dimanche 8 avril 2012

La Résurrection

La Résurrection
Lectures bibliques : Mc 12, 24-27 ; 1 Co 15, 1-9. 35-50 ; Jn 20, 1-29 
Thématique : Pâques… des témoignages d’apparition aux récits du tombeau vide.

Prédication = voir plus bas, après les lectures

Lectures 

- Mc 12, 24-27

[Jésus répond aux Sadducéens qui l’interrogent au sujet de la résurrection]

Jésus leur dit : « N'est-ce point parce que vous ne connaissez ni les Ecritures ni la puissance de Dieu que vous êtes dans l'erreur ? 25En effet, quand on ressuscite d'entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux. 26Quant au fait que les morts doivent ressusciter, n'avez-vous pas lu dans le livre de Moïse, au récit du buisson ardent, comment Dieu lui a dit : “Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob” ? 27Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Vous êtes complètement dans l'erreur. »

- 1 Co 15, 1-9. 35-50

[L’apôtre Paul s’adresse à la communauté de Corinthe]

1Je vous rappelle, frères, l'Evangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, auquel vous restez attachés, 2et par lequel vous serez sauvés si vous le retenez tel que je vous l'ai annoncé ; autrement, vous auriez cru en vain. 3Je vous ai transmis en premier lieu ce que j'avais reçu moi-même : Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures. 4Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures. 5Il est apparu à Céphas, puis aux Douze.

6Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois ; la plupart sont encore vivants et quelques-uns sont morts. 7Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. 8En tout dernier lieu, il m'est aussi apparu, à moi l'avorton. 9Car je suis le plus petit des apôtres, moi qui ne suis pas digne d'être appelé apôtre parce que j'ai persécuté l'Eglise de Dieu. […]

35Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? 36Insensé ! Toi, ce que tu sèmes ne prend vie qu'à condition de mourir.
37Et ce que tu sèmes n'est pas la plante qui doit naître, mais un grain nu, de blé ou d'autre chose. 38Puis Dieu lui donne corps, comme il le veut et à chaque semence de façon particulière. 39Aucune chair n'est identique à une autre : il y a une différence entre celle des hommes, des bêtes, des oiseaux, des poissons. 40Il y a des corps célestes et des corps terrestres, et ils n'ont pas le même éclat ; 41autre est l'éclat du soleil, autre celui de la lune, autre celui des étoiles ; une étoile même diffère en éclat d'une autre étoile.

42Il en est ainsi pour la résurrection des morts : semé corruptible, on ressuscite incorruptible ; 43semé méprisable, on ressuscite dans la gloire ; semé dans la faiblesse, on ressuscite plein de force ; 44semé corps animal, on ressuscite corps spirituel. S'il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel. 45C'est ainsi qu'il est écrit : le premier homme Adam fut un être animal doué de vie, le dernier Adam est un être spirituel donnant la vie. 46Mais ce qui est premier, c'est l'être animal, ce n'est pas l'être spirituel ; il vient ensuite. 47Le premier homme tiré de la terre est terrestre. Le second homme, lui, vient du ciel. 48Tel a été l'homme terrestre, tels sont aussi les terrestres, et tel est l'homme céleste, tels seront les célestes.

49Et de même que nous avons été à l'image de l'homme terrestre, nous serons aussi à l'image de l'homme céleste. 50Voici ce que j'affirme, frères : la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l'incorruptibilité.

- Jn 20, 1-29

1Le premier jour de la semaine, à l'aube, alors qu'il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau. 2Elle court, rejoint Simon-Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l'a mis. » 3Alors Pierre sortit, ainsi que l'autre disciple, et ils allèrent au tombeau. 4Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. 5Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées là. Toutefois il n'entra pas. 6Arrive, à son tour, Simon-Pierre qui le suivait ; il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là 7et le linge qui avait recouvert la tête ; celui-ci n'avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit. 8C'est alors que l'autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau ; il vit et il crut. 9En effet, ils n'avaient pas encore compris l'Ecriture selon laquelle Jésus devait se relever d'entre les morts. 10Après quoi, les disciples s'en retournèrent chez eux.

11Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant elle se penche vers le tombeau 12et elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l'endroit même où le corps de Jésus avait été déposé, l'un à la tête et l'autre aux pieds.

13« Femme, lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répondit : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l'a mis. » 14Tout en parlant, elle se retourne et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c'était lui. 15Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ? » Mais elle, croyant qu'elle avait affaire au gardien du jardin, lui dit : « Seigneur, si c'est toi qui l'as enlevé, dis-moi où tu l'as mis, et j'irai le prendre. » 16Jésus lui dit : « Marie. » Elle se retourna et lui dit en hébreu : « Rabbouni » — ce qui signifie maître. 17Jésus lui dit : « Ne me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. » 18Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples : « J'ai vu le Seigneur, et voilà ce qu'il m'a dit. »

19Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d'eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. » 20Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie. 21Alors, à nouveau, Jésus leur dit : « La paix soit avec vous. Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie. » 22Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l'Esprit Saint ; 23ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. »

24Cependant Thomas, l'un des Douze, celui qu'on appelle Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. 25Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur répondit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n'enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n'enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ! » 26Or huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau réunis dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes verrouillées, il se tint au milieu d'eux et leur dit : « La paix soit avec vous. » 27Ensuite il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d'être incrédule et deviens un homme de foi. » 28Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu. » 29Jésus lui dit : « Parce que tu m'as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. »


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 08/04/12 / Culte de Pâques avec baptême

Qu’est-ce que la résurrection ? Que signifie croire en la résurrection ?

Aujourd’hui beaucoup de nos contemporains ne croient plus à la résurrection.
La foi en la résurrection a laissé la place au scepticisme, à la croyance en l’immortalité de l’âme ou en la réincarnation.
Ce jour de Pâques est, pour nous, l’occasion de nous interroger sur ce que nous mettons personnellement derrière ce mot et sur ce que la Bible peut bien en dire.

Les récits qui parlent de « Résurrection » dans le Nouveau Testament offrent un défi au lecteur de la Bible pris entre la foi et la raison.

Peut-on accorder du crédit aux récits évangéliques de Pâques, en restant à distance, sans y souscrire, sans les lire avec les yeux de la foi ?
J’ai bien envie de vous répondre « non ». Il ne me paraît pas possible de rester à distance de la foi pascale. Car recevoir le témoignage de foi des Ecritures, dire « Christ est ressuscité », c’est en réalité « être soi-même ressuscité avec le Christ ».

Pour autant, doit-on nier et rejeter les difficultés que présentent ces témoignages pour notre raison ?
J’ai également envie de vous répondre « non ». Les textes bibliques viennent interroger notre intelligence et notre rationalité.

Alors, je vous propose ce matin de mener une enquête, d’oser bousculer un peu les textes bibliques, de les mettre en tensions entre eux, pour dépasser les obstacles qui pourraient venir brouiller le message de Pâques.
(Il est possible que nous en sortions déconcertés et un peu bousculés dans nos représentations … mais c’est le risque que doit prendre tout lecteur–interprète de la Bible qui tente de cheminer dans l’intelligence de la foi.)

*Les différents récits qui font mention de l’événement de Pâques dans les quatre évangiles et les épîtres de Paul nous font part d’une conviction de foi commune : Jésus Christ est Ressuscité ; Dieu a le pouvoir de vaincre la mort ; Il a relevé Jésus Christ d’entre les morts ; Il a justifié le Juste (son Messie injustement crucifié) ; la puissance destructrice du péché et la mort ont été vaincues ; les disciples sont appelés à annoncer cette Bonne Nouvelle au monde.

