Quand Noël nous appelle à vivre une Pentecôte…
La naissance de Jésus et la nôtre : Naître d’en haut
Lectures bibliques :
Lc 1, 26-38 & Lc 2,1-14 ; Jn 3, 1-16 ; Rm 8, 14-16
Thématique :
Se laisser mettre au monde nouveau par l’Esprit de Dieu
Prédication de
Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 25/12/13, culte de Noël
En ce jour de
Noël, nous venons d’entendre deux récits de naissance :
- celle de Jésus,
dont l’évangéliste Luc nous dit qu’elle est déjà une naissance spirituelle, une
naissance d’en haut, puisque Jésus est certes un bébé – le fils de Marie – qui
vient pointer le petit bout de son nez sur notre terre, pour la plus grande
joie de tous (à commencer par ses parents), mais que Dieu a déjà placé en lui
son souffle, son Esprit saint.
- Puis, nous
avons écouté ce dialogue entre Jésus et Nicodème, qui introduit la possibilité offerte
par Dieu, d’une nouvelle naissance, d’un engendrement spirituel.
Alors… pourquoi
mettre en perspective ces deux passages… en ce jour de Noël ?
Tout simplement,
parce qu’ils nous parlent de la même chose… Parce que ce qui se joue dans la
naissance d’en haut à laquelle Jésus appelle Nicodème est, en réalité, tout à
fait comparable à ce que Luc nous raconte, de façon un peu légendaire, au sujet
de la conception spirituelle de Jésus, au début de son évangile.
En effet,
qu’est-ce que les évangiles nous disent au sujet de Jésus de Nazareth ?
Ils nous dévoilent
son identité… telle que les premières communautés chrétiennes l’on reçue : A
savoir… il est celui que Dieu a choisi, en qui il a placé son Esprit. Il est le
Christ, le fils de Dieu, l’envoyé de Dieu.
Que les
évangiles commencent au baptême de Jésus, comme Marc… ou qu’ils se situent
avant même sa naissance, dès sa conception, comme Matthieu ou Luc… ils
affirment, haut et fort, que Jésus est le porteur de l’Esprit de Dieu (Mc
1,10ss ; Mt 3,16ss ; Lc 3,21ss). C’est ce qui le caractérise… ce qui fait
de lui le Christ.
Or, à travers le
dialogue avec Nicodème, nous découvrons une chose essentielle :
Ce qui se joue
avec Jésus (cf. Lc 1,35) comme avec Jean Baptiste (cf. Lc 1,15.41.66) – le fait
que leurs mères, Marie et Elisabeth, soient remplies d’Esprit saint – ce qui
est traduit en termes d’adoption filiale : ils ont été choisis par le Père[1], ou en
termes d’action spirituelle : l’Esprit saint était présent dès le sein
maternel, pour consacrer ces futurs hommes au Seigneur[2] – tout
cela traduit, en réalité, une chose fondamentale :
Dieu agit par
son Esprit et c’est la vocation de tout être humain – comme Jésus l’affirme à
Nicodème – d’être le porteur de l’Esprit saint, de rendre manifeste l’Esprit
d’amour de Dieu.
L’Esprit de
Dieu, son souffle, peut venir habiter en l’homme (cf. Rm 8,9-30) … Dieu peut
faire sa demeure en nous (cf. Jn 14,23)… nous pouvons l’accueillir et le
recevoir.[3]
L’évangile selon
Jean, comme les lettres de Paul, nous font part de cette conviction :
C’est désormais
à tout homme que cette promesse s’adresse (Ga 3,14.29 ; 4,28 ; Rm 8,23.29 ; Ep 1,13). Le don de
l’Esprit saint est offert à chacun… à tous ceux qui placent leur foi, leur
confiance, en Dieu (cf. Ac 1,8 ; 2,4 ; 4,31 ; Ep 5,18).
