dimanche 22 janvier 2012

Mt 3

Mt 3
Lectures bibliques : Mt 3 ; Jn 2, 13-16 ; 1 Co 3, 16-17 ; Dt 6, 4-5 ; Ps 42, 2-6.
Louange : Ps 63, 2-9.
Volonté de Dieu : Rm 13, 8-14.
Thématique : Se convertir : changer de mentalité… orienter son désir vers Dieu… laisser Dieu être Dieu en soi.

Prédication = voir plus bas, après les lectures.

Lectures

- Mt 3

En ces jours-là paraît Jean le Baptiste, proclamant dans le désert de Judée : 2« Convertissez-vous : le Règne des cieux s'est approché ! » 3C'est lui dont avait parlé le prophète Esaïe quand il disait : « Une voix crie dans le désert : “Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.”  » 4Jean avait un vêtement de poil de chameau et une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. 5Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui ; 6ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés.

7Comme il voyait beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens venir à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d'échapper à la colère qui vient ? 8Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion ; 9et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : “Nous avons pour père Abraham.” Car je vous le dis, des pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants à Abraham. 10Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu.

11« Moi, je vous baptise dans l'eau en vue de la conversion ; mais celui qui vient après moi est plus fort que moi : je ne suis pas digne de lui ôter ses sandales ; lui, il vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu. 12Il a sa pelle à vanner à la main, il va nettoyer son aire et recueillir son blé dans le grenier ; mais la balle, il la brûlera au feu qui ne s'éteint pas. »

13Alors paraît Jésus, venu de Galilée jusqu'au Jourdain auprès de Jean, pour se faire baptiser par lui. 14Jean voulut s'y opposer : « C'est moi, disait-il, qui ai besoin d'être baptisé par toi, et c'est toi qui viens à moi ! » 15Mais Jésus lui répliqua : « Laisse faire maintenant : c'est ainsi qu'il nous convient d'accomplir toute justice. » Alors, il le laisse faire. 16Dès qu'il fut baptisé, Jésus sortit de l'eau. Voici que les cieux s'ouvrirent et il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 17Et voici qu'une voix venant des cieux disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu'il m'a plu de choisir. »

- Jn 2, 13-16

La Pâque des Juifs était proche et Jésus monta à Jérusalem. 14Il trouva dans le temple les marchands de bœufs, de brebis et de colombes ainsi que les changeurs qui s'y étaient installés. 15Alors, s'étant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, et les brebis et les bœufs ; il dispersa la monnaie des changeurs, renversa leurs tables ; 16et il dit aux marchands de colombes : « Otez tout cela d'ici et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. »

- 1 Co 3, 16-17

Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? 17Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira. Car le temple de Dieu est saint, et ce temple, c'est vous.

- Dt 6, 4-5

ÉCOUTE, Israël ! Le SEIGNEUR notre Dieu est le SEIGNEUR UN. 5Tu aimeras le SEIGNEUR ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force.

- Ps 42, 2-6

Comme une biche se tourne
vers les cours d'eau,
ainsi mon âme se tourne
vers toi, mon Dieu.

3J'ai soif de Dieu,
du Dieu vivant :
Quand pourrai-je entrer
et paraître face à Dieu ?

4Jour et nuit,
mes larmes sont mon pain,
quand on me dit tous les jours :
« Où est ton Dieu ? »

5Je me laisse aller
à évoquer le temps
où je passais la barrière,
pour conduire jusqu'à la maison de Dieu,
parmi les cris de joie et de louange,
une multitude en fête.

6Pourquoi te replier, mon âme,
et gémir sur moi ?
Espère en Dieu !
Oui, je le célébrerai encore, 
lui et sa face qui sauve.