Mais le lecteur averti qui comparent ces passages bibliques en détail peut constater avec surprise (et peut-être avec un certain trouble) que ces récits montrent des éléments contradictoires quant à leur manière de présenter l’événement pascal et la vie du ressuscité.

Par exemple, comment se fait-il que, d’un côté, le Ressuscité ne soit pas reconnu par Marie de Magdala – ce qui signifie son altérité, le fait qu’il ne soit pas immédiatement identifiable à l’homme historique Jésus tel qu’il était auparavant – … comment se fait-il qu’il lui dise « ne me touche pas ! » (Jn 20, 17) – comme pour signifier qu’il vit désormais d’une vie nouvelle, qui implique des relations d’un autre ordre que celles qu’il avait auparavant… – et que, d’un autre côté, il propose à Thomas de toucher ses mains transpercées à la croix, d’avancer ses doigts dans son côté (Jn 20, 27) – comme pour prouver qu’il est bien physiquement le Crucifié du Golgotha revenu à la vie ?

Comment comprendre que, d’un côté, le Nouveau Testament s’attache à dire la résurrection comme une « re-création » de type « spirituel », avec un Ressuscité qui apparaît et qui disparaît, malgré des portes verrouillées (Jn 20, 19) ou qui se rend invisible (Lc 24, 31), et que, d’un autre côté, des éléments semblent attester de la matérialité de la vie du ressuscité…que l’on peut toucher (Jn 20, 27 ; Lc 24, 39 ; Mt 28, 9), qui parle, et qui déjeune tranquillement avec ses disciples (Jn 21, 12.13 ; Lc 24.42.43) ? [1]

L’existence de ces tensions [à l’intérieur de l’évangile de Jean, et entre les évangiles et l’épître aux Corinthiens] doit nous interroger, non sur la vérité de l’événement pascal, mais sur le statut des récits de Pâques.
Il nous faut distinguer, d’un côté, les témoignages de vision ou d’apparition (1) et, de l’autre, les récits du tombeau vide (2) :

- (1) Les témoignages d’apparition sans détail – indiquant juste : « il est apparu » (cf. 1 Co 15, 5-8) – sont des confessions de foi. Le passage que nous avons entendu dans l’épître de Paul aux Corinthiens est le témoignage de foi en la résurrection du Christ le plus ancien du Nouveau Testament.[2]
A travers ce témoignage (l’attestation d’une apparition, d’une rencontre avec le Ressuscité, d’une expérience spirituelle), nous n’avons pas accès à un fait brut, mais à un fait interprété et raconté en raison de son sens… du bouleversement profond qu’il a causé dans la vie de ces témoins du Christ vivant.

- (2) Les récits du tombeau vide dans les évangiles sont des récits catéchétiques beaucoup plus tardifs. Ils disent l’événement de Pâques sous une forme narrative.
Il ne faut pas les interpréter à la lettre comme des récits historiques, mais essayer – à travers la narration, riche de sens – de voir ce que leurs auteurs cherchent à nous dire.

* Alors… qu’est-ce que la résurrection ?

Le Nouveau Testament nous en dit très peu sur le sujet.[3]

- Avant de regarder quelques passages bibliques, il faut revenir à la croix et resituer le contexte de l’événement pascal pour les disciples :
Jésus vient de mourir sur la croix, abandonné, renié et trahi par les siens. La fin tragique de leur maître Jésus, crucifié comme un bandit, un maudit au bois de la croix, marque pour les disciples un échec total qui ne peut que les laisser désemparés et les interroger sur eux-mêmes, sur l’erreur qu’ils ont commise en suivant Jésus ou en l’abandonnant.
C’est là, au moment de l’effondrement de leur espérance, au creux du désespoir et de la culpabilité, qu’un événement totalement imprévu se produit : « une expérience spirituelle forte conduit les disciples à inverser leur regard sur la croix.
[La croix] ne représente plus pour eux l’échec de leur maître, mais la consécration de sa vie, qui inaugure une nouvelle relation avec eux ».[4]
Cette expérience spirituelle inouïe et inattendue constitue pour les disciples une révélation qui opère un véritable retournement, un bouleversement radical. Ceux-là mêmes qui avaient abandonné Jésus le Crucifié « reprennent courage, ils célèbrent la victoire de Dieu sur le refus des hommes. Une main puissante a changé leur abattement en énergie ».
Voilà ce qu’est Pâques pour les disciples : un événement bouleversant, une expérience spirituelle, une vision du Ressuscité (1 Co 15, 5)… un événement qui vient les relever et modifier le cours de leur existence.
C’est là le cœur de Pâques : une rencontre bouleversante avec le Christ… provoquant un renversement de situation… un retournement de l’être.

