dimanche 13 janvier 2013

L'incarnation (2/3) : Lc 1,26-38 ; Mt 1,18-25

Incarnation (2/3) : la conception virginale et spirituelle de Jésus… et nous

Lectures bibliques : Qo 1, 1-9 ; Lc 1, 26-38 ; Mt 1, 18-25 ; Mc 1, 9-11 ; 1 Co 3, 16.17b.
Thématique : se laisser féconder par l’Esprit de Dieu
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 13/01/13

Comment recevoir au 21e siècle ces récits évangéliques de Noël ? Que peuvent-ils nous dire aujourd’hui… dans notre contexte et notre monde contemporain ?

* Dans les récits de la naissance, chez Matthieu et Luc, la filiation divine de Jésus est illustrée en style populaire par des narrations indépendantes.
On y retrouve, en prélude à la vie publique de Jésus, certains éléments : arbre généalogique et famille de Jésus, conception par l’Esprit et naissance virginale, évènements de Bethléem et années de jeunesse à Nazareth.

La plupart des exégètes admettent que ces narrations ne sont pas des récits historiques, mais catéchétiques, pénétrés d’éléments extraordinaires (merveilleux et légendaires)[1], dictés par des intentions théologiques.
A la lumière de Pâques – qui permet de relire, de façon rétrospective, toute la vie de Jésus de la fin jusqu’au début – il s’agit d’annoncer, dès le commencement de l’évangile, la messianité de Jésus.

Cette messianité est établie de deux manières :
- Jésus est « fils de David ». Le fait est présenté à travers un arbre généalogique.[2]
- Jésus est le « nouveau Moïse ». Ce qui est notamment montré à travers le sort providentiel du petit enfant, sauvé des mains meurtrières d’Hérode – comme Moïse l’avait été de celles de Pharaon – et fuyant en Egypte.[3]

Si les récits de la naissance de Jésus ne sont pas des chroniques d’historien, ils sont pourtant porteurs d’une vérité.[4]
Dictés par la foi des premiers Chrétiens, ils annoncent une vérité salvifique : le message du salut apporté aux hommes en Jésus, le révélateur du plan de Dieu…de son dessein d’amour pour l’humanité.[5]

Pour décrypter toute la richesse symbolique et théologique de ces récits, il faut accepter de dépasser la lecture littérale ou historicisante qu’on a parfois voulu en faire. Car du point de vue de la raison, il est évident que certains éléments peuvent nous interroger, par leur invraisemblance.
Que penser, par exemple, de la présentation qui nous est faite d’une conception spirituelle et virginale de Jésus ?

Nous avons, bien sûr, chacun la liberté de penser ce que nous voulons quant à un éventuel miracle dans la conception de Jésus. Mais de nombreux éléments montrent qu’il est difficile au 21e siècle d’interpréter les récits de cette naissance dans un sens biologique ou ontologique. Il faut bien plutôt y rechercher… et y déceler…  une affirmation christologique ou théologique.

Alors précisément… pourquoi les évangélistes Matthieu et Luc présentent-ils la conception de Jésus de cette façon ? Que veulent-ils nous dire ? Comment en sont-ils venus à cette conception virginale de Jésus ?

Plusieurs hypothèses ont été émises sur l’origine de ce développement :

- Tout d’abord, le terme de « vierge » appliqué à Marie peut venir d’une question de traduction :
Le mot hébreu « almah » (jeune femme) a été traduit en grec par « partenos » (qui veut dire « jeune fille, vierge »). Les évangélistes citent les passages de l’Ancien Testament dans la version grecque : la Septante (LXX). Ils ont interprété la naissance de Jésus, le messie tant attendu, en s’appuyant sur la prophétie d’Esaïe (Es 7, 14) mais connu dans la version grecque. Ceci peut expliquer pourquoi le mot grec « partenos » (vierge) – et non « almah » (jeune femme) – a été utilisé et appliqué à Marie, qui devait, selon une lecture christologique du prophète Esaïe (Es 7, 14), être la jeune femme – ou plutôt « la vierge » dans la version grecque – choisie pour enfanter un fils du « nom d’Emmanuel ».

