l'invitation. Le but de notre vie est l'humanisation, qui nous unit au noyau divin [qui est] en nous : le Soi.

Souvent, nous nous désintéressons de l'invitation ; la première fois, nous entendons à peine les appels légers de notre cœur. Nous soupçonnons bien que notre vraie vocation est de nous laisser plonger dans le sein de Dieu, mais la voix est si faible qu'elle ne parvient pas à notre conscience. Ou bien - et c'est la deuxième invitation - nous avons en tête des préoccupations qui nous importent davantage : accroître nos biens, courir après le succès, vaquer aux affaires quotidiennes. Parfois, nous allons même jusqu'à étouffer en nous ces appels ; ils nous sont désagréables, ils ne nous laissent pas de repos, et nous les masquons par nos activités, ou nous les empêchons tout simplement de nous parler.

Celui qui tue les serviteurs envoyés par le roi, c'est l'ego. Il ne veut pas se laisser perturber dans ses entreprises égocentriques. Mais le roi envoie encore une fois ses serviteurs ; tout, en nous, est invité.
Ceux qui sont là au bord des chemins, ce sont les pauvres. La pauvreté en nous est plus ouverte à Dieu que le ­succès. Les serviteurs sont chargés d'aller partout dans le royaume, jusqu'au bout des routes. Toutes les régions ­de notre âme, toute l’histoire de notre vie, même les zones marginales de notre inconscient : tout en nous est appelé à s'unir à Dieu, rien n'est exclu, pas même le mal. C'est là un message réconfortant.

La seule condition que Dieu nous pose, c'est de faire honneur à son invitation, de lui ouvrir tout ce qui est en nous.

Le vêtement de noces signifie pour moi que je respecte le roi qui m'invite, que je traite avec soin tout ce que j'ai, si pauvre et si abîmé que ce soit, et que je l'associe à la fête. Il s'agit d'être attentif et prudent. Je n'ai pas à extirper le mal en moi, mais à le percevoir et à le revêtir de la tunique de l'amour. Je dois poser sur tout ce qui est en moi un regard aimant et le présenter ainsi à Dieu ; alors il m'est permis de participer au banquet nuptial et, tel quel, de m'unir au Père.

Mais [si je reste inconscient, insouciant ou étranger à tout cela,] si je me traite moi-même avec légèreté, dans mon être et mon avoir, je serai rejeté, chassé de mon centre, plongé dans les ténèbres intérieures et déchiré par ce que je n'aurai pas voulu voir : c'est ce que signifient les ­pleurs et les grincements de dents.
Si je ne suis pas prêt à regarder ma vérité en face et à l'offrir à Dieu, elle me brisera, et ma vie ne sera plus qu'une plainte. Le mal en moi deviendra source d'affliction, de désespoir et de non-sens.

[…] [Tout en mettant l’accent sur la prépondérance de la grâce], Matthieu exhorte l’homme à répondre à l’appel [de Dieu], […] à se faire disponible en réformant ses actes et son état d’esprit. […]

L’individu est ambivalent, rempli d’oppositions [de toutes sortes] : bien et mal, lumière et ombres, disponibilité et refus. Matthieu nous exhorte à prendre conscience de ce qu'il y a en nous et de le revêtir de la tunique que Dieu nous offre : un amour inconditionnel qui nous accepte tels que nous sommes.
Si, le ­refusant, nous continuons à vivre dans l'inconscience, alors nous refusons la vie […] », nous refusons l’amour que Dieu nous offre pour nous aider à nous accepter vraiment, pour élever notre conscience et nous permettre de nous transformer, en revêtant la tunique de son amour.[1]

* C’est donc là, frères et sœurs, ce que fait cette parabole de l’Evangile : elle nous met en mouvement ; elle nous invite à répondre à la grâce de Dieu qui nous appelle à revêtir son Esprit d’amour dans toutes les strates, toutes les dimensions de notre vie.

La Bonne Nouvelle que nous livre cette parabole, c’est que tout, en nous, peut accéder à l’unité avec Dieu… y compris les dimensions obscures ou disgracieuses de notre être… y compris les faiblesses qui sont les nôtres et les difficultés qui ont marqué notre histoire… tout doit être intégré dans notre relation à Dieu, en vue d’être purifié.

Pour ce faire, nous devons les présenter consciemment à Dieu et les revêtir de son amour. Sinon, elles ne seront pas transformées et il n’y aura pas de fête de noce vraiment complète… pas d’unification intérieure.

Alors… ce matin… comme chaque jour… en toute confiance… acceptons de nous placer devant notre Père céleste… acceptons de répondre à l’appel de Dieu… et laissons-nous pleinement transformer par son souffle, pour advenir à notre véritable humanité unie à Celui qui nous apporte la paix, le pardon, la lumière et la réconciliation.

Amen.



