dimanche 1 avril 2012

Jn 18, 28 - 19, 16

Jn 18, 28 – 19, 16

Lectures bibliques : Jn 12, 44 ;  Jn 6, 14-15 ;  Jn 12, 12-19 ;  Jn 18, 28 – 19, 16 ;  Jn 14, 6a ; Jn 8, 31-32 ; 1 Jn 4, 7-8
Thématique : De la fête des Rameaux à la Croix – Vérité et Royauté

Prédication = voir plus bas, après les lectures

Lectures

- Jn 12, 44

Jésus proclama : « Qui croit en moi, ce n'est pas en moi qu'il croit, mais en celui qui m'a envoyé (…) ».

- Jn 6, 14-15

Il s’agit de la fin de l’épisode où Jésus partage un repas qui nourrit une foule d'environ cinq mille personnes. Voici la conclusion de ce passage :

A la vue du signe qu'il venait d'opérer, les gens dirent : « Celui-ci est vraiment le Prophète, celui qui doit venir dans le monde. » 15Mais Jésus, sachant qu'on allait venir l'enlever pour le faire roi, se retira à nouveau, seul, dans la montagne.

- Jn 12, 12-19

Le lendemain, la grande foule venue à la fête apprit que Jésus arrivait à Jérusalem ; 13ils prirent des branches de palmiers et sortirent à sa rencontre. Ils criaient : « Hosanna ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient, le roi d'Israël. » 14Trouvant un ânon, Jésus s'assit dessus selon qu'il est écrit : 15Ne crains pas, fille de Sion : voici ton roi qui vient, il est monté sur le petit d'une ânesse16Au premier moment, ses disciples ne comprirent pas ce qui arrivait, mais lorsque Jésus eut été glorifié, ils se souvinrent que cela avait été écrit à son sujet, et que c'était cela même qu'on avait fait pour lui. 17Cependant la foule de ceux qui étaient avec lui lorsqu'il avait appelé Lazare hors du tombeau et qu'il l'avait relevé d'entre les morts, lui rendait témoignage. 18C'était bien, en effet, parce qu'elle avait appris qu'il avait opéré ce signe qu'elle se portait à sa rencontre. 19Les Pharisiens se dirent alors les uns aux autres : « Vous le voyez, vous n'arriverez à rien : voilà que le monde se met à sa suite ! »

Jn 18, 28 – 19, 16

Cependant on avait emmené Jésus de chez Caïphe à la résidence du gouverneur. C'était le point du jour. Ceux qui l'avaient amené n'entrèrent pas dans la résidence pour ne pas se souiller et pouvoir manger la Pâque. 29Pilate vint donc les trouver à l'extérieur et dit : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » 30Ils répondirent : « Si cet individu n'avait pas fait le mal, te l'aurions-nous livré ? » 31Pilate leur dit alors : « Prenez-le et jugez-le vous-mêmes suivant votre loi. » Les Juifs lui dirent : « Il ne nous est pas permis de mettre quelqu'un à mort ! » 32C'est ainsi que devait s'accomplir la parole par laquelle Jésus avait signifié de quelle mort il devait mourir.

33Pilate rentra donc dans la résidence. Il appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? » 34Jésus lui répondit : « Dis-tu cela de toi-même ou d'autres te l'ont-ils dit de moi ? » 35Pilate lui répondit : « Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta propre nation, les grands prêtres t'ont livré à moi ! Qu'as-tu fait ? » 36Jésus répondit : « Ma royauté n'est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, les miens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais ma royauté, maintenant, n'est pas d'ici. » 37Pilate lui dit alors : « Tu es donc roi ? » Jésus lui répondit : « C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. » 38Pilate lui dit : « Qu'est-ce que la vérité ? » Sur ce mot, il alla de nouveau trouver les Juifs au-dehors et leur dit : « Pour ma part, je ne trouve contre lui aucun chef d'accusation.39Mais comme il est d'usage chez vous que je vous relâche quelqu'un au moment de la Pâque, voulez-vous donc que je vous relâche le roi des Juifs ? » 40Alors ils se mirent à crier : « Pas celui-là, mais Barabbas ! » Or ce Barabbas était un brigand.