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 22/01/12

Nous poursuivons ce matin notre lecture méditative de l’évangile selon Matthieu.
Nous avons l’habitude d’entendre ce passage de la Bible pendant le temps de l’Avent qui précède la fête de Noël. Mais il va de soi que l’appel à la conversion qu’adresse ici, de façon semblable, Jean le Baptiste (Mt 3,2) et Jésus (Mc 1,15), ne se limite pas à quelques semaines de l’année. La conversion est à la fois un retournement et un cheminement qui concerne notre vie quotidienne dans la durée… tout au long des jours qui forment et transforment notre existence.

Les termes grecs metanoéo, métanoia, traduits par « se convertir, conversion », font allusion à un changement d’esprit ou de mentalité, à un renversement de pensé ou de perspective. Ces termes traduisent deux verbes distincts en hébreux : le 1ershuv, veut dire « se re-tourner, re-venir » ; le 2ndniham, veut dire « se repentir, renoncer ».
Dans notre passage, cette notion de conversion ou de repentir est étroitement associée à la venue du Royaume. Mais dans l’évangile de Matthieu et celui de Marc, les deux termes sont associés dans un ordre inverse :
« Convertissez-vous : le règne des cieux s’est approché ! » (Mt 3, 2)
« Le règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Evangile » (Mc 1, 15)
La question qui se pose est alors de savoir ce qui vient en premier : est-ce la conversion qui permet d’accueillir le royaume qui vient ? ou, est-ce l’advenue du royaume qui produit la conversion ?
Les évangiles associent, en réalité, les deux aspects : C’est le royaume qui vient en premier. A travers Jésus Christ, c’est le royaume de Dieu qui s’approche et qui vient se manifester dans notre histoire. Ce royaume, il vient de Dieu et non des capacités humaines à le réaliser (seuls, par nous-mêmes). Mais, si, en Jésus Christ, le royaume de Dieu vient jusqu’à nous, il faut encore, individuellement, se préparer à l’accueillir dans sa propre vie.
Autrement dit, si, en Christ, Dieu nous offre son amour et sa grâce, et nous invite à vivre réconciliés et libres, il est de notre ressort de recevoir son offre de salut dans la foi et d’en vivre concrètement. C’est pourquoi l’évangéliste Matthieu comme l’apôtre Paul insistent sur la conversion… sur le changement, la transformation nécessaire pour accueillir le Christ et le revêtir (cf. Ep 4,24 ; Col 3,10-11 ; Ga 3,26-27 ; Rm 13,14), afin de vivre une vie nouvelle sous le regard de Dieu.
L’aspect réceptif du salut, offert par la grâce agissante de Dieu, est ainsi, d’une certaine manière, actif (et non passif), car il faut accepter de laisser agir l’amour de Dieu en nous.
Il nous appartient d’ouvrir les verrous de notre cœur et de notre intelligence, de faire de la place à l’Esprit de Dieu, de se laisser transformer par lui, pour peu à peu faire naître le Christ en nous.

La possibilité de la conversion vient de l’écoute… de la faculté de recevoir une parole extérieure à nous, en nous. Cala implique qu’il y ait un peu de place en nous, et donc que nous ne soyons pas plein de nous-mêmes. C’est pourquoi, le premier stade de la conversion est souvent la repentance, c’est-à-dire le fait de reconnaître que bien souvent il n’y a pas cette disponibilité, cette place, ce creux en nous pour accueillir autre chose que nous-mêmes, que bien souvent nous prenons toute la place, nous nous faisons le centre de nous-mêmes, au lieu de laisser cette place à Dieu.
La conversion est un retournement, mais aussi – et peut-être surtout – un cheminement de foi qui consiste à se laisser saisir et orienté par l’Esprit divin, pour que le Dieu de Jésus Christ à qui nous parlons au moment du culte, que nous louons, à qui nous adressons nos prières, soit avant tout un Dieu qui nous parle, que nous entendons, qui nous change et nous construit : un Dieu qui communique (non pas directement, mais à travers les autres, à travers les langages humains, à travers les Ecritures), un Dieu qui vient se manifester à nous pour nous appeler à nous mettre à son écoute, à accueillir sa parole dans notre intériorité, à nous laisser transformer par elle.