C’est – je crois
– dans cette optique qu’on peut relire les récits de la nativité :
C’est un peu
comme si Noël – avec la conception (cf. Mt 1,18 ; Lc 1,35) et la naissance
de Jésus – était une Pentecôte avant l’heure[4]… un peu comme
si, à travers cet enfant conçu de l’Esprit saint, les auteurs du Nouveau
Testament venaient nous dire : « Voilà… voilà la naissance spirituelle
que vous avez à vivre, vous aussi… voilà qu’il vous faut laisser « naître »
le Christ en vous… comme Jésus l’a vécu, avant vous ! »
C’est en
cela… chers amis… que Noël est pour nous
une fête vivante… et pas simplement un mémorial.
Car – disons le
clairement, et peut-être de façon un peu provoquante – quel intérêt y aurait-il
à fêter Noël, à fêter la naissance de Jésus, si cet événement était seulement
une histoire ancienne, un récit du passé – il y a 20 siècles – sans aucune actualité
pour nous aujourd’hui ?
Si tous les ans,
nous prenons le temps d’écouter à nouveau ces mêmes passages de l’évangile,
c’est bien que cette histoire de Noël nous concerne dans notre existence présente…
et au moins pour deux raisons :
- D’une part,
parce que Jésus, en tant que porteur de l’Esprit de Dieu, vient nous révéler le
projet de Dieu, la volonté de Dieu pour les hommes. Et, ce matin, l’évangile
nous rappelle qu’il s’agit, avant tout d’une volonté de salut… de vie
éternelle, c’est-à-dire de vie en plénitude, de vie véritable pour les humains
(cf. Jn 3,16).[5]
- D’autre part,
parce que ce que Jésus dit à Nicodème (cf. Jn 3,3-8) ou ce que Paul dit à ses
communautés – quand il affirme que nous sommes le temple du saint Esprit (cf. 1
Co 3,16.17b), que nous sommes appelés à nous laisser conduire par l’Esprit de
Dieu (cf. Rm 8,14) – nous révèle que Jésus n’est pas simplement un hapax, un phénomène
unique… mais qu’il est bien davantage un prototype, le modèle de ce que nous
sommes, nous aussi, appelés à devenir.
Paul le dit avec
insistance, tout au long de ses lettres : Nous sommes appelés à devenir
« fils de Dieu » (Rm 8,14-16 ; Ga 3,26 ; Ep 5,1). En nous
donnant son Esprit, Dieu souhaite nous adopter comme ses fils, ses enfants
bien-aimés, ses héritiers.
Ainsi… Noël nous
redit que nous avons, nous aussi, comme Jésus, une naissance « d’en
haut » à vivre.
Comme Nicodème,
après Jésus, nous avons à nous laisser mettre au monde – ou plutôt au Royaume –.
Nous avons, nous aussi, à nous laisser engendrer par l’Esprit de Dieu.
* Alors… pour
mieux comprendre de quoi il s’agit quand Jésus parle d’engendrement spirituel…
nous pouvons nous raccrocher à l'image de la naissance.
C’est
précisément ce que fait Jésus avec Nicodème, tout en distinguant naissance
charnelle et naissance spirituelle :
Tout ceux qui
ont un jour assisté à un accouchement, en chair et en os – ou toutes celles qui
l’ont vécu concrètement – savent que ce travail… cette émergence…ne se fait pas
en 5 minutes. Il faut du temps pour être mis au monde.
Si c’est surtout
le géniteur – ou plus exactement la génitrice – qui travaille dans cet
engendrement... - en ce sens, on peut
dire qu’on est toujours mis au monde par un Autre -… on a découvert
récemment que le fœtus n’est pourtant pas totalement passif, durant sa
naissance :
Outre la
sécrétion d’hormones auquel son corps participe pour déclencher les
contractions… il s’agit aussi pour lui d’accompagner cette mise au monde, de
faciliter la tache de sa mère… en se laissant guider… en se laissant déplacer
dans cet effort... par ce passage étroit vers la vie... qui peut être vécu comme
un moment éprouvant … un moment à la fois douloureux et libérateur… aussi bien
pour la mère que pour l’enfant.