1Alors Pilate emmena Jésus et le fit fouetter. 2Les soldats, qui avaient tressé une couronne avec des épines, la lui mirent sur la tête et ils jetèrent sur lui un manteau de pourpre. 3Ils s'approchaient de lui et disaient : « Salut, le roi des Juifs ! » et ils se mirent à lui donner des coups. 4Pilate retourna à l'extérieur et dit aux Juifs : « Voyez, je vais vous l'amener dehors : vous devez savoir que je ne trouve aucun chef d'accusation contre lui. » 5Jésus vint alors à l'extérieur ; il portait la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Pilate leur dit : « Voici l'homme ! » 6Mais dès que les grands prêtres et leurs gens le virent, ils se mirent à crier : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! » Pilate leur dit : « Prenez-le vous-mêmes et crucifiez-le ; quant à moi, je ne trouve pas de chef d'accusation contre lui. »

7Les Juifs lui répliquèrent : « Nous avons une loi, et selon cette loi il doit mourir parce qu'il s'est fait Fils de Dieu ! » 8Lorsque Pilate entendit ce propos, il fut de plus en plus effrayé. 9Il regagna la résidence et dit à Jésus : « D'où es-tu, toi ? » Mais Jésus ne lui fit aucune réponse. 10Pilate lui dit alors : « C'est à moi que tu refuses de parler ! Ne sais-tu pas que j'ai le pouvoir de te relâcher comme j'ai le pouvoir de te faire crucifier ? » 11Mais Jésus lui répondit : « Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné d'en haut ; et c'est bien pourquoi celui qui m'a livré à toi porte un plus grand péché. » 12Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher, mais les Juifs se mirent à crier et ils disaient : « Si tu le relâchais, tu ne te conduirais pas comme l'ami de César ! Car quiconque se fait roi, se déclare contre César. »

13Dès qu'il entendit ces paroles, Pilate fit sortir Jésus et le fit asseoir sur l'estrade, à la place qu'on appelle Lithostrôtos — en hébreu Gabbatha. 14C'était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi ! » 15Mais ils se mirent à crier : « A mort ! A mort ! Crucifie-le ! » Pilate reprit : « Me faut-il crucifier votre roi ? » Les grands prêtres répondirent : « Nous n'avons pas d'autre roi que César. » 16C'est alors qu'il le leur livra pour être crucifié.

- Jn 14, 6a

Jésus lui dit [à Thomas] : « Je suis le chemin et la vérité et la vie (…) ».

- Jn 8, 31-32

Jésus dit aux Juifs qui avaient cru en lui : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, 32vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres ».

- 1 Jn 4, 7-8

Mes bien-aimés,
aimons-nous les uns les autres,
car l'amour vient de Dieu,
et quiconque aime
est né de Dieu et parvient à la connaissance de Dieu.

Qui n'aime pas n'a pas découvert Dieu,
puisque Dieu est amour.


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 01/04/12

« Qu’est-ce que la vérité ? » (Jn 18, 38)
C’est la question que Pilate pose à Jésus, tout en se dérobant, et en exprimant son scepticisme et son désespoir quant à la recherche de la vérité.
Cette question tout à fait sérieuse dans le monde qui est le nôtre… interrogé par la question du sens, par la quête de ce qui pourrait bien donner une orientation, une direction à nos vies… face au désespoir, à l’absence de repère, au naufrage des valeurs…. c’est celle qui nous est posée personnellement et communautairement ce matin : pour toi…pour nous… « qu’est-ce que la vérité ? »

La réponse de l’évangile pourrait étonner beaucoup de nos contemporains. Car la vérité – nous dit Jésus – ne se trouve pas dans la science, ni dans la doctrine, ni dans la religion, parce que l’une ou l’autre pourrait « avoir » la vérité ou simplement une étincelle…une parcelle de vérité. Mais la vérité – la vérité ultime –  s’est révélée dans un « être », dans une personne : en Jésus en tant que Christ.