- Mais ce n’est pas forcément très signifiant pour nous de s’arrêter à ce problème de traduction. Il faut plutôt tenter de comprendre le cheminement de pensée des premiers Chrétiens.
En reconnaissant, en Jésus, le messie tant attendu, ils ont pu relire les textes prophétiques autrement, et voir que la venue Jésus (l’Emmanuel) répond au projet de Dieu et s’inscrit dans la continuité de l’histoire d’Israël.
C’est en ce sens que Marie (la mère de Jésus) est présentée par Luc comme la personnification symbolique du peuple Juif qui « attend » le messie. Et c’est ainsi que Marie est représentée comme la « Fille de Sion ».
Or – comme les prophètes l’avaient annoncé – il avait été promis à cette Fille de Sion qu’elle aurait Dieu en son sein (So 3, 14), qu’elle enfanterait (Mi 4, 10) et qu’elle donnerait naissance au Messie (Es 7, 14).
C’est en ce sens – afin d’offrir son témoignage de foi au peuple juif – que Luc, dans son évangile, va reporter sur Marie toute les caractéristiques que les Ecritures (l’Ancien Testament) attribuaient à cette Fille de Sion.[6]

- Dans le même sens… si Luc évoque la « venue » de l’Esprit saint qui « couvre Marie de son ombre » (Lc 1, 35), ce n’est pas pour nous présenter une sorte de fécondation sexuelle avec un dieu, comme dans le paganisme ou la mythologie grecque, mais bien plutôt pour montrer aux Juifs que Jésus est la nouvelle arche d’alliance, qui était également « recouverte » par « l’ombre de la Puissance du Très-Haut ».
L’évocation de l’Esprit saint, en lien avec la venue au monde de Jésus, fait, elle aussi, référence aux Ecritures. Le saint Esprit désigne la présence efficace de Dieu ou la Puissance du Très-Haut – appelée aussi la « Gloire de Dieu » ou la Shekinah de Dieu – qui était la colonne de nuée qui « couvrait de son ombre » l’arche d’alliance, comme le racontent le livre de l’Exode et celui des Nombres (cf. Ex 40, 35 ; Nb 9, 15-23 ; 10, 34).
Autrement dit, pour Luc, Jésus Christ manifeste sous une forme nouvelle la présence de Dieu au sein de son peuple.

- Enfin, il faut rappeler que, dans le contexte de l’antiquité, l’idée d’une naissance hors du commun, d’une femme vierge, est certes remarquable et extraordinaire, mais que cette idée n’est pas exceptionnelle, ni incongrue. Elle n’est d’ailleurs pas une spécificité chrétienne. On attribue déjà une naissance virginale à certains personnages historiques, tels Homère, Pythagore, Platon, Alexandre et Auguste. 
Le mythe d’une naissance virginale a été répandu dans toute l’antiquité et se rencontre même en Perse, aux Indes et en Amérique du sud.
Il a pour fonction de souligner la venue parmi les humains d’une personnalité exceptionnelle, dont le destin hors du commun s’enracine dans une origine extraordinaire et miraculeuse, traduisant la présence d’une force ou d’une puissance divine qui accompagne et qui anime ce personnage hors du commun.

Ainsi… tous ces éléments – avec leurs richesses symboliques – doivent nous interroger sur le statut que nous pouvons attribuer à ces récits de la conception virginale de Jésus.
En tant que croyants, il est évident, pour nous, que la filiation divine de Jésus ne dépend pas de sa naissance virginale. Jésus est Fils de Dieu, non pas parce que dans sa génération Dieu est intervenu à la place d’un homme, mais parce que dès le commencement, il a été choisi et établi comme Fils.