Nous ne
réalisons pas toujours combien une naissance est synonyme de nouveauté, de
surprise pour le nouveau-né : le passage dans la vie, l’advenue dans la
lumière, la découverte d’une nouvelle réalité totalement inimaginable pour ce
petit être.
Nous n’avons pas
de qualificatif pour décrire ce qui se joue ici – le bouleversement, le
changement d’univers qui se produit – lorsque l’enfant est pour ainsi dire
« jeté dans l’existence », pour découvrir un monde totalement inédit
et inattendu pour lui.
Cette comparaison
de la naissance d’en haut avec notre naissance d’en bas, peut être porteuse de
sens. Elle nous rappelle que dans le cas de l’engendrement spirituel, c’est, d’abord
et avant tout, un Autre qui agit : C’est Dieu qui prend l’initiative, qui
est l’auteur de cette nouveauté.
En même temps… l’image
du nouveau-né qui va quitter le ventre maternel dans lequel il est désormais
trop à l’étroit… pour être expulsé vers un monde nouveau… nous décrit, à la
fois, une obligation de changement (le nouveau-né est mis en demeure de quitter
les lieux) et un acquiescement à ce changement de réalité (son organisme devra s’adapter
et accepter les exigences, les contraintes et les joies de ce nouveau monde
dans lequel il est entraîné).
Ici aussi la
comparaison est signifiante : Pour que ce passage vers une vie nouvelle puisse
se réaliser, il nous faut accepter, nous aussi, de quitter notre ancienne demeure,
notre place – notre vieil homme – dirait Paul (cf. Rm 6,6 ; Ep 4,22). Il nous
faut accepter de quitter le cocon, l’environnement limité et connu, pour nous
laisser porter, nous laisser transporter, déplacer, en terrain inconnu.
Pour exprimer
les choses autrement… on pourrait dire que ce travail de « mise au
monde » (au monde nouveau de Dieu) se résume pour l’enfant (pour les enfants
de Dieu que nous sommes) à un travail de confiance :
Pour advenir à
la vie nouvelle, l’enfant doit se laisser faire, il doit s’abandonner, dans la
confiance, à son géniteur… dans l’assurance que celui-ci mettra tout en œuvre,
pour son bien et pour sa vie.
* Nous trouvons
plusieurs exemples dans la Bible qui illustrent ce qui advient lors d’une
nouvelle naissance.
On peut, bien
entendu, penser aux récits de conversion de l’apôtre Paul (Ph 3,1-4,1 ; Ac
9,1-25 ; Ac 22,1-29 ; Ac 26).
Dans la lettre
que Paul envoie aux Philippiens (un passage que nous avons lu il y a quelques
semaines), il raconte sa situation préalable, avant cette naissance d’en
haut : la confiance qu’il avait en lui-même et sa recherche de perfection,
son ardent désir d’impeccabilité.
Saul, le
pharisien se voulait irréprochable et juste, devant la loi. Pris dans son petit
univers étroit et connu, il appliquait les commandements à la lettre et
exigeait des autres ce qu’il s’imposait à lui-même.
Puis, un jour,
Paul a eu une expérience spirituelle. Il a rencontré le Seigneur sur le chemin
de Damas et là, tout d’un coup, il a réalisé son enfermement et son aveuglement.
« Or, toutes choses – dit Paul – qui étaient
pour moi des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ. Je
considère que tout est perte au regard de ce bien suprême qu’est la
connaissance de Jésus Christ mon Seigneur. A cause de lui, j’ai tout perdu et
je considère tout cela comme ordures afin de gagner Christ et d’être trouvé en
lui, non plus avec une justice à moi (…) mais avec la justice qui vient de Dieu
et s’appuie sur la foi » (cf. Ph
3, 7-9).
Bien entendu…
tout le monde ne vit pas une expérience aussi forte, aussi « spectaculaire »
que Paul… et chacun peut croiser le Christ de façon différente sur sa route.
