dimanche 4 mars 2012

Mt 5, 1-12

Mt 5, 1-12
Lectures bibliques : Ps 1 ; Mt 5, 1-12 ; Mt 7, 21-23 ; Mt 10, 24-25a. 38-39.
Série de prédications sur Mt 5 à 7 (le sermon sur la montagne) : n°1 – Mt 5, 1-12
Thématique : le bonheur et les béatitudes (De quel bonheur parle-t-on ? A qui s’adressent les promesses de Jésus ? Qu’est-ce qui caractérise le véritable bonheur selon Jésus ?)

Prédication = vois plus bas, après les lectures

Lectures

- Ps 1 (traduction TOB)

1Heureux l'homme
qui ne prend pas le parti des méchants,
ne s'arrête pas sur le chemin des pécheurs
et ne s'assied pas au banc des moqueurs,
2mais qui se plaît à la loi du SEIGNEUR
et récite sa loi jour et nuit !
3Il est comme un arbre planté près des ruisseaux :
il donne du fruit en sa saison
et son feuillage ne se flétrit pas ;
il réussit tout ce qu'il fait.
4Tel n'est pas le sort des méchants :
ils sont comme la bale que disperse le vent.
5Lors du jugement, les méchants ne se relèveront pas,
ni les pécheurs au rassemblement des justes.
6Car le SEIGNEUR connaît le chemin des justes,
mais le chemin des méchants se perd.

- Mt 5, 1-12 (traduction NBS)

Voyant les foules, [Jésus] monta sur la montagne, il s'assit, et ses disciples vinrent à lui.
2Puis il prit la parole et se mit à les instruire :
3Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux !
4Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés !
5Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !
6Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !
7Heureux ceux qui sont compatissants, car ils obtiendront compassion !
8Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !
9Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu !
10Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !
11Heureux êtes-vous lorsqu'on vous insulte, qu'on vous persécute et qu'on répand faussement sur vous toutes sortes de méchancetés, à cause de moi.
12Réjouissez-vous et soyez transportés d'allégresse, parce que votre récompense est grande dans les cieux ; car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.

- Mt 5, 3-10 (traduction Chouraqui)

En marche ceux qui sont spirituellement pauvres, car le royaume des cieux est à eux !
En marche ceux qui sont en deuil, car ils seront consolés !
En marche ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !
En marche ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ! 
En marche ceux qui sont compatissants, car ils obtiendront compassion !
En marche ceux qui ont le cœur disponible, car ils verront Dieu !
En marche ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !

- Mt 7, 21-23 (traduction TOB)

21« Il ne suffit pas de me dire : “Seigneur, Seigneur ! ” pour entrer dans le Royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. 22Beaucoup me diront en ce jour-là : “Seigneur, Seigneur ! n'est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé ? en ton nom que nous avons chassé les démons ? en ton nom que nous avons fait de nombreux miracles ? ” 23Alors je leur déclarerai : “Je ne vous ai jamais connus ; écartez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité ! ”

- Mt 10, 24-25a. 38-39 (traduction TOB)

24Le disciple n'est pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur. 25Au disciple il suffit d'être comme son maître, et au serviteur d'être comme son seigneur.

38Qui ne se charge pas de sa croix et ne me suit pas n'est pas digne de moi. 39Qui aura assuré sa vie la perdra et qui perdra sa vie à cause de moi l'assurera.


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 04/03/12

Sois heureux à tout prix !
Mets tout en œuvre pour être heureux !
Il y a, dans notre société contemporaine, une injonction au bonheur.
Il te faut absolument être heureux…sinon…. sinon ta vie est ratée !

Mais de quel bonheur parle-t-on ?

Le plus souvent, on définit le bonheur comme un état durable de plénitude et de satisfaction, comme un état d’équilibre général et agréable d’où la souffrance, le stress, l’inquiétude et le trouble sont absents.
On associe aussi indirectement le bonheur avec la chance, la bonne fortune dont il dépendrait et qu’il faut – si possible – mettre de son côté.