Il faut envisager la « filiation de Jésus » dans le même sens que la « paternité de Dieu », c’est-à-dire, non pas dans le sens biologique de la procréation, mais dans un sens spirituel : dans le sens d’une naissance spirituelle d’en haut, d’une relation personnelle et intime avec Dieu… d’une vie en communion avec Dieu le Père : totalement traversée et marquée du sceau de Dieu.

Ce que ces récits de la conception spirituelle et virginale de Jésus veulent nous montrer, c’est que Jésus est un homme nouveau, un « nouvel Adam », fruit de la volonté commune et de l’alliance de Dieu et de l’être humain.
Jésus nous montre qu’il est tout à fait possible, à la fois, de naître de Dieu[7] et d’être engendré humainement.

Alors… malgré les difficultés que représente l’idée d’une conception virginale de Jésus … je crois qu’il serait dommage de se priver de cette tradition chrétienne sur le plan théologique… car ce thème a une grande portée symbolique.
Il veut dire, avant toute chose, que Dieu – que l’Esprit de Dieu – est présent et agissant en Jésus.

Cela, les quatre évangiles nous le disent aussi, un peu plus loin, grâce au récit du baptême de Jésus par Jean le Baptiste.
C’est au moment de ce baptême que l’Esprit de Dieu vient reposer sur Jésus et que celui-ci est proclamé « Fils bien aimé » de Dieu (cf. Mc 1, 9-11).
Et c’est ainsi qu’on peut comprendre le mot « Christ ». Il désigne le fait que Jésus a été choisi, oint et consacré par Dieu… qu’il est le porteur de l’Esprit de Dieu.

Mais, dans leur foi en Jésus, le Christ de Dieu, les évangélistes Matthieu et Luc ont voulu aller plus loin et remonter plus en amont. Ils ont affirmé que l’Esprit de Dieu était déjà présent en Jésus au moment de sa naissance, car Dieu avait déjà agit avant cette naissance, dans son grand projet pour l’humanité.

Pour montrer cela, Matthieu et Luc font, en quelque sorte, le récit d’une nouvelle création mettant en œuvre le souffle de Dieu :

- Comme, dans le premier récit du livre de la Genèse, Dieu avait déployé son souffle (planant à la surface des eaux) pour faire advenir sa Parole créatrice et faire œuvre de création (cf. Gn 1, 2-3), ainsi en est-il, à nouveau, dans le récit des évangiles : Pour se révéler en Jésus – Parole de Dieu – Dieu place son souffle, son Esprit, au creux de l’humain… afin de faire advenir une nouvelle création, afin de permettre l’émergence d’une ère nouvelle, d’une nouvelle humanité.[8]

- De même, dans le deuxième récit de création du livre de la Genèse, comme Dieu avait placé son haleine de vie, en insufflant son souffle vital au premier Adam (cf. Gn 2, 7), ainsi en est-il, à nouveau, avec Jésus, né du Saint Esprit, et présenté comme le « nouvel Adam ».

Matthieu et Luc veulent ainsi signifier que Jésus est réellement le fruit de la volonté de Dieu, qu’il est ce « nouvel Adam » tant attendu et désiré par Dieu… qu’il est le fruit de l’intervention de Dieu dans l’histoire humaine : un acte de Dieu… autrement dit : son envoyé, son révélateur, son Fils… Celui qui établit un nouveau commencement.

Ainsi donc… le récit du baptême de Jésus, comme celui de sa conception spirituelle, nous révèlent et nous expliquent, à leur manière, le comment de l’incarnation :

Si le prologue de Jean – que nous avons entendu le jour de Noël – nous propose d’identifier Dieu le Fils, le Logos, la Parole créatrice de Dieu, à la personne de Jésus… les évangiles synoptiques nous en expliquent la raison :
Si Jésus peut être reconnu et appelé « Parole de Dieu » (cf. Jn 1, 14 ; 6, 68), c’est parce qu’il est le porteur de l’Esprit de Dieu (cf. Mc 1, 9-11 ; Mt 3, 13-17 ; Lc 3, 21-22 ; Jn 1, 32-34).