La repentance – comme le montre Jean Baptiste en adressant quelques vivres invectives à ses auditeurs (v.7) – commence généralement par une prise de conscience… prise de conscience du fait que l’on est dans une relation faussée à Dieu, à soi-même et aux autres, afin d’entamer un chemin de guérison qui permet de trouver, ou de retrouver, une relation juste à Dieu, à soi-même et aux autres.

La conversion implique donc un changement dans les mentalités et les comportements, une rupture dans les croyances et les pratiques.
Cela veut dire changer notre compréhension du monde, nos représentations, nos comportements… se libérer des idées reçues et des idoles, mais aussi des mécanismes de notre société qui bien souvent nous enferment et nous réduisent à la passivité du consommateur, à l’inertie ou à l’indifférence.
Cette rupture est symbolisée, dans le passage que nous avons entendu, par l’image de la hache « prête à attaquer les arbres à la racine »(v.10).
Il s’agit, en effet, de changer de mentalité…de réorienter notre manière de vivre, de penser et d’agir… pour entrer dans la gratuité de l’amour de Dieu (aussi bien avec Dieu, qu’avec les autres).
Et ce changement, c’est Dieu lui-même qui l’opère en nous.
Cela signifie qu’il faut en premier lieu laisser Dieu être Dieu en soi… qu’il faut lui ouvrir les portes de notre intériorité…  pour que puisse se creuser le désir de Dieu dans notre puits intérieur.

Lorsque je parle ici de « désir de Dieu », comme l’on fait de nombreux chrétiens : des théologiens, des mystiques, des moines, de quoi parle-t-on ?
Il ne s’agit pas ici de chercher à satisfaire un désir en comblant un manque, mais, au contraire, de creuser le désir de l’Autre, le désir de Dieu. Et là, se pose la question de notre attente, de notre recherche. Quelle est la nature de notre attente vis-à-vis de Dieu ?

Certains n’attendent rien de Dieu. (Soit, face au scepticisme ambiant, ils n’ont jamais rien attendu de lui. Soit, face à l’expérience d’une vie douloureuse marquée par un certain nombre d’épreuves et de souffrances, ils n’attendent plus rien de lui). D’autres attendent que Dieu réponde à toutes leurs attentes et qu’il vienne combler toutes leurs prières (comme si Dieu était le seul acteur en toute situation, comme s’il était le seul responsable des difficultés ou des malheurs qui accablent notre humanité). D’autres, enfin, attendent Dieu, pour Lui-même, comme on attend quelqu’un qu’on aime, un ami, un Père, quelqu’un avec qui on est en confiance, quelqu’un qui nous encourage, qui nous offre son discernement, pour nous aider à faire les bons choix (ceux qui nous orientent vers la vie), quelqu’un qui est présent à nos côtés quels que soient notre situation et nos choix.

C’est dans cette 3ème voie que j’aimerais vous inciter à chercher ce matin : de tendre vers Dieu, comme on tend vers une « personne » aimée… en réalité vers la source de l’Amour.

Une manière de parler de cette recherche de Dieu peut s’exprimer en termes de « désir », car le désir est le moteur de notre vie, la cause de nos actions, c’est ce qui nous motive, nous dynamise et nous donne envie de nous lever le matin.
Alors, si notre relation à Dieu est importante, fondamentale pour nous, s’il s’agit d’une véritable recherche, d’une quête, on peut parler de « désir de Dieu », comme d’une préoccupation ultime, comme le désir d’être réuni à Lui, parce qu’il nous aime et que nous souhaitons répondre à son amour, en lui offrant le notre.

Or, lorsqu’on aime quelqu’un, on n’attend pas de lui telle ou telle chose, on ne le désire pas pour ce qu’il peut faire ou procurer, pour sa fonction ou son utilité, mais on désire l’autre pour lui-même, dans sa singularité, avec sa personnalité, pour ce qu’il est, dans la liberté et la gratuité de l’amour.