Le bonheur se présente plus ou moins comme un conte de fée dont on accueille l’image dans l’enfance, et que l’on a tendance à garder quelque part au fond de sa mémoire :
Si tu as de la chance et si tu travailles bien, tout ira pour le mieux. Tu auras un métier intéressant et rémunérateur. Tu seras reconnu et respecté. Tu épouseras l’homme ou la femme que tu aimes. Vous aurez une belle voiture, une maison confortable. Vous voyagerez, vous aurez pleins d’amis, de beaux enfants, et vous serez heureux pour toujours.
Ainsi, tu seras satisfait à tous les niveaux. Tu seras comblé par tous les plaisirs que la vie peu t’offrir.

A peu près tout le monde espère – ou a espéré – vivre un jour un tel bonheur : un bonheur où la vie est synonyme de plaisir, de bien-être, de richesse, de puissance, de vigueur, d’épanouissement… autrement dit, de satisfaction de ses désirs personnels.
Chacun se donne les moyens d’y parvenir… les moyens de construire ce bonheur idéalisé.

Mais, malheureusement, bien souvent, un problème surgit.
Il y a un truc qui coince quelque part… un imprévu … un événement qui vient menacer l’espérance d’atteindre un jour cette image du bonheur. Cet imprévu s’appelle ici ou là : échec scolaire ou professionnel, faillite, licenciement, chômage, divorce, accident, maladie, deuil, décès, etc.

Dès lors, plusieurs questions qui se posent :
Comment intégrer les éléments perturbateurs … les éléments malheureux… sans remettre en cause la possibilité même du bonheur ?
Plus fondamentalement, qu’en est-il de cette vison du bonheur ?
Un bonheur qui exclut en lui-même toute trace de malheur est-il possible ?
Et si ce type de bonheur devait exister, serait-il finalement si enviable ? Qu’aurait-on encore à attendre de la vie en étant toujours comblé, pleinement satisfait ?

Avec les « béatitudes », qui introduisent le sermon sur la montagne, Jésus prend le contre-pied de ce type d’attente et nous propose un autre bonheur… une autre espérance.
Ce bonheur repose avant tout sur un désir : le désir de vivre dans la fidélité à la loi de Dieu… car cette loi est – pour le psalmiste (Ps. 1), comme pour Jésus (Mt 5, 17-20) – la source des relations justes entre les hommes.

Que l’on considère personnellement le bonheur comme une réalité (vers laquelle tendre) ou simplement comme idéal (un idéal de l’imagination, comme l’écrit Emmanuel Kant), Jésus nous propose, pour sa part, de vivre le bonheur comme un cheminement… un chemin balisé par la volonté de Dieu… un chemin où l’on ne marche pas seul, mais en communion avec Dieu.
Et Jésus nous propose de nous y inscrire concrètement en nous y engageant, par nos choix, notre manière de vivre, notre responsabilité.
Car ce bonheur nécessite notre adhésion, notre engagement et notre fidélité à la loi de Dieu. Il convient de devenir soi-même signe du monde nouveau de Dieu auquel Jésus nous invite à aspirer, dont il nous appelle à être les artisans.