Les récits de la naissance et du baptême de Jésus veulent nous montrer la façon dont Dieu s’incarne dans notre humanité… la manière dont il vient habiter parmi nous : par son Esprit saint.

Pour les rédacteurs des évangiles, c’est la présence de l’Esprit de Dieu, en Jésus, qui fait de lui le Christ. 
Parce que Jésus est le porteur de l’Esprit saint, le porteur du souffle de Dieu (de façon ultime, comme aucun homme avant lui), il peut être appelé « Parole de Dieu » : il est celui qui incarne pleinement le Verbe de Dieu, le projet de Dieu pour l’humanité.

Dire cela, ce n’est pas simplement « faire de la théologie » ou essayer de mieux comprendre le témoignage de foi porté par les évangiles…  mais cela permet de penser notre relation à Dieu… la manière dont il s’incarne… et cela a évidemment des conséquences dans notre manière de vivre cette relation à Dieu dans notre quotidien.

Avant de poursuivre et de voir ce que cela implique pour nous… je vous propose de faire une pause et de chanter :  Pause – cantique

Alors…. me direz-vous…. en quoi cela est-il important d’entendre que : Jésus est la Parole de Dieu… qu’il est le porteur du souffle, de l’Esprit de Dieu ?

* En réalité, cela a une grande importance pour notre vie d’hommes et de femmes du 21ème siècle. Car cela montre la manière dont Dieu agit dans notre histoire humaine.
Dieu intervient dans l’histoire, en Jésus, en plaçant en lui son Esprit.
Mais ce don n’est pas réservé à Jésus. Il nous concerne également. Il est offert à tout homme.

Dieu agit au cœur de notre humanité : Il le fait par amour… en respectant notre liberté : il le fait en nous donnant son Esprit.
Ce qui est vrai pour Jésus, l’homme de Nazareth, est également vrai pour nous-mêmes.

Bien souvent – comme le remarque Quohéleth / l’Ecclésiaste – nous avons l’impression que notre vie est marquée par la répétition, que notre histoire est faite de redite, qu’il n’y a « rien de nouveau sous le soleil » (Qo 1, 9).
Et en un sens, c’est vrai. Sans intervention extérieure, il n’y a pas de raison pour que naisse une dimension nouvelle dans notre existence humaine.
Mais l’évangile nous apprend que Dieu intervient dans notre histoire pour créer un supplément d’être, pour nous renouveler, nous transformer.

Jésus nous montre que l’accomplissement de notre existence se fait quand notre dimension humaine est habitée, transformée, fécondée par une dimension spirituelle, une dimension divine.
C’est en ce sens que le Nouveau Testament dit que nous pouvons devenir « enfants de Dieu », que nous pouvons « naître de nouveau », « naître d’en haut » ou « naître de l’Esprit de Dieu ».
Tout cela nous annonce que notre naissance, notre conception, notre engendrement doit faire partie de notre quotidien, et que cette naissance est à l’image de celle du Christ, le fils de Dieu par excellence.

Je regardais il y a quelques jours une émission sur le cerveau humain (intitulée : « les étonnants pouvoir de transformation du cerveau »). Le documentaire présentait l’état de la recherche sur le cerveau et son pouvoir de plasticité. Contrairement à ce que nous pouvions penser autrefois, les chercheurs d’aujourd’hui ont découvert que le cerveau continue d’évoluer à l’âge adulte.
La neuro-plasticité, c’est la capacité du cerveau à changer sa structure et ses fonctions par le seul pouvoir de l’esprit.
Tout au long de notre vie – et à condition qu’on le stimule positivement – notre cerveau – et donc notre manière de penser – peut se modeler, se modifier, se transformer, sous l’influence de l’esprit, de la pensée et de facteurs extérieurs.