Ce qui est frappant
dans ce témoignage de l’apôtre, c’est la rupture, le renversement qui a été
opéré dans sa vie. Son existence a été totalement retournée, transformée,
reconfigurée suite à cet évènement.
Ce fut vraiment
pour lui un engendrement d’en haut… qu’il n’a pas choisi… qui s’est
littéralement imposé à lui.
Et, pour
autant… on peut aussi dire que Paul a quand
même accepté d’y répondre dans la foi.
Toute la suite
de son périple, nous montre qu’il a accepté de quitter son pays, ses anciens amis
de la synagogue, ses préjugés religieux, son mode de penser, sa mentalité
pharisienne… qu’il a consenti à lâcher
tout ce qui faisait son ancienne existence… pour entrer dans une vie nouvelle.
Ce cheminement
de l’apôtre des nations peut être pour nous un exemple, un modèle de
conversion. Il nous montre, en tous cas, de façon magistrale les conséquences
d’une nouvelle naissance :
*Naître d’en
haut, naître de nouveau, c’est accepter de se laisser interpeller par le
Christ, c’est accepter de se laisser saisir par l’Esprit de Dieu… mais c’est
également accepter de renoncer à ce qui est ancien… c’est aussi un travail de
lâcher-prise, un travail de deuil.
C’est ce que
Jésus expliquait déjà à ses disciples :
Changer de
réalité, entrer dans une nouvelle mentalité, c’est forcément renoncer à
l’ancienne.
« Si quelqu’un veut venir à ma suite – dit
Jésus – qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive. En
effet, qui veut sauver sa vie [par lui-même] la perdra ; mais qui perdra
sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera. Quel avantage un homme
aurait-il à gagner le monde entier et à être dépouillé de sa vie ? »
(cf. Mc 8, 34-36).
C’est le genre
d’affirmation gênante et apparemment « rabat-joie » qu’on a du mal à
entendre… surtout le jour de Noël.
Et pourtant, dans
notre société contemporaine – assez centrée sur l’individualisme, l’égocentrisme
et le consumérisme – cet appel prend un écho particulier.
Dans notre monde
d’aujourd’hui, « sauver sa vie », c’est bien plus que de ne pas la
perdre. C’est surtout la remplir de nos projets, de nos objets et de nos
rêves : avoir plus d’aisance, plus de confort, plus de satisfactions, plus
de pouvoir peut-être. C’est finalement le salut par soi-même… le salut par ses
œuvres, par plus d’avoir et plus de pouvoir.
Mais, Jésus nous
avertit que vouloir sauver sa vie ainsi, c’est en réalité la perdre, c’est
vivre dans le monde ancien.
Une vie
consacrée à avoir et à conserver n’a aucun sens. Elle est une vie perdue, une
vie ratée, parce que c’est une vie que l’on garde pour soi, une vie repliée sur
elle-même.
Au contraire… puisque
la vie est ce que l’être humain a de plus précieux… elle prend son vrai sens,
en étant donnée, en étant partagée, en étant offerte.
C’est ce que l’apôtre
Paul a compris après sa conversion. Lui qui croyait au salut par soi-même, par ses
œuvres, par son accomplissement irréprochable de la Loi. Il a finalement accepté
de crucifier tout ce qui comptait pour lui auparavant, toutes les valeurs qui
étaient les siennes, quand il s’est aperçu combien tout ça était finalement vain,
futile et mortifère, au regard de la connaissance de Jésus Christ, au regard de
la vraie liberté que procure la foi… le courage et la confiance que Dieu nous
donne.
* Pour revenir
aux passages bibliques de ce jour… je crois que c’est aussi ce qu’on peut
entendre dans le dialogue de Jésus avec Nicodème :
« Ce qui est né de la chair est chair, et ce
qui est né de l’Esprit est Esprit. Ne t’étonne pas si je t’ai dit :
"il vous faut naître d’en haut" » (cf. Jn 3,6-7).