Plusieurs points caractérisent le bonheur des béatitudes. J’en relèverai quatre :
-       Premièrement, ce bonheur est conjugué à la fois au présent (V.3 & 10) et au futur (v. 4-9). Il s’agit donc d’une marche, d’un cheminement porteur de promesses. Le mot « heureux » vient d’un terme hébreux qui signifie « debout et en marche ». Ce qui indique bien que le bonheur n’est pas un état, mais une dynamique. C’est la démarche du croyant qui avance, qui se laisse orienter et transformer par Dieu.
-       Deuxièmement, le bonheur dont parle Jésus est un bonheur qui ne nie pas l’épreuve, mais qui est capable de l’intégrer, de la traverser et de la surmonter.
-       Troisièmement, il s’agit d’un bonheur qui s’enracine dans un comportement juste, dans un style de vie orienté par la Parole de Dieu, par la justice de Dieu : une Justice qui ne s’inscrit pas dans le donnant-donnant, la réciprocité, la symétrie, mais dans le don et la gratuité qu’offrent l’amour et la compassion (Mt 5, 38-48).
-       Quatrièmement, il s’agit d’un bonheur conjugué au pluriel. Jésus dit « heureux les doux… les miséricordieux … les artisans de paix… ». Il ne s’agit pas d’un bonheur égoïste, résultant du chacun pour soi, mais d’un bonheur qui ne prend sens que dans la relation à l’autre, dans le partage… à commencer par le partage de soi-même, de ses dons, de sa pauvreté. Le bonheur des béatitudes est orienté sur le rapport à l’autre, sur ce que l’on peut apporter et donner aux autres. Il se différencie donc de la quête traditionnelle d’un bonheur compris le plus souvent comme la satisfaction de son intérêt personnel. Précisément, le but de l’évangile n’est pas de courir après son propre bonheur, mais de « demeurer dans l’amour » (Jn 15, 9-17). Il me semble que cette conviction, qui nous appelle à élargir notre regard, prend racine dans une notion biblique (que l’on retrouve aussi dans la devise de la république française) : la fraternité. Je ne peux pas être heureux en étant indifférent à mon prochain. Je ne peux pas être véritablement heureux en commettant l’injustice, en perdant mon frère, en faisant abstraction de lui. Le bonheur évangélique est forcément conjugué au pluriel.

Sans reprendre tous ces points en détail, je voudrais m’arrêter avec vous [ce matin] sur deux points :

Premier point … A qui s’adressent les promesses de Jésus ? Qui concernent-elles ? Quels en sont les destinataires ?

Dans sa prédication, Jésus promet le bonheur mais il ne s’agit pas d’un bonheur « béat », tout rose, d’un bonheur indemne de tout malheur.
Il ne s’agit pas non plus d’un bonheur à construire uniquement par ses propres forces, à obtenir par soi-même… comme s’il ne dépendait que de nous de vivre seulement des bons moments, sans rencontrer un jour ou l’autre une difficulté sur notre chemin.

Personne n’est à l’abri d’un évènement malheureux, personne ne peut éviter qu’un événement tragique vienne un jour secouer son existence. C’est précisément parce qu’elles prennent au sérieux cette réalité que les assertions paradoxales des béatitudes (comme : « heureux ceux qui pleurent... ils seront consolés ») viennent nous interroger.
En effet, qu’est-ce qui peut nous permettre de transcender, de dépasser le malheur, les larmes, la violence, l’injustice ?

La réponse de Jésus est celle de l’espérance de celui qui cherche le royaume (Mt 6,33) : le monde nouveau de Dieu … l’espérance d’un bonheur malgré l’adversité… l’espérance d’un bonheur qui peu à peu se creuse dans la relation à Dieu… d’un bonheur qui est promis à qui marche à la suite du Christ, à qui adopte un comportement fondé sur les paroles de Jésus, à qui s’enracine dans les valeurs de l’Evangile (que sont la pauvreté, la douceur, la miséricorde, la paix), pour vivre une vie juste devant Dieu, une vie ajustée au désir de Dieu, fondée sur sa justice.

Autrement dit, pour Jésus, le véritable bonheur découle de la communion avec Dieu. Le bonheur ne dépend pas des valeurs de ce monde, de ce que l’on possède ou de ce dont on jouit, mais de ce que l’on est devant et avec Dieu (cf. Ps 1).

Cette communion avec Dieu est comprise comme un cheminement, comme un projet de vie, qui permet à l’homme de percevoir et d’occuper sa juste place dans le monde, dans sa relation aux autres. 