De manière un peu audacieuse, on peut dire que l’Esprit saint – bien qu’on ne le voit pas – fait partie de cette extériorité susceptible d’influencer notre intériorité, non seulement notre cerveau, mais notre être tout entier, notre personnalité et notre vie relationnelle.

Par notre être biologique, nous sommes des êtres finis et limités, en durée et en qualité.
En nous offrant sa présence, son Esprit… en nous proposant de venir habiter en nous… en faisant de nous son temple (1 Co 3, 16.17b.)… Dieu vient nous ouvrir, nous élargir, nous faire grandir.

Celui qu’on appelle le Tout-Autre se fait le Tout-Proche. Il sollicite notre ouverture, notre écoute et notre liberté, pour venir faire sa demeure au cœur de notre humanité, en nous… pour agir de l’intérieur, pour nous modifier, nous modeler (si nous voulons bien nous ouvrir à lui).

Ainsi, ce que nous sommes ne se résume pas à un corps biologique, mais notre personne (en tant que sujet) est le résultat – sans cesse en construction – d’un tissu relationnel ouvert à la fois aux autres, au monde extérieur, et à Dieu, à une dimension spirituelle, qui vient ressourcer et féconder notre vie.
Et cela a une influence sur notre manière d’être, de penser et de vivre. Cela ouvre notre histoire à la nouveauté… au dépassement de notre histoire passée et présente.

Je crois que c’est en ce sens qu’on peut entendre le récit de la conception virginale et spirituelle de Jésus :
Les récits évangéliques nous présentent un sujet – Jésus – à la fois issu du genre humain et du saint Esprit, à la fois fils de l’homme et fils de Dieu.
Jésus est présenté comme une radicale nouveauté, comme le « nouvel Adam », l’homme nouveau, non pas en ce qu’il serait un sur-homme ou un demi-dieu, un être biologiquement différent de nous, mais en ce qu’il introduit une nouveauté dans notre humanité, en ce qu’il est l’homme pleinement uni à Dieu, l’homme en communion avec Dieu.

C’est cette interaction entre la réalité humaine et la réalité divine que présente ce récit. Et c’est cette interaction qui permet une vie pleinement humaine dans toutes ses dimensions, une vie nouvelle fécondée par l’Esprit de Dieu… par ce qui est bon et éternel.

Ce que l’évangile nous montre, à travers Jésus (le prototype, le modèle de l’homme nouveau), c’est que notre existence est ainsi faite pour être fécondée par l’interaction permanente entre la dimension spirituelle qui vient de Dieu et nos dimensions biologique, intellectuelle, sociale, artistique ou matérielle, qui nous viennent de l’homme.
C’est de cette union que naît quelque chose qui est source de salut pour nous et pour ceux qui nous entourent, quelque chose qui porte la vie éternelle, quelque chose qui peut aimer même unilatéralement, quelque chose qui peut espérer au-delà de tout espoir, quelque chose qui peut être d’une fidélité à toute épreuve, quelque chose qui vit et qui ressuscite…

La vie que Dieu nous donne ne se limite pas à sa dimension matérielle.
(On peut bien sûr réduire sa vie à sa dimension terrestre, en passant son existence à lutter contre le vieillissement inexorable du corps, en se réfugiant dans l’activisme ou dans la quête de possessions matérielles. Mais c’est une attitude à la fois vaine, frustrante et stérile.
Nous avons mieux à faire des dons que Dieu nous offre.)
L’évangile nous invite bien davantage à nous tourner vers l’Autre, à vivre en relation avec Dieu et notre prochain, à chercher la justice et le royaume de Dieu, ici et maintenant.

Et cela implique de faire de la place à Dieu dans notre existence, de nous laisser renouveler par lui… pour ne pas nous dessécher… pour le laisser féconder notre vie.
En ce sens, j’aime bien cette phrase de l’apôtre Paul qui affirme :
« C’est pourquoi nous ne perdons pas courage et même si, en nous, l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour » (2 Co 4,16).