Le Christ ne dit pas « mon enseignement est vrai », « je sais », « j’ai la vérité », mais « je suis La vérité » (Jn 14, 6).
Jésus déclare que la réalité véritable, authentique et ultime est présente en lui. 
Autrement dit, il affirme que Dieu est présent en lui, sans voile, dans sa profondeur infinie, dans son mystère inaccessible (Jn 14, 10.11).
Et c’est cette vérité que beaucoup de ceux qui ont pu rencontrer Jésus il y a 20 siècles sur les chemins de Palestine n’ont pas voulu entendre ou reconnaître en lui.

Les passages que nous avons entendus nous font part d’un profond malentendu au sujet de la personne de Jésus… à commencer par la question de sa royauté.
Plusieurs épisodes de l’évangile de Jean soulignent une tension… liée à une interprétation divergente de l’image du roi et de la fonction royale :
- Au chapitre 6, l’évangéliste nous révèle que des hommes cherchent Jésus, pour l’enlever et le faire roi, en raison du signe qu’il vient d’accomplir, en partageant un repas qui a nourri environ cinq mille personnes. Mais Jésus s’esquive. Il se retire seul dans la montage (Jn 6, 14-15).
- Au chapitre 12, l’évangéliste nous raconte l’arrivée triomphale de Jésus devant Jérusalem.
Acclamé comme le « roi d’Israël » (Jn 12, 13), cet événement devra servir d’éclairage aux futurs disciples, dans la mesure où il signifie – par anticipation – la royauté véritable de Jésus en tant que Christ…. royauté qui n’adviendra qu’avec sa glorification dans l’événement de la croix et de la résurrection.
Là encore, le « pourquoi » de cette acclamation est donné. C’est en raison du signe que Jésus vient d’opérer en relevant Lazare d’entre les morts que la foule acclame Jésus comme son roi.
- Enfin, aux chapitres 18 et 19, l’évangile de Jean nous livre les éléments d’une rencontre entre Pilate et Jésus. Et là aussi, le malentendu persiste au sujet de la royauté de Jésus.
Mais la réponse de Jésus nous permet de lever le voile sur le sens… sur la signification de cette royauté.

Ce n’est pas en raison des signes spectaculaires ou des miracles stupéfiants qu’il aurait accompli que Jésus est roi.
Ce n’est pas non plus à la manière du monde, pour conquérir le pouvoir, renverser l’occupant romain, répondre aux élans nationalistes ou établir une théocratie que Jésus est roi.
Sa « royauté n’est pas de ce monde » (Jn 18, 36).
Elle a une autre origine, d’autres valeurs, un autre but. Elle ne peut se réaliser selon les critères de notre monde : par l’accaparement, la force, la puissance ou la violence.
Au contraire, c’est en choisissant la confiance et l’amour, jusqu’au don ultime de soi, que Jésus s’est mis au service de la Vérité.
La royauté du Christ est celle d’un Serviteur qui accepte de se dépouiller de tout, y compris de lui-même, par fidélité au Dieu d’amour (Ph 2, 6-11), par fidélité à l’esprit des Béatitudes qu’il a incarné tout au long de sa vie.
C’est à la mesure de son amour, du don qu’il fait de lui-même… dans une confiance inouïe, dans l’obéissance de la foi…  jusqu'à l'extrême (Jn 13, 1)... que Jésus est le Christ, notre roi.

Pour comprendre la royauté du Christ, il faut changer de regard et l’envisager dans la perspective et la dynamique du royaume de Dieu qui chemine et travaille intérieurement en l’homme.
L’enjeu : c’est que nous consentions au déplacement de nos attentes, au retournement de nos mentalités, au renouvellement de nos intelligences, pour recevoir le Christ… pour le laisser croître en nous et régner sur nous… pour nous laisser transformer et devenir des femmes et des hommes nouveaux.