Mais peut-on en « dire » plus, en « savoir » davantage sur ce qu’est (en elle-même) la résurrection ?

- Lorsque Jésus (au cours de sa vie publique) est interrogé pas les Sadducéens – comme nous l’avons entendu dans l’évangile de Marc (Mc 12, 18-27) – il affirme que la résurrection implique une radicale nouveauté, un mode de vie transformé :
« Quand on ressuscite d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux » (Mc 12, 25).
Jésus prend le contre-pied d’une représentation matérialiste de la résurrection.
La comparaison avec un être angélique (qui appartient à la sphère divine), qui ne possède (pour les hommes de l’antiquité) ni chair, ni mode d’existence comparable à la vie humaine, laisse entendre que la résurrection n’est pas celle d’un corps physique, mais qu’elle est d’une autre nature, d’un autre ordre… de type spirituel.

- Lorsque Paul témoigne de sa foi (dans sa 1ère lettre aux Corinthiens), il reprend un credo ancien, une confession de foi de l’église primitive (1 Co 15, 3b-5), à travers laquelle il évoque de multiples apparitions du Ressuscité dont ont bénéficié différents témoins.
Puis, il évoque son témoignage personnel, sa rencontre avec le Christ Ressuscité qui « s’est fait voir », qui « s’est donné à voir » des années après la mort de Jésus (1 Co 15, 6-8).[5]  
Cette manifestation du Christ vivant relève d’apparitions, d’expériences visionnaires. Elle n’a rien à voir avec le retour de Jésus auprès des siens dans un corps physique, comme le suggère les évangiles, à l’exception de Marc.[6]

Paul tente d’expliquer la résurrection comme le passage du corps animé, psychique, « régi par soi-même », au corps spirituel, rempli du souffle, « régi par l’Esprit » (1 Co 15, 35-58).[7]
« Il en est ainsi pour la résurrection des morts : semé corruptible, le corps ressuscite incorruptible ; semé dans la misère, il ressuscité dans la gloire ; (…) semé corps animal, il ressuscite corps spirituel » (1 Co 15, 42-44).

La notion de « corps » ne désigne pas la chair, ce qui est charnel – Paul précise que « la chair et le sang ne peuvent pas hériter du royaume de Dieu » (1 Co 15, 50) – mais le corps désigne la personne toute entière, au sens de ce qui constitue son identité, sa personnalité (qui a été forgée par sa vie relationnelle, par ce qu’elle a communiqué et vécu avec les autres, par ce qu’elle a su donner et recevoir).[8]
L’expression (l’oxymore)[9] « corps spirituel » (corps régi par l’Esprit) permet à Paul de distinguer le premier Adam, dans son existence terrestre, du dernier Adam, c’est-à-dire du Ressuscité, devenu un Esprit vivifiant, un souffle qui fait vivre (1 Co 15, 45 ; 2 Co 3, 17s).

Le regard de l’apôtre sur la résurrection semble donc en partie corroborer (en tout cas, il ne contredit pas) l’enseignement de Jésus qui excluait une conception matérialiste de la résurrection (Mc 12, 25).