[1] Cf. Anselm Grün, Jésus, le maître du salut, p.97-99.

samedi 20 juin 2015

Mc 10, 46-52

Lectures bibliques : 1 Co 3,16. 17b ; Mc 10, 46-52
Thématique : la foi obstinée de Bartimée
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 20/06/15
(inspirée d’une méditation d’Anselm Grün)

* Nous connaissons bien ce récit de guérison raconté par l’évangile. L’évangéliste Marc commence par présenter les personnages en présence : Jésus, ses disciples, une grande foule et Bartimée. Il laisse entendre la détresse de ce dernier personnage : il est aveugle ; il est assis ; il est au bord du chemin ; il est en train de mendier. C’est l’exemple même de la marginalité.

Evidemment, à cette époque, il n’y avait rien – aucun de système de prestations sociales, aucune allocation de solidarité – pour venir en aide aux personnes handicapées. En tant qu’infirme, Bartimée est condamné à la mendicité pour pouvoir survivre.

Maintenant, si on regarde la fin du récit, la situation est complètement inversée, totalement transformée pour Bartimée : il n’est plus l’aveugle, assis au bord de la route, mais il voit, il est debout et il suit Jésus sur le chemin… c’est-à-dire qu’il devient « disciple » de Jésus.

Alors, que s’est-il passé pour cet homme ?

En réalité, l’évangile ne raconte pas tout. On ne sait pas si Jésus a accompli quelques gestes particuliers de guérison. Mais Jésus conclut, pour sa part, que c’est la foi de Bartimée qui l’a sauvé, qu’il l’a guéri.

Quelle est donc cette foi ?

Pour le découvrir, il faut nous arrêter quelques instants sur l’attitude de Bartimée.
Tout commence par des cris, par une volonté farouche de se faire entendre. Ayant entendu dire que Jésus allait sortir de Jéricho avec une foule considérable, il se met à crier « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi ! ». Il est aveugle ; il ne peut donc se faire remarquer autrement qu’en criant. Mais ce brouhaha dérange bien des gens autour de lui, qui le rabrouent et lui commandent de se taire.

Loin d’être découragé, Bartimée crie de plus belle. Alors, Jésus s’arrête et appelle ses disciples à changer d’attitude. Il leur dit « appelez-le ». Il leur demande de l’appeler eux-mêmes à venir à lui, au lieu de le mettre distance.
Les disciples obtempèrent. Ils encouragent maintenant l’aveugle à s’approcher : « Confiance, lève-toi, il t’appelle ! » Celui-ci, rejetant son manteau, se lève d’un bond et vient vers Jésus (v.49-50).

Après avoir manifesté son désir d’être guéri par ses cris incessants afin qu’on le remarque, Bartimée réagit maintenant en accomplissant trois pas :
En jetant son manteau – geste symbolique – il abandonne d’une certaine manière ses défenses, son identité d’aveugle. Il quitte la carapace qui le protège ; il tombe le masque derrière lequel il se cache. Il veut se présenter devant Jésus tel qu’il est, avec son dénuement et sa détresse.
Puis, il bondit, électrisé par l’invitation de Jésus. Enfin, alors qu’il n’y voit rien, il met toute sa force dans ce mouvement, en courant vers Jésus. Il exprime ainsi son enthousiasme à le rencontrer et à solliciter son aide.

Mais les choses ne s’arrêtent pas là. Une fois devant lui, Jésus lui demande encore ce qu’il veut, il interroge sa volonté : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Drôle de question ! La chose paraît évidente : l’aveugle veut voir !
Mais si Jésus le demande, c’est qu’il veut d’abord rencontrer l’homme. Il l’incite à parler de lui, à se dire, à se raconter… à ne plus se laisser traiter comme un objet posé là au bord du chemin, qui attend tout et dépend totalement des autres… Il l’invite à dire sa propre volonté de sujet : « que veux-tu vraiment ? »

C’est également ce que nous pouvons faire et exprimer dans nos prières adressées à Dieu : que voulons-nous vraiment ? Quels sont nos vrais désirs, nos projets ? Qu’est-ce que notre âme désire profondément ? Le savons-nous ? Osons-nous le dire ou le demander à Dieu ? Que voulons-nous qui nous rendrait plus vivants… en paix… réconciliés avec nous-mêmes ?

Pour guérir, il faut que le souffrant manifeste son désir d’une autre vie.
Jésus met ainsi Bartimée en contact avec son vrai Soi, avec son désir le plus profond. C’est une manière de l’engager dans sa guérison, de le rendre partie-prenante de son salut.

Enfin, l’homme aveugle rencontre quelqu’un qui l’écoute et lui permet d’exprimer son propre désir. Il répond simplement à Jésus : « Rabbouni, mon maître, que je retrouve la vue ! »
Et c’est ce qui va se passer : Jésus lui dit « va, ta foi t’a sauvé ! » et l’homme recouvre la vue.

Alors – on se posait la question – quelle est donc cette foi qui sauve Bartimée ?