Naître d’en haut,
c’est accepter de s’ouvrir à la dimension spirituelle de notre vie, c’est ne
pas se contenter de la « chair », c’est-à-dire de notre nature
humaine et terrestre, qui n’a aucune connaissance de Dieu.
Pour Jésus, la
vie ne se réduit pas à la sphère charnelle. Elle n’est évidemment pas un mal en
soi… elle n’a rien de péjorative… c’est notre condition humaine ! Nous
avons, au contraire, à l’assumer pleinement. Puisque c’est à travers notre
« chair » que nous existons, que nous sommes des individus centrés,
que nous rencontrons les autres, que nous pouvons jouir de la vie.
Pour autant… nous
ne devons pas en rester là : la sphère charnelle n’est qu’une dimension de
notre être.
Jésus nous
propose d’élargir la perspective… il nous montre que notre existence
s’accomplit réellement et pleinement quand notre dimension humaine est habitée,
transformée, fécondée par une dimension spirituelle… quand nous vivons en
relation avec Dieu, dans la confiance.
C’est seulement
en nous ouvrant à l’action de son Esprit… en le laissant agir en nous… que nous
prenons conscience de ce que Dieu attend de nous, que nous avons accès au
royaume (cf. Jn 3, 3.5), à la vision du projet de Dieu pour l’humain.
Il s’agit – en
d’autres termes – de se laisser mettre au monde par l’Esprit de Dieu, pour
reconfigurer notre orientation, notre désir… pour discerner ce qui est vraiment
important dans notre vie, ce qui a du poids aux yeux de Dieu, ce qui doit
constituer notre préoccupation, notre quête (cf. Mt 6,33)… sur le chemin de la
vie véritable, de la vie en plénitude.
* Alors… encore
3 minutes pour conclure… et je terminerai par là :
Quelle est cette
vision du royaume (du monde nouveau de Dieu) dont Jésus parle à Nicodème ?
En relisant les
récit de Noël… nous trouvons déjà quelques indices…quelques pistes…
- Là où le monde
cherche un accomplissement charnel de l’existence, par la jouissance de l’avoir
et du pouvoir, l’évangile nous dit que le vrai chemin, la vraie béatitude se
découvre ailleurs, dans la simplicité et l’authenticité des relations humaines
et fraternelles.
L’évangéliste
Luc traduit cela à travers le personnage des « bergers » :
Imperceptiblement, il exprime, à travers eux, un parti pris en faveur des
petits, des « sans noms », des gens simples et humbles, qui viennent
chanter les louanges de Dieu, pendant que les célébrités – Auguste et Quirinus
– organisent le recensement général de leur population.
- Là où les
grands de ce monde recherchent la puissance et les honneurs, plutôt que la
paix, l’évangile nous laisse entendre que la paix véritable est celle qui vient
de Dieu.
Nous pouvons
entendre cette critique très concrète de la société dans les récits de
Noël :
Au sauveur
politique, à la politique de l’empire romain, est opposée la paix
véritable (cf. Lc 2, 14 ; voir aussi Jn 14,27). Cette paix ne
peut être attendue dans un monde où les honneurs divins sont rendus à un homme,
un autocrate, un empereur, mais là où Dieu est honoré « au plus haut des
cieux » et où sa bienveillance descend sur les hommes.
Enfin, les
récits de Noël (chez Luc et Matthieu) nous confrontent à nos illusions et nous renvoient
une autre image de Dieu :
- Là où le monde
se forge l’image d’un dieu tout-puissant, le Dieu de Jésus-Christ se révèle non
pas dans la splendeur d’un grand hôtel, d’un palais ou d’une cours royale, mais
dans l’humilité d’une crèche, d’une mangeoire… dans la fragilité d’une
naissance.
- Là où la religion
est sensée nous permettre de vivre une existence croyante devant Dieu, ce Dieu n’est
même plus attendu par ceux qui connaissent les Ecritures – les grands prêtres
et les scribes, consultés par Hérode (cf. Mt 2,1-12) – mais par des étrangers, des
mages venus d’ailleurs… qui, eux – d’où qu’ils soient – sont en quête de Dieu,
en chemin.