Le bonheur qu’évoquent les béatitudes n’est donc pas le bonheur « béat » de celui « qui éprouve une satisfaction niaise de soi-même » (pour reprendre la définition du terme « béat » selon le Trésor de la langue française), mais celui d’une marche qu’opèrent des personnes dont la vie est orientée par des valeurs opposées aux critères du monde, qui sont ceux de la puissance et de la réussite.

Ceux que Jésus appelle « bienheureux » sont ceux qui sont en marche vers le royaume et la justice de Dieu (Mt 6, 33).
Ce sont ceux qui ont adopté un certain style de vie… un style de vie fait de confiance, de pauvreté, de douceur, de compassion. Ce sont ceux qui ont le cœur disponible, qui sont des artisans de paix. Ce sont encore ceux qui ont faim et soif de justice (v.6) ou qui sont persécutés à cause de la justice (v.10).

En d’autres termes, ce sont des hommes et des femmes qui ont fait un choix de vie : celui de suivre le Christ.
Ce choix est synonyme d’une nouvelle manière de vivre. Il signifie l’adoption de certains comportements relationnels fondés sur l’amour et la compassion.
Ces comportements ne sont pas sans risque. Ils sont, au contraire, susceptibles de faire vivre ceux qui les empruntent dans la faiblesse, la vulnérabilité ou l’épreuve.

C’est à eux – à ceux qui s’engagent sur ce chemin – que Jésus promet le bonheur qui conduit au royaume des cieux (v.3 & 10), c’est-à-dire dans la proximité de Dieu.

Pour recevoir et vivre cette promesse, les auditeurs de Jésus sont donc invités à s’engager – à prendre leur part, à se charger de leur croix (Mt 10, 37-39) – à devenir « disciples », « artisans » du monde nouveau de Dieu, en adoptant une attitude nouvelle qui vit de la miséricorde du Père céleste (Lc 6, 36) et qui cherche sa justice.

- pause (chant ou musique) -

Après cet éclairage sur les destinataires des promesses de Jésus… j’en viens au second point… D’où vient le bonheur paradoxal des béatitudes ? Qu’est-ce qui caractérise le véritable bonheur selon Jésus ?

Le paradoxe des béatitudes vient du renversement des valeurs mis en avant (avec leurs conséquences possibles) et du bonheur promis correspondant (malgré ces conséquences).
Jésus ne dit pas « heureux les riches, heureux les forts », mais précisément le contraire. Il met en exergue des valeurs qui ne sont pas celles du monde.

Ce qui est paradoxal dans les béatitudes, c’est que ceux à qui s’adresse une promesse de bonheur sont définis par leur comportement, par la décision qu’ils ont prise d’adopter une attitude juste (inspirée de la miséricorde et la générosité de Dieu). En raison de cette attitude, ils sont – pour certains d’entre eux – l’objet de pressions ou de répression. Mais, en même temps, ils sont dores et déjà déclarés « bienheureux ».

Autrement dit, Jésus déclare (paradoxalement) « bienheureuses » des personnes qui – au moins en partie – semblent subir une situation difficile ou même une forme de malheur (révélé par des larmes (v.5) ou des persécutions (v.10)). Ces épreuves sont comprises comme la conséquence possible d’un comportement juste, comme ce qui résulte du choix de ces hommes et ces femmes de Dieu, qui ont pris appui sur des valeurs justes, en y souscrivant concrètement.

Il y a donc une tension entre le royaume, le monde nouveau de Dieu, dans lequel les disciples sont déclarés « bienheureux », et le monde présent, la société dans laquelle les disciples continuent à vivre, en subissant parfois des situations difficilement supportables.

Jésus prévient ses disciples (cf. aussi Mt 8, 20). Il est possible que ceux qui s’enracinent fidèlement dans la volonté de Dieu, dans sa loi, puissent en subir les conséquences, dans la mesure où ils viennent s’opposer aux logiques de notre monde (marqué – nous le savons – par l’injustice, le règne de la force et de la violence des plus puissants)… afin de changer les mentalités, de les orienter dans la perspective du royaume de Dieu.