- Alors… lorsqu’on s’interroge sur l’événement de Pâques, on comprend, à la lumière des explications de Jésus et de Paul, que la résurrection de Jésus Christ n’a rien à voir avec celle de Lazare (cf. Jn 11). Le mot « résurrection » [qui appartient au langage disponible de l’époque : le langage apocalyptique] est un mot piégé, car c’est le même terme qui est utilisé pour Lazare et pour Jésus, mais il décrit un événement différent.
La résurrection de Jésus Christ n’est pas la revivification ou la réanimation d’un cadavre, mais elle ouvre à Jésus l’accès à une Vie qualitativement autre, qui n’est plus marquée par l’espace-temps que nous connaissons.
Autrement dit, la Résurrection est une re-création par delà la mort… une irruption dans la Vie éternelle, dans la Vie même de Dieu.[10]

* Tout ceci nous amène à nous interroger face aux récits du tombeau vide que présentent les évangiles.
En effet, si la résurrection de Jésus Christ n’est pas la réanimation d’un corps, mais une vie nouvelle (dans l’éternité de Dieu)… pourquoi les évangélistes ont-ils mis en récit la découverte du tombeau vide ? … pourquoi nous parler de l’absence du corps physique de Jésus, puisque « sa chair et son sang » ne sont pas concernés par la résurrection, mais que celle-ci ne concerne que son « corps spirituel » ? … pourquoi ne pas s’être limité aux témoignages originels des apparitions, des visions du Ressuscité, et avoir précisé que le tombeau était vide, que le corps physique de Jésus avait disparu ? En réalité, l’absence du corps mort de Jésus ne nous prouve pas la résurrection…alors pourquoi raconter la disparition, l’absence du cadavre crucifié de Jésus ?

Il y a sans doute plusieurs réponses à cette épineuse question. J’en relèverai trois (brièvement) :

- (1) La première réponse est très simple. Les récits du tombeau vide permettent de confirmer « l’identité » du Ressuscité comme étant bien l’homme Jésus, le Crucifié. L’absence du corps physique dans le tombeau est une manière de signifier que le Ressuscité – qui est apparu aux disciples (ou à Paul) – n’est pas un fantôme, un esprit (Lc 24, 37), mais qu’il s’agit bien de Jésus, le Crucifié, désormais Ressuscité.

- (2) La deuxième réponse est d’ordre « symbolique ». Comment mieux dire la résurrection que par un tombeau vide ? que par l’absence d’un corps mort ? Le vide du tombeau n’est pas là pour signifier que le corps physique de Jésus le crucifié a été réanimé. Mais pour dire le dépassement de la mort, la victoire sur la mort.

En effet, la foi en la résurrection change le regard que nous portons sur la mort. La mort demeure (bien évidemment) une réalité menaçante, effroyable et angoissante. Mais la foi en Dieu, en un Dieu capable de résurrection, vide la mort elle-même de son caractère absolu et définitif. Si la mort nous apparaît toujours comme la fin de notre histoire terrestre, elle n’apparaît plus comme notre fin ultime, comme notre destination dernière.
C’est précisément ce qu’exprime la vacuité, le vide du tombeau :
La tombe est bien là… évoquant l’espace de la mort… mais l’ouverture et le vide du tombeau signifient que ce lieu a été traversé… que la mort n’est pas la fin. Le dernier mot ne lui appartient pas, mais il revient à Dieu.