A travers l’image de la virginité et de la fécondation spirituelle… l’Evangile nous apprend comment parvenir à porter du fruit… à l’image de Marie, la « servante du Seigneur », l’exemple même du croyant :
Comme Marie, qui se laisse féconder par l’Esprit de Dieu, il est question, à plusieurs reprises dans la Bible, de cette image de l’humanité (du peuple de Dieu) – comparée à une femme (une vierge)[9] – qui doit connaître son époux – représenté par Dieu – pour se laisser féconder par lui (cf. Es 54, 1-5 ; 2 Co 11, 2).
C’est aussi le sens de l’Evangile quand le Christ nous invite à être comme des vierges qui se préparent à accueillir l’époux (cf. Mt 25 1-13) ou lorsqu’il compare la Parole de Dieu à une semence qui doit féconder notre existence (cf. Mt 13, 18-23).

Comme dans le Cantique des Cantiques, entre l’époux et l’épouse, il est question d’amour. Ainsi, peut-il en être entre Dieu et l’humanité.
En Jésus Christ… c’est précisément une Parole d’amour que Dieu nous adresse.
Par amour, Dieu nous appelle… Il nous invite à répondre, dans la foi, à sa proposition d’alliance. Il nous invite à laisser la porte de notre cœur et de notre âme ouverte, pour que son Esprit puisse venir féconder le nôtre.

En d’autres termes… en Jésus Christ, Dieu vient nous offrir son Esprit d’amour, de façon concrète et incarnée… il nous fait le don de sa présence et nous promet de nous accompagner, jour après jour… à chaque instant… sur notre route (cf. Mt 28, 20).

Libres à nous de recevoir cet Esprit d’amour… de le laisser habiter en nous… de le laisser féconder et transformer notre vie… pour faire naître et croître un être nouveau : celui que nous n’aurions jamais pu devenir seul, par nous-mêmes.... sans l’aide de Dieu, sans son souffle vivifiant, sans sa Parole qui nous guide.

Frères et sœurs… ouvrons notre cœur et notre âme à cet Esprit d’amour… et laissons Dieu nous féconder par son souffle et par sa Parole.
C’est tout le bien que je vous souhaite pour cette nouvelle année : une vie renouvelée par le souffle de Dieu et par sa Parole, qui nous appelle à devenir « enfants de Dieu », « fils de lumière », « temple du Saint Esprit ».
Amen. 