Le paradoxe des béatitudes met donc en avant – et en concurrence – deux conceptions du salut : celle que Jésus vient proposer, et celle à laquelle les humains ont majoritairement adhéré, à savoir qu’il n’y a de salut qu’avec plus d’avoir et plus de pouvoir.
C’est précisément cette vision du salut que les béatitudes contestent.

Certaines promesses des béatitudes sont au présent (v.3.10) et d’autres au futur (v.4-9).
Cela signifie que ceux qui ont « l’esprit de pauvreté » (v.3) ou qui sont « persécutés pour la justice » (v.10) sont dores et déjà dans la proximité du royaume, du monde nouveau de Dieu.
Ce monde nouveau n’est donc pas seulement un monde à venir, mais c’est une réalité qui est déjà là (cf. Lc 17, 20-21), qui a déjà pris pied sur notre terre avec Jésus, et qu’il nous invite à rechercher.
Aux autres – aux affligés, aux affamés de justice – est promis un bonheur à venir, un bonheur capable de surmonter leur malheur actuel : lorsqu’ils seront consolés (v.5) ou rassasiés de la justice de Dieu (v.6). 

Le bonheur promis par Jésus est un bonheur qui n’est pas une négation du malheur, mais qui est compris comme son dépassement. Et c’est en cela qu’il s’agit du véritable bonheur, d’un bonheur inespéré… car c’est un bonheur qui non seulement ne nie pas les difficultés, ni les épreuves, mais qui est capable d’intégrer le malheur en le traversant et en le surmontant.
C’est un bonheur capable de vaincre définitivement le malheur, et, de ce fait, apte à atteindre un point de non retour… une « forme » d’éternité.

Personnellement, ce que j’aime dans les béatitudes, c’est cette idée d’un bonheur qui n’est pas naïf… d’un bonheur qui prend acte et qui intègre la possibilité même du malheur.
Il me semble que les béatitudes viennent s’opposer à une idée récente du bonheur selon laquelle rien de doit venir altérer notre bonheur.
Dans les béatitudes, Jésus ne dit pas « heureux ceux qui ne pleurent pas », mais « heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés ».
Il montre par là qu’il n’y a pas de véritable bonheur intact… indemne d’une part de malheur. Il n’y a pas de vrai bonheur sans trace d’un malheur surmonté.

Autrement dit, il n’y a pas de bonheur possible sans intégration de ce qui pourrait venir s’y opposer et le limiter, sans intégration de la possibilité même d’une résistance au bonheur, de la survenue d’un malheur.
Jésus n’exclut pas la dimension possible du malheur, mais il annonce un bonheur capable de la traverser et de la dépasser.

Cette force capable de surmonter le malheur jusqu’à atteindre le bonheur, c’est la relation à Dieu, l’assurance de sa présence en toute circonstance, la certitude de sa proximité pour qui vit de sa Parole (Mt 7, 24 ; Mt 25, 40).

Il s’agit d’un bonheur qui trouvera son plein accomplissement dans le futur, mais qui, en réalité, commence dès maintenant.
En effet, la pleine félicité à venir est comprise comme une conséquence immédiate d’un présent qui est vécu au service de la volonté de Dieu.

Ceux qui reçoivent la promesse d’un bonheur sont ceux qui cheminent dès maintenant à la suite du Christ, qui agissent courageusement et patiemment pour la paix, la douceur ou la miséricorde, qui sont au service de la justice de Dieu… autrement dit… ce sont des hommes et des femmes qui vivent déjà dans la perspective du royaume des cieux… qui sont dé-préoccupés d’eux-mêmes (Mt 6, 25.31-33 ; Mc 8, 34-35) et tournés vers les autres.
En vivant dans l’amour du prochain, ils sont déjà entrés dans la logique de la promesse, ils sont déjà associés à la joie des enfants de Dieu.