Alors… peut-il en être ainsi dans notre relation avec Dieu ?
Peut-on aimer Dieu pour Lui-même, désirer vivre en sa présence, sans forcément attendre autre chose que cette présence, que sa seule confiance… cette confiance qui nous permet de vivre l’Evangile dans sa radicalité, avec les changements qu’il impose, quand il s’agit, par exemple, de convertir notre regard (Mt 6,22), de ne pas servir deux maîtres (Mt 6, 24), de vivre dans la confiance (Mt 6, 25ss), d’aimer ses ennemis (Mt 5,44), de renoncer à son bon droit, pour vivre dans le don et la gratuité (Mt 5, 38-42) ?

Je ne veux pas ici remettre en cause les prières de demande que nous pouvons adresser à Dieu, mais je crois qu’il faut savoir interroger le type de relations, de rapports que nous entretenons avec les autres, tout comme avec Dieu.
Notre relation à Dieu ne se limite-t-elle pas bien souvent à lui demander quelque chose ? Quelle place nous donnons nous lorsque nous nous tenons en présence de Dieu ? Sommes-nous comme un marchand ? un serviteur ? ou un ami ? un fils ?
La prière n’est pas une monnaie d’échange, un lieu de commerce ou de marchandage avec Dieu. Dans la prière, nous ne sommes pas dans le donnant-donnant, nous ne sommes pas dans une relation d’intérêt ou de négociation avec Dieu, mais dans la gratuité et la confiance propre à toute vraie relation.
En réalité, la prière n’a d’autre objet que l’union à Dieu. Comme dans une relation d’amitié sincère ou d’amour véritable, ce que nous donnons à l’autre, ce que nous pouvons donner à Dieu, c’est nous-même, notre personne toute entière. C’est tout notre être que nous pouvons librement offrir à Dieu dans la confiance.

Lorsque je dis cela, j’ai bien conscience qu’il est parfois difficile de lâcher prise et d’oser la confiance totale : le don de soi, la remise de soi-même à un Autre. Mais, je crois que c’est là qu’il faut creuser et nous interroger : dans notre relation à Dieu, prenons-nous pleinement au sérieux l’amour que Dieu nous offre ? Si ce que Dieu nous donne, c’est Lui-même, s’Il se donne totalement… est-ce que nous osons, nous aussi, lui offrir ce que nous sommes ? tout ce que nous sommes, sans peur, sans réserve, sans rien garder pour nous ? est-ce que nous pouvons le faire gratuitement, sans condition, sans demande, sans marchandage ?

La conversion consiste peut-être en premier lieu à chasser les vendeurs du temple… les marchands qui rôdent parfois en nous-mêmes… nous qui sommes appelés à être le temple de Dieu (comme le dit l’apôtre Paul), à accueillir son Esprit pour le laisser habiter en nous (1 Co 3, 16-17), pour nous laisser transformer par Lui.

-       Pause musicale  -

Parler de désir et d’amour pour Dieu implique de reconnaître que nous sommes dans une situation de manque, dans une situation de séparation vis-à-vis de Dieu.
Cette situation a été décrite symboliquement dans le chapitre 3 du livre de la Genèse, à travers le récit de la chute, de la sortie du jardin d’Eden. Avec ce récit, le rédacteur du livre de la Genèse nous fait comprendre que nous vivons notre existence présente dans une situation d’aliénation, de séparation d’avec Dieu.
L’être humain est créé pour être en relation, en communion avec Dieu. Mais, en vivant éloigné de Lui, nous nous trouvons en contradiction avec notre être essentiel, notre être véritable.
C’est là, en réalité, ce qu’est le péché. Fondamentalement, le péché est une manière de se détourner de Dieu, de se détourner de notre véritable vocation d’être humain uni à Dieu.