C’est, bien sûr, sa confiance en Jésus, mais plus encore l’obstination dans la confiance.
En effet, pour atteindre Jésus, Bartimée a dû surmonter les obstacles, lutter et se faire entendre. C’est vraiment son obstination qui lui permet cette rencontre avec Jésus et l’accès à une guérison.

La foi – dont on parle ici – ce n’est pas simplement une croyance : rien ne nous dit dans ce récit que Bartinée avec une foi orthodoxe, qu’il avait la bonne doctrine (qu’il croyait ceci ou cela). Cette foi véritable, c’est un mouvement conduit par le désir, par le cœur et la volonté… un mouvement de l’être tout entier.

C’est ce mouvement de confiance qui rend Bartimée « acteur » de sa propre vie… qui l’aide à surmonter les épreuves et son handicap, jusqu’à atteindre son but : rencontrer Jésus et être un homme debout.
Ce sont ce mouvement et cette rencontre qui l’installent dans sa propre humanité.

La manière dont Jésus s’y prend avec Bartimée est très intéressante. D’une certaine façon, ce n’est pas lui qui le guérit de l’extérieur, comme par magie, mais c’est la foi de Bartimée qui est agissante… qui le sauve de l’intérieur… comme Jésus le conclura lui-même.

En l’invitant à se déplacer, à quitter le rôle d’aveugle dans lequel la société et les autres hommes l’avaient enfermé et en l’invitant à exprimer son propre désir, Jésus renvoie Bartimée à lui-même, à sa propre confiance.

C’est d’ailleurs comme cela que ça fonctionne dans beaucoup de thérapies ou de guérisons de pathologies :
Ce n’est pas le médecin qui nous guérit de l’extérieur, mais c’est d’abord notre confiance ou la confiance que nous avons en notre médecin ou notre thérapeute, qui nous met en contact avec les forces curatives que nous avons à l’intérieur de nous, de sorte que nous participons nous-mêmes au processus de guérison.

Comme Bartimée, nous avons besoin de rencontrer d’autres hommes, des personnes à l’écoute et bienveillantes, qui nous aident à nous exprimer et à nous relever. Mais nous devons aussi agir, sans tout attendre des autres, et faire confiance à ce qui est en nous… en nous mettant en contact avec nos vrais désirs, pas ceux que les autres projettent ou calquent sur nous, ni ceux qu’ils nous inculquent, ni les rôles qu’ils nous font jouer ou que la société nous incite à occuper.

En dernière instance, notre vrai Soi, notre âme sait ce qui lui fait du bien. Ce qui est nécessaire, c’est de reprendre contact avec notre âme ancrée en Dieu… avec notre propre profondeur, avec cette partie spirituelle de nous-mêmes qui est en contact avec l’Esprit divin.

C’est la raison pour laquelle il est important de prendre du temps pour soi, pour se ressourcer spirituellement (par la prière, la méditation, le contact avec la nature, etc.), pour être en contact avec les forces vivifiantes qui sont en nous et que nous avons tendance à mettre de côté ou à ignorer.

Ainsi, comme Bartimée, par la confiance en Dieu agissant en soi, dans notre intériorité, notre vie peut apparaître dans une nouvelle lumière, nous pouvons sortir de nos aveuglements et prendre notre vie en mains.

* Voilà donc ce que nous pouvons retenir de ce récit biblique : la foi, c’est une confiance, mais c’est aussi une persévérance, une obstination dans la confiance, qui nous rend « sujet », acteur et responsable de notre propre vie… qui nous libère des rôles qu’on nous fait jouer, pour faire nos propres choix, en relation avec l’Esprit de Dieu qui habite en chacun de nous.

Ce qui peut marquer notre attention dans cette rencontre, c’est la façon dont Jésus s’y prend avec Bartimée : il fait tout pour que l’aveugle prenne l’initiative, se mette en mouvement et exprime son désir de vivre. Plus que de faire disparaître la maladie, il met l’homme en marche sur une route nouvelle, dynamique et salvatrice.

C’est peut-être cela notre rôle de « témoins de l’Evangile », à la suite de Jésus : être pour chacun de ceux que nous croisons une occasion de rencontre avec lui-même et avec Dieu ; être un intermédiaire sur la route – un questionneur, comme Jésus – qui favorise le mouvement, la quête de ce qui est beau et intact en soi… qui conduit chacun à lui-même, devant Dieu.

Par ailleurs, la question que Jésus adresse à Bartimée est aussi une question pour chacun d’entre nous. Nous avons peut-être des blessures, des amertumes, des culpabilités, des souffrances en nous. Nous cherchons, nous aussi, la paix et la réconciliation.
Aussi, laissons-nous déplacer et interroger par Jésus : « Que veux-tu que je guérisse en toi ? »
Osons lui confier et lui formuler nos véritables désirs, dans le secret du cœur à cœur.

Amen.