En relisant attentivement les béatitudes, on peut constater que Jésus met l’accent sur une double proclamation : la recherche de la justice et la promesse de la justice (Mt 5, 6 & 10).
Cela montre que pour Jésus, le véritable bonheur – le bonheur de celui qui marche sous le regard de Dieu, en s’enracinant dans sa Parole – est lié à cette notion de « justice » de Dieu.
Seul le juste, seul celui qui tente d’accomplir la volonté de Dieu (Mt 7, 21), en enracinant son existence dans les valeurs de l’Evangile, participe à la proximité du royaume des cieux.
Par ses choix et son style de vie – fait de pauvreté, de douceur, de paix – il peut certes traverser de situations difficiles et éprouvantes, puisqu’il s’oppose aux valeurs du monde – fondées sur la richesse, la puissance et la force – mais il est assuré de marcher dans la bonne direction, il est certain de vivre ses relations aux autres dans la justesse des commandements divins fondés sur l’amour et la miséricorde du Père (Mt 6, 44-45. 48).

Les béatitudes nous donne donc un nouveau regard sur la notion de « bonheur ». Le bonheur dont parle Jésus ne peut pas être un bonheur égoïste. Il ne désigne pas ce qu’on peut entendre habituellement derrière ce mot lorsqu’on l’assimile aux termes : plaisir, jouissance, chance, bonne fortune. Ce n’est pas le bonheur de l’homme riche, de celui qui satisfait ses désirs personnels ou de celui à qui la vie sourit. Mais il advient dans la réalisation de la « justice », c’est-à-dire dans la fidélité à la loi de Dieu.
Pour Jésus, seul celui qui tente d’accomplir ce qui est juste aux yeux de Dieu, de mettre en pratique sa Parole, peut être déclaré « bienheureux », car il sait qu’il répond à ce que Dieu veut pour l’être humain.
La « justice » pour l’évangéliste Matthieu (cf. aussi en Gn 15,6) est un engagement : une fidélité de vie, une vie ajustée au désir de Dieu, à laquelle le croyant décide de se tenir.

Conclusion

Alors, Frères et sœurs, que retenir de cette méditation des béatitudes ?

Jésus appelle ses disciples à le suivre, à adopter un style de vie, un comportement qui s’enracine dans l’amour, la paix et la justice.
En s’engageant sur ce chemin, le disciple reçoit une promesse… non pas celle que rien ne lui arrivera, qu’il ne traversera pas de situations difficiles… mais la promesse que, malgré ces évènements, rien ne peut altérer le bonheur qui lui est promis : celui de vivre dans la proximité de Dieu. C’est, en effet, ce qu’expriment les différents termes : « avoir le royaume des cieux » (v.3.10), « voir Dieu » (v.8) ou « être appelé fils de Dieu » (v.9).
Adopter et mettre en pratique les valeurs de l’Evangile, c’est vivre dans la proximité de Dieu.

La conviction sous-jacente aux béatitudes est que seule la vie devant Dieu et avec Dieu peut véritablement procurer le bonheur, c’est-à-dire nous mettre « debout et en marche », dans une dynamique de vie.
Ce bonheur que Dieu nous donne nous ne pouvons pas l’arracher, le conquérir, mais nous pouvons le recevoir, en apprenant à vivre de son amour, en apprenant à nous libérer de nos égoïsmes, pour nous ouvrir aux autres.
Et pour cela – pour peu à peu nous laisser transformer – il faut d’abord nous mettre à l’écoute de sa Parole.
Ecouter, ce n’est pas rester à distance, c’est suivre et s’engager. Il n’y qu’une manière adéquate d’écouter les paroles de Jésus, c’est de marcher à la suite du Christ, en mettant ses paroles en pratique, en plaçant notre confiance en Dieu.

Alors…que l’Esprit saint nous conduise et nous aide à marcher dans l’esprit des béatitudes.
Amen.



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