- (3) La troisième réponse relève de l’« envoi » et de la « mission ». Le récit du tombeau vide met en scène un trou, un creux, un espace vide dans l’histoire des disciples : un vide qui permet un déplacement. La vacuité du tombeau symbolise que la foi en la résurrection ne veut pas être un savoir sur la résurrection, ni sur la mort. Face au vide du tombeau, au non-savoir que crée ce vide, les disciples sont appelés à chercher ailleurs, à se déplacer. (C’est ce que dit le messager de la résurrection dans l’évangile de Marc : « [Le ressuscité] n’est pas ici… Il vous précède en Galilée ». (Mc 12, 6-7 )).
Ces récits constituent un appel, une incitation à se mettre en route. Ils mettent les disciples en chemin, en quête, à la suite du Ressuscité. Désormais, ceux qui cherchent le Christ sont invités à investir le monde présent avec ce « vide » du tombeau qui a créé en eux une ouverture.
Autrement dit, il y a un « avant » et un « après » Pâques. Le tombeau vide est une manière de dire que la vie des disciples est désormais ouverte à l’espérance… à la proclamation de cette espérance.[11]
C’est à la lumière de l’événement de Pâques – de la foi pascale – que les disciples vont relire l’ensemble de la vie de Jésus et son enseignement.

Il faut donc envisager les récits évangéliques du tombeau vide au matin de Pâques, non comme des comptes rendus historiques, mais comme des récits catéchétiques riches de sens.
En racontant une absence (celle du Crucifié), ils nous disent une présence (celle du Ressuscité) : une présence insaisissable (Jn 20, 17 ; Lc 24, 31).

Ces récits nous annoncent un évènement : la résurrection, mais ils n’en donnent aucune description.

En réalité, il n’est pas important de savoir pourquoi le tombeau était vide… si le corps a été volé, enlevé ou déposé dans une fosse commune, comme cela se faisait généralement pour les suppliciés, crucifiés par les Romains.
De toute façon ce n’est pas sur la revivification du corps de Jésus que se fondait la foi des premiers chrétiens en la résurrection « spirituelle » de Jésus, mais sur les apparitions accordées à ses disciples (1 Co 15, 5-8).

Les récits évangéliques du tombeau vide sont venus bien après, pour raconter et faire sens sur le plan de la catéchèse. Et c’est ainsi que nous pouvons les recevoir… comme des témoignages de foi… qui, par le biais d’un langage narratif (c’est-à-dire d’une construction littéraire, d’une histoire), nous racontent le bouleversement produit par l’événement pascal.

D’une certaine manière, on pourrait comparer les récits du tombeau vide à ceux de la création dans le livre de la Genèse. Ces récits tentent de nous faire toucher la vérité sur notre origine ou notre destination, sous forme narrative et symbolique.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de le faire… pas d’autre langage possible… parce que ce qui est pointé là dépasse notre connaissance et relève de la foi.

- pause musicale - avant la conclusion

* Si la Bible nous en dit très peu sur l’événement de la résurrection, sur ce qu’elle est… elle affirme, en revanche, qui en est l’auteur et ce qu’elle signifie :

Jésus ne s’est pas ressuscité tout seul. Mais il a été ressuscité par Dieu.[12]
Dieu – le Créateur, l’Eternel – est l’auteur de cette re-création.
La résurrection est un acte de la puissance créatrice de Dieu…qui présuppose que Dieu est le « fondement de l’être »… que sa « puissance d’être » a le pouvoir de surmonter le « non-être », de vaincre la mort.
Autrement dit, l’espérance de la résurrection a à voir avec Dieu et notre relation à Dieu.
Elle est fondée sur Dieu… sur la conviction qu’il existe un lien indestructible entre Dieu, le Créateur, et l’être humain, sa créature (créée à l’image de Dieu).
Si la résurrection repose sur ce lien entre Dieu et l’homme, elle désigne le pouvoir qu’a Dieu de surmonter tout ce qui viendrait altérer ce lien.