Or, l’amour est précisément ce qui permet de rentrer en communion ; c’est ce qui vient inscrire une relation là où il y avait séparation et éloignement. Autrement dit, l’amour permet d’unir ou de ré-unir ce qui est ou a été séparé.
Ce dont il est question dans l’amour, c’est l’union ou la ré-union à l’Autre. C’est l’autre qui est désiré, aimé.
L’amour, en tant qu’union à l’autre, ne se situe pas dans la catégorie des choses que l’on demande, mais dans celle du don : d’un don total, libre et gratuit… le don de soi…. et dans celle d’une présence : pour vivre en présence de l’autre, l’accueillir en silence, se mettre à son écoute, partager sa présence.

Alors… peut-il en être ainsi dans notre relation avec Dieu ?
L’essentiel de la prière n’est-il pas d’accueillir la simple et silencieuse présence de Dieu… qui est là… qui nous offre une relation… son amour… pour nous réjouir le cœur… ou pour nous parler, nous conseiller, comme un ami dont nous sollicitons le discernement ?

Aimer Dieu, c’est avant tout vivre en communion avec Lui, c’est vivre en Dieu, ce n’est pas attendre que Dieu accomplisse telle ou telle chose que nous pourrions lui demander.
Je crois qu’une phrase de Jésus dans l’évangile de Jean explique bien cette communion d’amour, cette union possible – en l’homme – entre Dieu et l’homme… cette unité (de Dieu et de l’homme) concrétisée en Jésus…qui fait de lui le Christ. Philippe interroge Jésus et lui demande de lui montrer le Père. Jésus lui répond la chose suivante : « Pourquoi dis-tu : "Montre-nous le Père" ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? » (Jn 14, 9-10).
Jésus exprime ici la communion personnelle qu’il vit avec le Père, avec ce Dieu qui est Esprit (Jn 4, 24), qui est Amour (1 Jn 4, 16).
Le récit du baptême de Jésus que nous avons entendu (Mt 3, 16-17) ne dit pas autre chose. Il révèle que Jésus est rempli de l’Esprit au moment de son baptême, qu’il est le Christ, le porteur de l’Esprit… que l’Esprit divin (que Dieu) agit en lui.
L’apôtre Paul dit, avec ses mots, la même chose, lorsqu’il affirme que « Dieu était en Christ » (2 Co 5, 19).
Lorsque Paul invite les premiers chrétiens à vivre en Christ, il les appelle à vivre en communion avec Dieu, à la suite de Jésus Christ. Autrement dit, il invite ses interlocuteurs à faire naître le Christ en eux, en accueillant l’Esprit de Dieu, en se laissant transformer par lui.

Alors, comment s’engager sur ce chemin d’union avec Dieu ?

Si on devait actualiser ou transposer l’appel à la conversion de Jean le Baptiste et de Jésus pour notre monde contemporain – appel à changer de mentalité –  je crois qu’on pourrait l’entendre, en premier lieu, comme un appel au détachement, une invitation à se libérer de tout ce qui nous encombre, de tout ce qui nous rend esclave, de toutes les choses, les biens matériels, les idoles, les préoccupations qui prennent tant de place dans notre vie, et finissent bien souvent par prendre la place de Dieu.
La principale difficulté, dans la vie spirituelle, c’est l’occupation de l’espace. S’il y a déjà trop de préoccupations en nous, plus personne ne peut entrer, même ce qui devrait être notre préoccupation ultime.
Si notre cœur est plein, si notre vie ou notre agenda débordent, il n’y a souvent plus de place pour Dieu… pour le don… pour la gratuité.
On ne peut rien verser dans un vase déjà plein d’eau… c’est bien connu !