Voilà… chers
amis… les éléments critiques que l’évangile de Noël nous fait entendre lorsque
nous sommes tentés de réduire notre existence à sa dimension charnelle, en
oubliant la dimension spirituelle de notre être.
* C’est parce
que Jésus redonne à l’humain sa vraie dimension que Noël est pour nous une
fête : il nous rappelle que nous sommes appelés à devenir « enfants
de Dieu », à revêtir l’homme nouveau, à laisser le Christ naître en nous
(cf. Ep 4,24 ; Col 3,10-11 ; Ga 3,26-27 ; Rm 13,14).
A Noël, c’est
Jésus Christ, lui-même, le porteur de l’Esprit, qui vient nous redonner une
orientation, un chemin, une direction… pour nous permettre de
« naître » à nous-mêmes avec Lui… grâce à Lui.
Il nous appelle
à prendre part à cette vie éternelle, cette vie véritable que Dieu veut pour
nous et qu’il nous offre… Il nous invite à nous laisser mettre au monde par l’Esprit
de Dieu… à quitter nos illusions, nos impasses, nos idoles… pour naître de
nouveau, pour entrer dans une vie nouvelle avec lui, pour nous laisser réconcilier
avec Dieu (2 Co 5,17-18).
Cette promesse est
pour nous en ce jour de Noël… et c’est une Bonne Nouvelle :
Le Seigneur « fait
toute chose nouvelle » (cf. Ap 21,5).
Laissons-nous
renouveler par la transformation spirituelle de notre intelligence (cf. Ep 4,23-24)
et laissons-nous entraîner dans cette vie nouvelle, à la suite de Jésus.
Amen.
[1] Pour Jésus : cf.
Mc 1,11 ; Mt 3,17 ; Lc 3,22.
[2] L’élection (adoption)
dès le sein maternel est un thème biblique classique (cf. 1 S
1 ; Jr 1, 4 ; Es 44, 24 ; 49, 1 ; Ga 1, 15). A ce thème
s’ajoute ici celui de la naissance virginale qui remonte à Es 7, 14 (version
grecque : LXX). Cette dernière affirmation a pour portée de désigner Jésus
comme l’Unique, celui qui dépasse les prophètes qui ont été élus dès le sein de
leur mère. Mais il s’agit ici de l’homme Jésus : c’est
lui qui est conçu par l’Esprit de Dieu. Par cette conception par l’Esprit
Saint, c’est un homme qui devient Fils de Dieu, et cette qualité de Fils de
Dieu est liée à la fonction salvifique qui est la sienne. Ce n’est pas ici le
Fils éternel ou le Logos qui s’incarne (comme dans le prologue
de Jean). Il s’agit ici d’une christologie de l’adoption, en soi différente de
celle de l’incarnation. La conception du Fils de Dieu par l’Esprit Saint et
l’incarnation du Fils éternel (du Logos) sont deux affirmations différentes,
bien qu’elles ne soient pas incompatibles, mais, au contraire, complémentaires
(voir
http://ducotedelevangile.blogspot.fr/2013/01/lincarnation-33-adoption-et-incarnation.html).
[3] « Vous êtes le
temple de Dieu… l’Esprit de Dieu habite en vous… Le temple de Dieu est saint et
ce temple, c’est vous ! » (cf. 1 Co 3, 16.17b). « Si quelqu’un
m’aime – dit Jésus – il observera ma parole, et mon Père l’aimera ; nous
viendront à lui et nous établirons chez lui notre demeure » (cf. Jn 14,
23).
[4] C’est-à-dire, une
manifestation de l’Esprit.
[5] Dans l’évangile selon
Jean, la « vie éternelle » n’est pas une catégorie temporelle, une
vie « sans fin », mais ce qui appartient au monde de Dieu : une
vie qui a la qualité que Dieu lui donne, une vie en plénitude.
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