Or, ce qui vient perturber ce lien, c’est le péché. Le péché, c’est ce qui éloigne l’homme de Dieu, ce qui vient mettre de la distance, altérer, détériorer ou pervertir ce lien.
Et ce qui restaure ce lien, c’est l’amour de Dieu, c’est le pardon de Dieu qui surmonte le péché.
A la croix, en Jésus, le Christ de Dieu, Dieu est présent et agissant. Il accepte de prendre sur lui le poids du péché des hommes qui le rejettent.
La résurrection de Jésus Christ atteste que Dieu – qui est amour – surmonte le péché et la mort.
Dieu manifeste ainsi son offre de réconciliation (2 Co 5, 19).
Il accepte l’homme malgré son péché et il l’appelle à vivre « une vie nouvelle » (Rm 6, 4).
C’est cette conviction que partage l’apôtre Paul  :
« Oui, j’en ai l’assurance : ni la mort ni la vie (...), ni le présent ni l’avenir (…) rien ne pourra sous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 8, 38.39).

* La résurrection atteste donc de la présence de Dieu aux côtés de l’homme.
Elle ne nie pas le sérieux et la réalité de la mort. Mais elle signifie que Dieu n’abandonne pas ses enfants à l’absurde et au néant, au cours du passage, dans la traversée de l’abîme.

Dieu ne cesse de vouloir relever l’homme, de le remettre debout et en marche.
C’est pourquoi les disciples, les témoins du Christ Ressuscité, sont eux-mêmes ressuscités avec le Christ.
L’événement de Pâques, c’est qu’une rencontre avec le Christ vivant a bouleversé leur vie[13]… c’est que le « souffle vivifiant » (1 Co 15, 45) de l’Esprit du Christ (Jn 20, 22) a lui-même provoqué une résurrection… une renaissance spirituelle des disciples… désormais libres de proclamer « les merveilles de Dieu » (Ac 2, 11).

Croire à la Résurrection… c’est croire en un Dieu éternellement créateur …capable de nous arracher à l’œuvre destructrice du péché et à la mort, pour les surmonter, et ainsi restaurer notre identité relationnelle de fils et de filles de Dieu, en communion avec lui.
Pâques est cette création nouvelle dans la communion de Dieu.

* Aujourd’hui, Noémi a reçu le baptême… le baptême dans la mort et la résurrection de Jésus Christ (Rm 6, 3-4).
Pâques renouvelle en chacun de nous l’alliance du baptême, notre participation au Christ.
Les parents de Noémi ont choisi de confier leur enfant à la tendresse de Dieu avec un verset du livre du Deutéronome que je voulais vous laisser en guise de conclusion.
Il résume en quelques mots le message de Pâques :
« C’est le Seigneur qui marche devant toi, c’est lui qui sera avec toi, il ne te délaissera pas, il ne t’abandonnera pas ; ne crains pas, ne te laisse pas abattre » (Dt 31, 8).

Oui ! Ne te laisse pas abattre ! La mort n’est pas le dernier mot de la Vie… le dernier mot de Dieu… Car Dieu est le Dieu des Vivants (Mc 12, 27)… le Dieu Vivant… le Dieu de la Vie.

Chers amis… mon frère, ma sœur….que l’Esprit de Dieu… l’Esprit du Christ… te relève et te vivifie… qu’il te rende véritablement vivant sous le regard de Dieu.
Voici que le Christ Ressuscité t’appelle… confie lui ta route… choisis la Vie !
Amen. 