Alors, l’interpellation de Jean le Baptiste peut nous conduire à réfléchir à nos priorités et nous inciter à faire des choix.
Qu’est-ce qui compte vraiment à nos yeux ? Qu’est-ce qui a du poids ? Et surtout, qu’est-ce qui nous rend véritablement vivant ?
Derrière nos désirs éphémères, nos préoccupations provisoires, qui bien souvent nous attachent, nous emprisonnent, et nous détournent de l’essentiel… quelle est notre véritable soif  ? quel est notre véritable désir ?
Ne serait-ce pas d’entrer en communion avec Dieu ? de prendre du temps pour se rendre disponible à la présence de Dieu ? pour découvrir une autre dimension à notre existence… une profondeur insoupçonnée… plus de liberté, de confiance, de paix en nous-mêmes ?

L’appel à la conversion n’a pas pour but d’éteindre la flamme de notre désir, de notre dynamisme, de notre élan – il faut en finir avec l’image d’un christianisme triste, pénitent, masochiste ou castrateur – mais la question que soulève cet appel est celle de son orientation : acceptons-nous d’orienter notre désir vers Dieu ? et de le laisser, lui-même, nous orienter vers ce qui fait vivre ? (Mc 8, 34-35).

Orienter son désir vers Dieu, c’est faire comme le semeur qui sème dans la bonne terre pour porter du fruit (Mt 13, 23)… c’est accueillir le royaume qui vient à nous, qui s’approche en Jésus Christ… c’est accepter de recevoir le don de Dieu (son Esprit sanctifiant) et lui offrir ce que nous sommes… dans la certitude que cette communion spirituelle nous conduira dans une dynamique de transformation qui engendrera de bons fruits (Mt 3, 10 ; 7, 19-20). 

Vivre en communion avec Dieu, c’est nous interroger sur notre manière d’habiter le monde… de vivre notre quotidien.
Le quotidien nous offre une pluralité de lieux, d’activités, de moments différents à vivre. La question qui nous est posée est de savoir si nous pouvons en toutes occasions (quelles que soient nos activités) nous tourner vers Dieu, rester unis à Lui.
Cela implique de ne pas être esclave de ce que nous faisons, de garder une certaine liberté intérieure, pour se rendre présent à Dieu qui, lui, est présent en chacun de nous[1]… mais aussi de savoir prendre du recul en toute situation, pour que nos actes s’enracinent dans le don et la gratuité que prône l’Evangile de Jésus Christ.

C’est en se rendant présent à Dieu que nous sommes véritablement présents à nous-mêmes[2].

Chers amis, frères et sœurs… c’est à chacun de nous qu’il appartient d’orienter son désir vers ce qui fait vivre… vers ce qui, seul, peut constituer notre préoccupation ultime.
C’est à chacun de nous de convertir notre relation à Dieu, pour y exclure toute relation commerciale, tout donnant-donnant,… et découvrir – ou redécouvrir – la simplicité d’une relation de confiance… une relation où prime le don et la gratuité de l’amour, la joie de la simple présence à l’Autre.
C’est à chacun de nous de faire de la place à Dieu dans notre vie quotidienne, de rester intérieurement uni à Lui en toutes circonstances.

Autrement dit… c’est à toi, de laisser Dieu être Dieu en toi !

Je conclurai cette méditation par une phrase de Jean-Jacques Rousseau que je complèterai librement :
« Malheur à celui qui n’a plus rien à désirer »[3] dit le philosophe des Lumières.
Mais, heureux… Heureux celui qui désire suivre le Christ, pour vivre en communion avec Dieu, il creusera chaque jour davantage – avec les autres – son puits intérieur, pour que s’y répande la source de la vie éternelle.
Amen.


[1] Dieu est « plus intime à moi que moi-même » disait Augustin. De même, pour Luther, Dieu est plus proche d’un être que celui-ci ne l’est de lui-même.
[2] Guillaume de Saint-Thierry, un moine cistercien, priait ainsi : « Tant que je suis avec toi, je suis aussi avec moi ; en revanche, je ne suis pas avec moi tant que je ne suis pas avec toi ».
[3] Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, 1761, VIème partie, lettre VIII. 

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