samedi 8 septembre 2012

Mt 6, 19-34


Mt 6, 19-34
Lecture biblique : Mt 6, 19-34
Série de prédications sur Mt 5 à 7 (le sermon sur la montagne) : n°10 – Mt 6, 19-34
Thématique : la beauté de la création comme révélation de la bonté du Créateur… de la gratuité et de la générosité du don de Dieu… qui nous appelle à la confiance et au service.
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Culte dans le jardin du château de Roquepiquet, à Verteuil d’Agenais (Fête de l’Eglise Réformée de Marmande), le 08/09/12.

Jésus nous invite à « amasser des trésors dans le ciel » (v.20)… qu’est-ce que cela signifie ?
« Amasser des trésors dans le ciel »… je crois que cela veut dire : mettre sa confiance en Dieu, en sa providence bienveillante, vivre dans l’esprit du don et de la gratuité qui caractérise Dieu le Père, et, par là, accomplir sa volonté.

Jésus nous appelle à prendre une décision… à décider en quoi, en qui mettre véritablement notre confiance.
La question qu’il nous pose est une question existentielle : celle du sens de notre existence.
Faut-il chercher son sens et son origine sur terre ? ou faut-il les recevoir du ciel ?
Est-ce que je me construis comme sujet par moi-même, par mes seules forces ? ou est-ce que je me reçois d’un Autre, qui me donne ce que je n’ai pas à conquérir, mais simplement à recevoir gratuitement ?
Où se joue mon identité de sujet ? exclusivement sur terre ? ou se reçoit-elle comme don de la grâce de Dieu… qui me reconnaît inconditionnellement comme son enfant : son fils, sa fille ?

En acceptant de se recevoir d’un Autre, d’un ailleurs… de recevoir ce qui m’est donné gratuitement… Jésus appelle chacun d’entre nous à lâcher prise, à ne pas se mettre en souci pour soi-même et pour son avenir, mais pour le Royaume de Dieu et sa justice (Mt 6, 25.33).

Jésus nous donne quatre arguments pour nous aider à lâcher nos soucis, pour nous aider à nous enraciner dans la confiance :

1. Premièrement, il nous rappelle que la vie ne se réduit pas à la simple survie (v.25). Notre préoccupation quotidienne doit dépasser nos besoins matériels et élémentaires.

2. Pour s’en convaincre – c’est le deuxième point – il suffit d’ouvrir les yeux et de regarder autour de nous. L’attention portée à la beauté de la création révèle la générosité gratuite de la providence de Dieu (v.26-30). Tout nous est donné gratuitement, sans réserve, sans calcul, sans compter. La vie nous est donnée. Les choses les plus simples (la nourriture, le vêtement) nous sont offertes par la nature elle-même. Nous sommes donc libres de placer notre attention ailleurs, pour accomplir la volonté de Dieu.

3. Et cette volonté quelle est-elle ? C’est « chercher le royaume et la justice de Dieu » comme nous le précise le troisième point.
Ce qui permet l’attention en faveur du prochain et la recherche de la justice de Dieu, c’est une toute petite chose, mais c’est une chose qui change notre regard sur la vie : c’est la conscience et la confiance en la bonté providentielle de Dieu.
En effet, d’après Jésus, qu’est-ce qui distingue les disciples des païens ?
Les païens se soucient essentiellement de la nourriture, de la boisson et du vêtement (v.31-32) – ou encore de la richesse (v.24) – parce qu’ils ne reconnaissent pas la bonté du Père céleste, du Créateur, qui veille sur ses créatures et sait ce dont elles ont besoin.
En revanche, les disciples, ceux qui écoutent les paroles de Jésus – parce qu’ils connaissent le don de Dieu et se fient à sa providence – sont libérés de ce simple souci et peuvent se préoccuper avant tout du royaume et de la justice de Dieu (v.31-33).

4. Quatrièmement, puisque la providence de Dieu pourvoit à l’avenir, le temps de la responsabilité des croyants est celui du présent (v.34). C’est là, dès aujourd’hui, dans « l’ici et le maintenant », que nous avons à nous mettre au service de Dieu, à nous employer à être des ouvriers, des témoins de son royaume, en y prenant part, en le faisant rayonner autour de nous.

On pourrait rentrer davantage dans le détail de ce riche extrait du sermon sur la montagne. Mais, ce n’est pas ce que je vais faire maintenant.
Compte tenu de la beauté du lieu où nous sommes réunis aujourd’hui – dans la nature, un jardin, sous la tonnelle – je voudrais m’arrêter avec vous sur un seul aspect de ce passage : celui de la beauté.
Pourquoi Jésus nous appelle-t-il à regarder les oiseaux du ciel et les lys des champs ? Qu’a-t-on là à découvrir ou à redécouvrir ?

La contemplation de la beauté de la création a beaucoup à nous apprendre.
Je crois qu’on pourrait reformuler l’enseignement de Jésus en disant qu’il nous appelle à ouvrir les yeux :
Premièrement, à ouvrir les yeux, pour voir l’œuvre du Créateur, pour contempler la beauté de la création qui nous révèle la prodigalité de la providence de Dieu. (1)
Deuxièmement, à ouvrir les yeux, pour qu’en voyant la surabondance du don de Dieu – à travers sa création – nous comprenions son dessein d’amour et que nous ayons à cœur de prendre part à son œuvre, à son projet, en quittant nos soucis, notre égocentrisme… nos calculs, notre égoïsme… pour agir comme lui – de la même façon – avec gratuité et générosité. (2)

(1) D’abord, en nous invitant à regarder les oiseaux et les lys, Jésus nous appelle à changer notre perception du monde, afin de changer notre manière de l’habiter… afin que nous changions d’attitude existentielle.