Derrière les malentendus que nous livrent ces passages bibliques, il nous faut rechercher les intuitions extraordinaires qui s’y trouvent. J’en relèverai deux :

- (1) D’abord, l’intuition de cette foule qui acclame triomphalement Jésus (Jn 12, 13). Ce geste prophétique, ce signe porteur de vérité, correspond à notre conviction chrétienne.
Oui ! Jésus, en tant qu’il est le Christ, celui qui vient « au nom du Seigneur », au nom de Dieu, est bien notre Roi. Il est celui qui peut régner sur nos vies si nous lui donnons cette place, si nous lui ouvrons notre cœur. Il est celui qui nous appelle à nous approcher du royaume de Dieu, à devenir « sujet » de ce royaume, en convertissant notre regard, en vivant dans le monde avec d’autres critères que ceux du monde… en adoptant les valeurs de l’Evangile que nous livrent le Sermon sur la montagne (Mt 5-7) et les Béatitudes (Mt 5, 3-12)… à savoir la pauvreté, la douceur, la compassion, la paix, et l’amour inconditionnel du prochain. (Ce sont ces passages de l’évangile que nous avons médités ensemble depuis plusieurs dimanches.)

- (2) Ensuite, il faut également souligner l’intuition extraordinaire de Pilate… de son exclamation devant celui qui ne porte comme attributs royaux qu’une couronne d’épines et un manteau de pourpre : « Voici l’Homme ! » (Jn 19, 5).
Oui ! en Jésus Christ, voici l’Homme véritable, le nouvel Adam, l’Être Nouveau. C’est là la vérité fondamentale que nous livre, à son insu, Pilate, dans son incapacité à quitter la logique du pouvoir dans laquelle il est enfermé.

Derrière l’humiliation de Jésus, au moment même où il va être crucifié, se cache l’Homme véritable.
Au moment où Jésus atteint l’abaissement le plus profond, au moment où il ne peut plus rien revendiquer pour lui-même, c’est là que se laisse voir – de façon paradoxale – l’être humain dans son essence : l’Homme dont la seule caractéristique imprenable est sa relation à Dieu… l’Homme dont la seule vérité est d’être « fils du Père », « fils bien aimé de Dieu ».
Voilà que cet homme qui n’est plus rien devant les hommes (aux yeux de Pilate et des Juifs) est pleinement l’Homme, l’Homme uni à Dieu, l’Homme qui révèle le visage de Dieu lorsqu’il ne prétend plus être « par lui-même », « pour lui-même », mais seulement être « avec Dieu », « devant Dieu ».

En effet, qu’est-ce que l’Homme véritable, qu’est-ce qu’être pleinement homme, authentiquement humain ?
L’homme véritable, c’est l’homme qui accomplit sa vocation de créature, d’enfant de Dieu, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26)… c’est l’homme en relation avec Dieu, parfaitement uni à Dieu… c’est l’humain sans aucune trace de péché, sans rien qui puisse l’éloigner ou le séparer de Dieu.

Jésus a été cet Homme en parfaite communion avec Dieu, tout au long de sa vie. C’est le témoignage que nous livrent les évangiles. En lui, s’est réalisé l’unité de Dieu et de l’homme. Et c’est là quelque chose de totalement nouveau. C’est pourquoi, l’apôtre Paul le présente comme « le nouvel Adam ».

La Croix est la manifestation ultime de cette unité…. Elle est le trône de sa messianité.
En disant « oui » à la croix, en assumant la croix, Jésus accepte d’être pleinement le Christ et de n’être plus que le Christ. Il accepte de se donner totalement, de sacrifier Jésus – en tant que Jésus de Nazareth – pour n’être plus que Jésus – en tant Christ.
Il choisit de renoncer à lui-même, en tant que réalité finie, pour donner et livrer l’ultime – l’Esprit de Dieu, l’Esprit d’amour – dont il est le porteur. 

L’abaissement total de Jésus jusqu’a la croix manifeste donc un paradoxe. Car celui qui vient rendre témoignage à la Vérité (Jn 18, 37)… celui qui vient révéler le visage de Dieu…. ne peut le faire qu’en acceptant de s’effacer totalement, qu’en devant transparent à l’Esprit de Dieu – à Dieu – qui est en lui.
C’est – paradoxalement – en étant le Crucifié, en étant celui qui se tait, qui fait silence, pour laisser la place à Dieu… que Jésus est le Christ.
C’est pour autant que Jésus se nie, s’efface, pour demeurer transparent au mystère divin dont il est le porteur, que Jésus est le « Christ », la « Parole de Dieu », la manifestation centrale du Logos divin.
C’est pour autant qu’il refuse d’être tenu lui-même pour « Dieu » (cf. Ph 2, 6 ; Gn 3, 5) ou pour « roi » – à la manière du monde – que Jésus est réellement le Christ.