[1] Etoile miraculeuse (astre désignant Jésus) dans le récit de Matthieu ; ange et chœur céleste chez Luc.
[2] Voir aussi Rm 1, 3 : « Issu, selon la chair, de la lignée de David ». / Paul ignore tout d’une naissance virginale. Le Fils de Dieu est simplement « né d’une femme » (Ga 4, 4). Il a été « établi, selon l’Esprit saint, Fils de Dieu avec puissance par sa résurrection d’entre les morts » (cf. Rm 1, 3-4). / Ni Paul, ni Jean, ni Marc, ni le livre des Actes ne parlent d’une conception virginale.
[3] Il existe un midrash (un récit pieux et édifiant) concernant Moïse, que deux écrivains juifs, Flavius Josèphe et Philon, contemporains de la rédaction des évangiles, nous transmettent. Matthieu reprend et démarque ce récit. D'après ce midrash, le père de Moïse fait un songe lui annonçant la naissance et la mission de son fils (ce qui correspond au songe de Joseph). Le Pharaon, averti aussi par un songe, a peur que cet enfant ne devienne pour lui un rival ; il consulte conseillers et astrologues (de même Hérode averti par les mages consulte les docteurs de la loi et les prêtres). Le Pharaon décide de tuer tous les enfants qui peuvent vérifier la prédiction, mais le père de Moïse, averti toujours en songe soustrait son fils au massacre. Ajoutons que la mère de Moïse se nomme Myriam (Marie). Le récit de Matthieu semble calqué sur une version de ce midrash à ceci près qu'il l'applique à Jésus et non à Moïse. (Voir Philon, (-13 + 54) Vie de Moïse. Flavius Josèphe (37-100) Antiquités juives II; 9, 3-4 - 2, 210. On trouve aussi ce midrash dans des livres postérieurs aux évangiles, chez le Pseudo-Philon et dans le Targum Palestinien.)
A noter que la suite de l'évangile de Matthieu poursuit le parallèle entre Moïse et Jésus (nouveau Moïse). Ainsi, les quarante jours de Jésus dans le désert au moment de la tentation évoquent les quarante ans de pérégrination de Moïse et des hébreux avant d'arriver en Canaan. À la loi donnée sur le Sinaï correspond le sermon sur la montagne. De même, la Cène est le pendant du repas pascal juif ; au moment où pendant ce repas on évoque Moïse et l'exode, référence et fondement de la foi juive, Jésus parle de sa mort et de sa résurrection, en indiquant ainsi ce qui va devenir le fondement et la référence de la nouvelle alliance, et y prendre la place qu'occupaient dans l'ancienne Moïse et l'Exode.
[4] Parallèlement à l’affirmation de la messianité de Jésus, on trouve aussi (et déjà) dès les premiers chapitres des évangiles (chez Mt et Lc), un certain nombre d’éléments critiques :
- Par exemple, un parti pris en faveur des petits, des « sans noms » (les bergers) contre les célébrités (Auguste, Quirinius).
- une critique très concrète de la société : Au sauveur politique, à la théologie politique de l’empire romain, est opposée la paix véritable (cf. Lc 2, 14). Cette paix ne peut être attendue dans un monde où les honneurs divins sont rendus à un homme, un autocrate, un empereur, mais là où Dieu est honoré « au plus haut des cieux » et où sa bienveillance descend sur les hommes.
- et puis, on y décèle déjà une autre image de Dieu : un Dieu qui se révèle non pas dans la splendeur d’un grand hôtel, d’un palais ou d’une cours royale, mais dans l’humilité d’une crèche, dans un petit enfant… un Dieu qui n’est plus attendu par ceux qui connaissent les Ecritures (les grands prêtres et les scribes, consultés par Hérode), mais par des étrangers, des mages venus d’ailleurs… qui sont en quête de Dieu, en chemin.
[5] La bonne nouvelle est transmise par la bouche de l’ange qui s’adresse aux bergers (cf. Lc 2, 10-11) : « je vous annonce une bonne nouvelle… aujourd'hui vous est né un sauveur ».
[6]  Ainsi, le Livre d’Esaïe (7,14) – dans la version grecque (LXX) – précise que la Fille de Sion est « vierge ». C’est pourquoi Luc (Lc 1,30-34), en citant le texte d’Esaïe, présente Marie comme « vierge ». D’après Zacharie (Za 9,9), la Fille de Sion était appelée à se réjouir et à « exulter » parce qu’elle attend le Messie. De la même manière, Marie va « exulter » parce qu’elle attend le Messie (Lc 1,28-30). Sophonie (So 3,16-17) précise que la Fille de Sion porte « au milieu d’elle » Dieu, son « Sauveur ». De même, Luc (l,31) précise que Marie conçoit en son sein un fils auquel elle donne le nom de Jésus, qui veut dire « Dieu Sauveur ». Esaïe (7,14) précise que la Fille de Sion donnera aussi le nom d’« Emmanuel » (c’est-à-dire « Dieu avec nous ») à l’enfant-Messie qu’elle attend. Donc, de même, Jésus sera appelé, non seulement Jésus, mais aussi « Emmanuel » (cf. Mt 1,23). 
[7] Voir aussi Jn 1, 13.
[8] Comme le souffle de Dieu s’était fait Parole créatrice pour créer le monde, à nouveau le souffle de Dieu se fait Parole, mais cette fois, cette Parole est identifiée à un homme : Jésus.
[9] Cf. Par ex. Jr 18, 13 ; 31, 4.21 ; Es 7, 14 (LXX). 

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