En regardant les lys des champs… nous voyons la beauté de la création… mais ce que nous pouvons discerner c’est l’œuvre du Créateur et la manière dont Dieu agit : de façon totalement gratuite.

En effet, Jésus nous dit que les oiseaux sont nourris alors qu’ils ne travaillent pas … que les lys des champs sont vêtus de splendeur en dépit de leur caractère éphémère et passager.
Autrement dit, Jésus déconnecte la beauté de la création de deux idées : celle d’utilité et celle de durée.

Malgré leur apparente inutilité et leur caractère temporaire… en contemplant les oiseaux et les lys… nous voyons qu’ils reçoivent tout… nous voyons la providence de Dieu à l’œuvre pour leur nourriture et leur vêtement.

Jésus y voit là un signe : le signe de la bonté généreuse de Dieu, de sa prodigalité, de sa libéralité, de sa prévenance gracieuse pour ses créatures.
Dieu donne la vie aux êtres… sans calculer… sans regarder leur degré d’utilité ou leur durée.

Alors… si Dieu est si généreux pour les oiseaux et les lys des champs… si sa providence pourvoit aux besoins de ses créatures les plus petites… combien plus… à plus forte raison… le sera-t-il pour nous… combien plus fera-t-il pour nous qui avons plus de valeur que les oiseaux (v.26)… pour nous qui sommes créés à l’image de Dieu… pour nous qui pouvons travailler au service de son royaume.
Et combien plus – en conséquence – pouvons-nous mettre notre confiance en notre Père céleste.

L’argumentation de Jésus aboutit à une invitation : un appel à placer notre foi, notre confiance, dans la providence de Dieu.

En partant simplement de l’observation de la création, Jésus en déduit que la seule attitude raisonnable est la confiance en notre Créateur.

Pour appuyer son raisonnement… au cas où nous aurions encore quelques réticences à placer notre confiance ailleurs qu’en nous-mêmes ou en nos biens… il nous rappelle encore une donnée fondamentale :
L’inquiétude, les soucis que nous pouvons nous faire pour nous-mêmes et pour le lendemain sont, de toutes façons, complètement inutiles… pour une bonne raison : c’est que nous ne disposons pas de notre vie (v.27), que nous n’en sommes pas les propriétaires, puisque tout nous est donné : aussi bien la vie… la nourriture, que le vêtement.
La conséquence de cette considération – qui nous rappelle que la vie est un don – est que la seule façon raisonnable de s’occuper de soi-même consiste à mettre toute sa confiance en Dieu… à lui rendre grâce pour cette vie offerte en abondance, à la fois belle, fragile, et précieuse.

(2) Il faut encore tirer une dernière conséquence de l’argumentation de Jésus :
En attirant notre attention sur l’existence de créatures – les oiseaux et les lys – qui reçoivent tout et qui pourtant ne sont d’aucune utilité, Jésus veut nous montrer que la logique de la création voulue par Dieu ne repose pas sur le mérite, le donnant-donnant, sur l’échange et la réciprocité, mais qu’elle repose sur l’esprit du don et de la gratuité.
Il nous rappelle que nous appartenons à cette création, que nous sommes intégrés, nous aussi, à cette logique… et, en conséquence, que nous pouvons nous enraciner (dans toutes nos relations aux autres) dans ce même élan, dans cet esprit de don et de générosité qui caractérise la vie… telle que Dieu l’impulse.

Puisque nous recevons tout gratuitement, généreusement… abondamment… nous sommes libérés des préoccupations les plus élémentaires, nous pouvons nous concentrer sur autre chose : sur le prochain… en cherchant le royaume et la justice de Dieu, en vivant dans cette dynamique de vie qui appartient à Dieu : dans l’esprit du don et de la gratuité.

Autrement dit, en découvrant la bonté de Dieu, la prodigalité de sa providence, à travers sa création, nous sommes appelés à nous inscrire dans la même énergie que celle de notre Créateur, nous sommes invités à témoigner de la même bonté, de la même générosité envers notre prochain.
C’est ainsi que nous pouvons comprendre cette recommandation : « cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu » (v.33).
Cela signifie : ne vous préoccupez pas de la vie là où Dieu l’offre déjà, par le don de sa création… mais préoccupez-vous de la vie là où il y a des carences et des souffrances… là où votre prochain a besoin de vous… là où règnent la misère et l’injustice. Imitez votre Père céleste (cf. Mt 5, 48), ainsi que l’a fait Jésus… engagez-vous à son service, là où vous êtes… en vous inscrivant dans sa volonté de bonté, de justice, de réconciliation, de guérison… en vous enracinant dans l’esprit du don : le don de soi, la générosité. Ainsi vous serez vraiment les fils de votre Père céleste… lui qui aime chacun, sans compter, sans réserve, ni calcul… lui qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons »… « tomber sa pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5, 45)… lui qui donne la vie en abondance… la nourriture aux oiseaux et la splendeur aux lys des champs.
Amen.  

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