Il y a là un paradoxe qui met en avant la place centrale qu’occupe la Croix dans le christianisme.
Si Jésus est – pour nous Chrétiens – le Christ, le médium de la révélation finale, le Révélateur de Dieu, c’est en tant que Crucifié qu’il l’est de façon ultime.
La Croix, le lieu de l’abaissement de Jésus, est en même temps le lieu de l’élévation du Christ, le lieu de sa glorification.[1]

Cette affirmation a des conséquences sur notre manière de comprendre le salut, car elle indique que celui qui accepte de prendre sur lui le péché des hommes : ce n’est pas seulement l’homme Jésus, mais c’est le Christ de Dieu.
Autrement dit, c’est l’Esprit de Dieu, c’est Dieu lui-même, en Jésus le Christ, qui prend sur lui le péché et la souffrance du monde, afin de les surmonter (cf. 2 Co 5, 19) [2].
La résurrection est le signe de cette victoire sur le péché, sur ce qui pouvait séparer l’homme de Dieu. Elle nous révèle la volonté de Dieu de surmonter le péché, d’accueillir l’homme, pour l’appeler à une vie nouvelle.

Un passage de l’évangile de Jean nous permet de mieux comprendre ce que signifie la croix et la royauté du Christ. C’est ce verset où Jésus souligne qu’il ne possède rien lui-même, mais qu’il a tout reçu de son père : « Qui croît en moi, ce n’est pas en moi qu’il croît, mais en Celui qui m’a envoyé » (Jn 12, 44).

La croix reçoit sa signification en raison de cette unité de Dieu et de l’homme en Jésus Christ… en raison de cette communion entre Jésus et Dieu.
Elle ne peut être dissociée ni de la vie de Jésus (1), ni de sa résurrection par Dieu (2) :
- (1) La croix ne prend sens qu’au regard de la vocation messianique de Jésus…que parce que Jésus est l’envoyé de Dieu. Si Jésus avait choisi d’éviter la croix, il aurait renoncé à être pleinement le Christ, il n’aurait pas mené à son accomplissement ce qu’il devait être : son identité de « fils de Dieu », sa mission de manifester l’amour inconditionnel de Dieu. 
- (2) La croix ne prend sens qu’au regard de la résurrection. Sans résurrection, sans l’initiative de Dieu, Jésus n’aurait été (pour les hommes) qu’un martyr de plus. Par la résurrection, Dieu relève le Juste. Il justifie son envoyé aux yeux de ses disciples. Il révèle que Jésus était bien le fils de Dieu, le Révélateur du Père…. que Dieu était bien aux côtés de son fils, durant toute son existence et jusque sur la croix.

La fête des Rameaux ne prend son sens qu’en lien avec la croix et la résurrection… car cette arrivée triomphale à Jérusalem est une anticipation de la glorification de Jésus, comme Christ de Dieu.
Sans l’événement de la croix et de la résurrection, la fête des Rameaux demeurerait un malentendu…. un malentendu sur la véritable Royauté qui n’est pas celle d’un homme, mais celle du Christ : un roi qui ne siège pas du haut de sa toute puissance, dans sa majesté, mais un roi intime qui gagne les cœurs de ceux qui s’ouvrent à lui, dans la confiance.

- Pause musicale -

Alors… revenons à la question de Pilate : « Qu’est-ce que la vérité ? » (Jn 18, 38)

En hébreux, la vérité désigne ce qui est solide, stable…ce sur quoi / sur qui on peut compter, se fier, et fonder sa vie.
En grec, la vérité signifie la réalité dé-voilée, la correspondance entre le réel et l’esprit.
D’un côté, il s’agit d’une relation qui s’éprouve au cours du temps ; de l’autre, d’une réalité objective, d’une vérité intemporelle.