[1] Hypothèse : il est possible que face à un courant de pensé hérité de la gnose – le docétisme – les rédacteurs des évangiles (Jean et peut-être Luc) ont été contraints de rationaliser l’événement de la résurrection. Le docétisme est un courant de pensé qui remettait en cause la véritable humanité de Jésus en tant que Christ. Pour les gnostiques, la matière est associée au mal. Il est donc impossible que Dieu ait pu se révéler dans un homme, en Jésus. Il en résulte, selon eux, que l’aspect humain du Christ était une simple illusion, une apparence qui n’avait pas de réalité objective. Autrement dit, le docétisme remet en cause la réalité de l’humanité et de la crucifixion du Christ. Face à ce courant de pensée (commun à la gnose et au docétisme), il est possible (bien que ce soit une hypothèse) que le « rédacteur » de l’évangile de Jean ait introduit l’épisode où Thomas est invité par le Ressuscité à toucher son côté transpercé (Jn 20, 27). (Voir aussi Luc en Lc 24, 39.) Cet épisode servirait (entre autres) à « prouver » la véritable humanité du Christ et à confirmer l’identité du Ressuscité comme étant bien l’homme Jésus, le Crucifié. (A cause des stigmates de son supplice, le Ressuscité ne saurait être dissocié du Crucifié.)
Mais l’épisode du Ressuscité avec Thomas (Jn 20, 24-29) a surtout une autre fonction : Thomas personnifie les croyants des générations ultérieures. Dans une Eglise dans laquelle les témoins oculaires (bénéficiaires d’une apparition pascale) sont morts, il rappelle que la foi trouve son authentique fondement dans la Parole et l’Esprit Saint (le paraclet) : « bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru » (Jn 20, 29).
[2] Il ne mentionne pas la découverte du tombeau vide (Jn 20 ; Lc 24).
[3] Mais comment pourrait-il en être autrement ? Comment dire quelque chose d’un événement qui dépasse la vie connue dans notre espace-temps ? Comment parler d’un événement qui échappe forcément à toute saisie du langage ?
[4] D. MARGUERAT, L’homme qui venait de Nazareth, éd. du Moulin, 1993 [1990], pp.108-110.
[5] Il faut souligner que Paul met sur un même plan qualitatif son expérience et celles des témoins oculaires du Jésus terrestre (les Douze). Pour lui, c’est bien de la même expérience qu’il s’agit, alors que Paul n’a pas connu le Jésus terrestre.
[6] Avec sa final courte, l’évangile de Marc s’arrête en Mc 16, 8.  Il ne contient pas, à l’origine, de récit d’apparition de Jésus ressuscité.
[7] Dans ce passage, Paul met en avant une continuité (sur un plan temporel : le corps à venir découle du corps présent : v. 36-38) et une discontinuité (sur un plan spatial : le corps à venir est supérieur au corps actuel : v.39-41).
[8] Ce sont toutes les relations vécues aux cours de son histoire, qui constituent progressivement la personnalité d’un sujet. Le "corps" symbolise l'identité et l'historicité de la personne humaine. 
[9] Un oxymore est métaphore impossible qui unit deux réalités contradictoires. L’exemple classique d’un oxymore est « soleil noir ».
[10] En effet, ce n’est peut-être pas un hasard si le récit de la Genèse (avant la chute) débute dans un jardin – le jardin d’Eden, le jardin de la création – et si le récit de pâques débute à nouveau dans un jardin. Marie de Magdala, voyant le Ressuscité, le prend pour le gardien du jardin (Jn 20, 15) : le jardin de la résurrection, le jardin de la nouvelle création.
Franchissons un pas … Et si ce jardin symbolisait la vie divine… la vie en Dieu ?… de laquelle l’être humain « sort » pour entrer dans l’existence (c’est l’étymologie du mot « exister » qui veut dire « sortir de l’être »)… et à laquelle il revient par-delà la mort. Alors, la résurrection désignerait simplement la vie éternelle, la vie dans l’Eternel, dans l’éternité de Dieu.
[11] Alors que les disciples étaient enfermés sur eux-mêmes, sur leur peur… alors que les portes de leur maison étaient verrouillées (Jn 20, 19)… voilà que le Ressuscité apparaît au milieu d’eux pour leur donner la paix, leur offrir son Esprit (qui est l’Esprit de Dieu), et les envoyer en mission (Jn 20, 21).
[12] cf. Rm 4, 24 ; 8, 11 ; 2 Co 4, 14 ; Ga 1,1 ; Ep 1,20 ; Col 2, 12 ; 1 P 1, 21.
[13] « Tu as changé mon deuil en une danse… mes habits funèbres en parure de joie » (Ps. 30,12).

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