La vérité – pour nous Chrétiens – tient ensemble ces deux aspects. Elle est éternelle… et elle s’est révélée dans l’existence temporelle.
La vérité, c’est qu’en Jésus le Christ, Dieu se rend présent et agissant pour l’homme.
C’est cette vérité qui nous fait vivre… qui nous rend libre… qui nous guide… et qui donne sens à notre existence.

Il ne s’agit pas seulement de recevoir les paroles de Jésus comme étant vraies (bien qu’elles le soient !), mais de recevoir et de vivre son enseignement parce qu’il exprime la vérité que Jésus est lui-même, en tant que Christ (Jn 14, 6).
Autrement dit, il nous faut recevoir la vérité qu'est le Christ et il nous faut vivre de cette réalité.

Alors… comment atteindre cette vérité ?

« En la faisant ! » (cf. Jn 3, 21). « En demeurant en lui ! » (cf. Jn 15, 5). Ce sont les réponses que nous livre l’évangile de Jean.
Il nous faut « participer »… prendre part…à cette réalité dans la foi.
Il nous faut nous-même revêtir le Christ, et vivre de cette vie nouvelle que l’Esprit saint, l’Esprit de vérité (Jn 14, 17 ; 16, 13) nous offre.
Jésus dit : « Demeurez en moi et je demeurai en vous » (Jn 15, 4)
La vérité qui nous rend libre est la vérité à laquelle nous participons.
Le véritable disciple est celui qui participe, qui prend part à la vérité de Dieu….à la vérité ultime et divine, qui se manifeste en Jésus Christ (Jn 18, 37).
Pour  « appartenir » à la vérité, il faut nous laisser saisir par le Christ. C’est ce qu’on appelle la régénération (la nouvelle naissance) ou la participation. C’est ce que l’apôtre Paul appelle « être en Christ ».
En entrant, par la foi, dans la nouvelle réalité qu’instaure le Christ, chacun peut y prendre part et devenir une créature nouvelle sous le regard de Dieu (2 Co 5, 17-18).

« Quiconque est de la vérité écoute ma voix » (Jn 18, 37) dit le Christ.
Il faut également écouter sa parole. « Être de la vérité », c’est inscrire cette parole en nous et s’inscrire en elle, pour nous laisser transformer par elle, sous l’action de l’Esprit saint. C’est ce qu’on appelle la sanctification, comme processus de transformation au cours duquel la puissance de l’Esprit saint transforme (peu à peu) les individus et les communautés.
Il y a là un cheminement de foi dans la vérité qui libère (Jn 8, 32)… une transformation progressive de nos personnalités, de nos mentalités et de nos comportements, par l’action de l’Esprit saint qui renouvelle toute chose.

En d’autres termes, rencontrer et marcher dans la vérité, ce n’est pas adhérer à une formulation orthodoxe de la foi, à la bonne confession de foi, au bon catéchisme …mais c’est répondre à l’amour premier de Dieu et vivre de son amour : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. […] Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 37-39).
Croire, c’est répondre avec tout son être à l’initiative de Dieu… c’est faire la vérité, en faisant passer le souffle de l’Evangile dans notre vie de chaque jour. 
Ceux qui ont rencontré le Christ ont un avantage sur tous les autres : ils savent où trouver la vérité et ils savent que cette vérité libère (Jn 8, 31-32).
(Mais cela leur confère aussi une responsabilité plus grande, car il leur faut prendre part et témoigner de cette vérité qui a pour eux un visage.)

La vérité qui rend libre est la puissance de l’amour, car Dieu est amour (1 Jn 4, 7-8).
Il n’y a donc pas de vérité là où il n’y a pas d’amour.
(La vérité ne s’impose pas par la force. Elle se reçoit dans l’amour.)

L’amour nous libère du mensonge parce qu’il nous libère de notre faux moi (notre moi tombé dans le péché : l’incrédulité, l’infidélité, l’orgueil, l’égocentrisme et la convoitise qui nous séparent de Dieu) pour nous rendre à notre moi véritable, à ce moi enraciné dans la réalité véritable, en Dieu qui est amour.

C’est pourquoi… interrogeons-nous devant toute prétention à la vérité, et méfions-nous de toute prétention à la vérité là où nous ne voyons pas la vérité unie à l’amour.
Au contraire, soyons certains que nous sommes dans la vérité, et que la vérité a prise sur nous, là où elle a commencé à nous libérer de nous-mêmes (de l’esclavage de notre péché, de nos opinions, de nos illusions, de nos enfermements, de nos préjugés, de nos conventions). Car le Christ nous l’affirme, la vérité fait de nous « des hommes libres » (cf. Jn 8, 31-32).

Cher(e)s ami(e)s….Frères et Sœurs… que le Christ – notre Roi – règne véritablement sur nos vies et que l’Esprit de vérité nous conduise à la vraie liberté : celle des enfants de Dieu.
Amen.



[1] A la suite du théologien Paul Tillich, il nous faut donc bien comprendre l’importance centrale de la Croix. Si Jésus est bien le Christ, le porteur de l’Esprit, l’homme véritable uni à Dieu, en qui s’exprime l’unité de l’absolument concret et de l’absolument universel, alors la croix exprime le paradoxe christologique. Ce paradoxe veut que le concret (l’homme Jésus) dans lequel se produit l’irruption du salut – compris comme acte de Dieu – soit lui-même ébranlé par cette irruption, de sorte que sa concrétude (son être fini) ne puisse prétendre pour elle-même à l’absoluité.
La Croix est le symbole d’une universalité concrète qui est liée au sacrifice d’une particularité (Jésus de Nazareth). Seul Jésus crucifié peut être déclaré « Christ ».
C’est la raison pour laquelle, il faut rejeter toute divinisation idolâtre de la personne de Jésus, mais s’attacher à Jésus en tant qu’il est le Christ, le Porteur de l’Esprit (le « messie crucifié », « puissance de Dieu et sagesse de Dieu », pour le dire avec les mots de l’apôtre Paul (1 Co 1, 23-24)).
C’est en tant que Christ, et uniquement à ce titre, que Jésus est objet de foi, de religion et de théologie.
Par ailleurs, il faut également souligner qu’il existe une tension, dans le cadre de la révélation, entre l’identification de Dieu en Jésus (en tant que Christ) et l’identité propre à Dieu (cf. par ex. Lc 22, 42 ; Jn 14, 28).
D’une certaine manière (à la suite de Tillich), on pourrait dire que Jésus, en tant que Christ, « est identifié » à Dieu (car Dieu est en lui (2 Co 5, 19)), mais n’est pas « identique » à Dieu. Il est uni à Dieu, il est son Porteur, son Médiateur, son Révélateur, son Automanifestation, celui en qui Dieu se révèle et intervient.
(Pour dépasser cette tension dans le champ de la christologie, l’utilisation du concept relationnel d’unité est sans doute préférable à ceux d’identité, d’essence ou de nature. Cf. Jn 17, 11.12 ; Jn 14, 10.11.)
Pour formuler les choses autrement, on pourrait dire que dans le visage de Jésus le Christ « Dieu fait luire son visage vers nous ». Pour l’homme , il n’y a pas d’autre visage de Dieu que celui de Jésus, mais Dieu ne s’épuise pas, ne se résume pas dans ce visage. Il demeure le Transcendant (l’Eternel, le Créateur, le tout Autre, le fondement éternel de l’être et du temps) dont personne ne peut disposer.
[2] « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même (… ) » (2 Co 5, 19).
Le théologien Paul Tillich soutient que la Croix du Christ rend manifeste la participation de Dieu à la souffrance du monde. A la croix, Dieu prend sur lui les conséquences destructrices du péché, afin de les surmonter. Cependant, cette participation ne se substitue pas à celle de la créature. L’action divine ne se caractérise pas par la substitution, mais par la libre participation. C’est pourquoi Tillich remet en cause la doctrine de l’« expiation substitutive », et la remplace par celle d’« expiation participative ». Il propose d’envisager le salut en termes de participation (participer à la participation divine (manifestée en Jésus Christ)), d’acceptation (l’accepter) et de transformation (être transformée par elle). Ceci constitue une actualisation de la terminologie classique qui emploie les termes de régénération, justification et sanctification.

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